Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Seabiscuit (Pur sang, la légende de Seabiscuit)


USA / 2003

08.10.03
 



PISTE JOCKEY





"- Fiston, pourquoi es-tu si furieux ?"

Seabiscuit est une légende des hippodromes. Le film ne laissera pas un si grand souvenir. Nous voilà même partagés entre la désillusion du cinéma contemporain, à l’apogée d’un classicisme insipide, et la bienveillance à l’égard d’une production un peu plus ambitieuse que la moyenne. Le film de Gary Ross tente de superposer une leçon d’Histoire à son envie de raconter une histoire hors du commun. La grande dépression est ainsi dépeinte en toile de fond. Elle est loin l’époque des Raisins de la Colère ou des Temps Modernes. Aujourd’hui il ne s’agit plus de critiquer, mais juste de décrire cette étape nécessaire vers le progrès et l’opulence. Ce point de vue trop actuel, trop libéral est accentué avec un esthétisme qui glace et lisse la souffrance. Trop beau, le film ne renvoie jamais l’image de la précarité, de la pauvreté, de la douleur qu’il prétend montrer.
Au milieu de cet album photo, le réalisateur tente malgré tout une perspective historique. Une explication rationnelle à la naissance d’un mythe. Si un cheval a tant passionné les foules, c’est qu’il faisait écho, inconsciemment, à un désir. Là, déjà, le film se rapproche davantage de son objectif. Seabiscuit a triomphé entre deux époques. Symbole du Grand Ouest, de cette utopie des territoires vierges à conquérir, de l’exaltation de la nature et de l’espace, bref de l’Amérique rêvée par des générations d’immigrés venus se reconstruire une vie, ce cheval était l’icône d’un monde révolu, regretté, riche de promesses. Or, quand ce cheval a triomphé sur les pistes, l’Amérique subissait une crise économique sans précédent, détruisant les destins ; la voiture avait conquis les déplacements, les barbelés avaient morcelé les vastes plaines, les machines aliénaient les travailleurs et la ville oppressait les citoyens qui devaient désormais construire un pays. Ce cheval, venu de l’Ouest, annonçait le triomphe de l’économie Californienne, mais aussi le requiem d’un pays sauvage, l’aube d’une civilisation dominante, par la voiture. A l’instar de Jeff Bridges (celui qui incarna Tucker, constructeur automobile génial) qui fait de ses écuries un garage pour de jolies caisses de collection. Ce clivage entre un film prétentieux dans sa manière de retracer l’histoire et ambitieux dans sa façon de comprendre l’époque pose tout le problème du cinéma hollywoodien actuel, incapable de traiter avec subtilité un sujet aussi fort.
Produit par Dreamworks, nous pouvons même aller plus loin. Le film semble être un complément à une collection, entre Les Sentiers de Perdition, supérieur par la maîtrise de sa mise en scène, et Spirit, dessin animé hippique. Seabiscuit, l’étalon des plaines, devrait-on dire. On est loin des chevaux sauvage des Misfits! Ici, tout est canalisé, bien rodé, comme une Buick. La caméra nous montre bien ce que nous devons voir (des gestes, un objet, ...). Une voix off alourdit souvent le propos et gâche un peu les autres aspects artistiques du film ­ hormis la musique désastreuse. Le scénario, qui s’autorise quelques pudeurs, parie parfois sur l’intelligence su spectateur. Si la relation freudienne entre Jeff Bridges (impeccable, cela va sans dire) et Tobey Maguire (toujours bon acteur) est évidente, l’un remplaçant le fils et l’autre le père, elle n’est jamais expliquée, exprimée. Cela rend le film regardable par tous, aseptisé, sans chaos et sans heurts.
Autour de trois hommes qui s’offrent une seconde (et dernière chance) de vivre un rêve - car il convient d’ajouter le fabuleux Chris Cooper - Gary Ross brosse le portrait d’une Amérique de paumés, de "losers", dans le sens où ces hommes ont tout perdu ­ un fils, une liberté, un amour. Un cheval va les aider à renaître, à se dépasser. Symbolisme exagéré ? Il s’agit d’une histoire vraie, de la rencontre d’un jockey, qui récitait Dickinson et Shakespeare ("Quoique petit, il est féroce!"), et d’un canasson bon pour la casse, deux caractères fougueux, hargneux, frustrés.
Quel film ont voulu faire les producteurs et le réalisateur ? Parfois, ils tombent dans le piège de la facilité (la succession de course qui se ressemblent). Parfois, les grands enjeux (le duel avec le Champion, l’ultime course à handicaps) sont presque trop courts. Le scénario sera le grand problème de ce film, qui veut trop en dire et ne sait pas comment synthétiser. L’exemple typique : les intermèdes délirants du chroniqueur radio, interprété par William H. Macy, semblent finalement inutiles et artificiels. Mélangeant documentaire (photos en noir et blanc) et fiction (grands décors, beaux costumes), Seabiscuit est comme son héros à crinière : orgueilleux et vindicatif. La fin montre à quel point le réalisateur pouvait être inspiré par son sujet. Trop peut-être. Il laisse en tout cas sa caméra rouler toute seule pour nous faire, enfin, entrer dans l’imaginaire qui hante son film. Ce cheval incroyable, véritable star de cinéma, ne finira pas hors-course. On peut même croire qu’il est en piste pour les Oscars. Cela semble la seule course qu’il peut perdre. Il avait bien un riche propriétaire, un bon entraîneur et même un Jockey star. Mais dans cette course à la statuette, il manque sans doute d’un peu d’envergure.
 
vincy

 
 
 
 

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