Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Steamboy


Japon / 2004

22.09.04
 



A VOIR ET A VAPEUR





"- Une invention dénuée de philosophie n'apporte que le malheur."

En voyant ce gamin, Ray - proche cousin de Kaneda dans Akira, aussi buté, tout autant roublard, mais bien plus déterminé - s'éclater avec les jouets imaginés par Katshiro Ôtomo, le spectateur, qu'il connaisse ou non Akira, se régalera. Dans un univers à la Jules Verne, en pleine révolution industrielle, passant d'un Tokyo futuriste à un Londres passéiste, mais dans les deux cas nous voilà immergés dans un décor fantasmagorique, entre machines et cité. Car Steamboy n'est qu'une déclinaison mieux maîtrisée d'Akira.
Si Ôtomo ne renouvelle aucun de ses thèmes, de ses messages, malgré la différence d'époques et de civilisations, il progresse incontestablement sur trois points, qui font de Steamboy une grande aventure en 2D. Sa narration devient limpide, même s'il n'évite pas certaines confusions issues du côté très parlé des mangas. Mais Ômoto n'est pas Mamoru Oshii (Avalon, Innocence). Les raccourcis scénaristiques sont toujours justifiés pour valoriser le second bonus du film : l'action. Il est sans aucun doute aujourd'hui l'un de ceux qui sait filmer et rythmer des séquences d'une ampleur parfois sidérante pour un cartoon. En mélangeant à la fois une qualité cinématographique concrète et le potentiel offert par l'animation, le cinéaste nous offre des morceaux de bravoure jouissifs, qui flirtent avec les meilleurs mangas de ces dernières années. Mais aussi parmi les meilleurs films d'action, supplantant les productions hollywoodiennes. Il suffit de voir la première séquence de poursuites avec le train, le dirigeables et les bicycles motorisés pour se faire saisir l'envie de plaire et de faire plaisir au spectateur. Tout en réalisme et en tension. A cela ajoutons une direction artistique magnifique. Là aussi, Ôtomo a amélioré techniquement ses talents : éclats de verre, jeux d'optique, effets de lumières, glaciation... Londres a même des airs d'estampe japonaise, avec sa Tamise noire et ses toits bruns. Steamboy est un bijou esthétique.
Alors que peut-on reprocher? Cette étrange propension pour l'Anime japonaise à vouloir filmer une Europe (exotique) kistch et nostalgique?
Ou bien cette récurrence des thématiques de cet auteur qui ne parvient toujours pas à répondre vraiment aux questions qu'ils se pose?
Ou encore cette ressemblance un peu lassante entre les personnages masculins, qui ne parviennent pas à sortir de leur adolescence et d'un manque d'expressions variées? Au point que le père de Ray a trop d'analogies avec le puissant militaire d'Akira.
Ou enfin cette impuissance à dessiner un dessein amoureux au sein de son couple (Kenada / Kay dans Akira, Ray / Scarlett ici)?

Reste que Steamboy trouve un bel écho en notre début de siècle. "Pas de progrès sans risques." Ômoto continue d'explorer les limites éthiques de la science et son inceste périlleux avec le pouvoir, et notamment l'armée. Ici, au contraire d'Akira, nul messie et point de peuple pour faire la révolution. Désillusion? Il faut compter sur la nouvelle génération et la fatalité d'une auto-destruction de ce progrès inhumain (ou déshumanisé, comme on veut). Le film, comme Akira, s'amorce avec une catastrophe. Obsédé par l'apocalypse, touché certainement par un syndrome post-Hiroshima, Ômoto insuffle une peur paniquante dans chacun de ses films. L'homme peut être écrasé par son propre pouvoir, par ses propres machines. Enormes machines qui s'emballent facilement quitte à broyer les hommes. De belles et infernales mécaniques (foisonnantes de détails) au service d'une productivité qui laisse peu de place au rêve. Fumées noires et vapeurs blanches, dans un monde terne - marron, beige ou gris - seule l'inventivité peut permettre l'évasion. Il y a ainsi quelques moments de grâce, où l'on peut respirer, espérer.
Car la réalité sociale est dépeinte durement. Les élites et le patronat ne s'embarrassent pas de principes. Il y a peu de gentils, finalement. Et ceux qui le sont ont un air triste, une mélancolie qui en dit long sur le désenchantement de l'auteur après ces années 90. Steamboy est une critique de cette exacerbation matérielle qui a entraîné le monde dans une folie, une surenchère infinie. Entre les savants allumés et la guerre des machines, ces merveilleux (enfin presque) fous volants emportent l'humanité dans un chaos belliqueux et climatique. L'impérialisme anglais du XIXème siècle semble alors très proche de celui des Américains aujourd'hui. Mêmes causes, mêmes effets. En cela Steamboy est un divertissement intelligent, bien ancré dans notre société.
Et avant le feu d'artifice final, nous sommes prévenus : "Si vous achetez le tout, nous vous offrons 25% de réduction et un voyage autour du monde en 90 jours." Le sorcier Ôtomo nous bombarde de rebondissements et nous attire dans sa démesure cinétique. Même Stephenson, pionnier maltraité, est dépassé!
 
vincy

 
 
 
 

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