Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Adults in the Room


France / 2019

06.11.2019
 



TRAGEDIE GRECQUE





Sept ans de réflexion après Le Capital, fiasco qui succédait à un autre flop, Eden à l’Ouest. Costa-Gavras a toujours eu le flair pour choisir les sujets dans l’air du temps, avec quelques obsessions autour du pouvoir, souvent dictatorial ou obscur. Adults in the Room a une double particularité. Il prolonge son exploration cinématographique de l’argent roi et de son instrument, la politique libérale. Il revient à un cinéma de cryptage, où il pose sa caméra dans les coulisses, par-delà les portes lourdes et insonorisées qui séparent les élites décideuses du peuple.

Le peuple est d’ailleurs le seul sujet manquant à cette fausse docu-fiction, inspirée par le livre du personnage principal (Yanis Varoufakis), économiste et ex-ministre des finances réel, héros à gros égo de cinéma. Pour le reste, on retiendra que le cinéaste franco-grec aura été l’un des premiers à oser filmer l’Europe telle qu’elle est devenue : un huis-clos de puissants argentiers capables d’humilier une nation, faire plier un peuple, appauvrir des millions de gens au nom de leurs intérêts propres (les Allemands n’ont évidemment pas le beau rôle dans cette histoire, la France n’est pas plus épargnée, tandis que le FMI s’en sort plutôt bien).

On croise ainsi des noms que l’on connaît si on lit les pages « Economie » ou « Politique » des quotidiens nationaux. C’en est presque ludique. Cela donne une certaine authenticité. Mais tout cela est-ce vrai ? Selon Alexis Tsipras (le vrai ex-PM grec), à peine un tiers serait exact. Pourtant dans les faits, tout paraît crédible. On comprend ce qui a intéressé le réalisateur : c’est un thriller avec une menace (le Grexit), des duels, des pourparlers, c’est David contre Goliath, une guerre idéologique autant qu’une bataille politique.

L’Europe apparait laide : froide, pour ne pas dire glaciale, coupée des citoyens, techno et autoritaire. A la naïveté du film Le Capital, il répond ici avec un film précis, bien orchestré, argumenté, usant des rebondissements (ayant vraiment existé) comme autant de twists scénaristiques, assumant son point de vue (plutôt pro-Tsipras et anti-libéral, sans forcément nuancer son propos). Ceci n’est pas un documentaire. C’est bien du cinéma. Il filme un monstre, une hydre, qui est prête à dévorer ses enfants rebelles. Costa-Gavras tire à boulets rouges, mais, admettons-le, avec brio. Parce que, justement, la dimension cinématographique est dans la théâtralité de son récit. La mise en scène dans une salle sans fenêtre, fermée sur elle-même, où l’on bavarde des heures dans le vent. Un dialogue de sourds dans un lieu aveugle. Voilà l’Europe. Un lieu fermé, où tout est secret, dont on accède après d’interminables couloirs labyrinthiques. Et forcément, cela rend fou, cela excite les nerfs, cela pousse aux trahisons, aux défaites, aux victoires à la Pyrrhus, aux triomphes sans lendemains.

La guerre de la troïka

En voyant ces ministres bien habillés, polis en surface, le verbe acide, on pourrait croire à des spectres qui se régalent de l’ombre et refusent la lumière. Mais surtout, on pense à Dr Folamour, où l’absurdité monte d’un cran à chaque délire égotique. Paradoxalement, le manque de subtilité de l’ensemble – les prédateurs et les proies sont connus dès le départ – nous amène à un champ de ruines. Le film s’avère assez europhobe. Mais, en oubliant le peuple, en adhérant à un seul point de vue (celui de Varoufakis, pas celui de Tsipras), en n’attaquant jamais frontalement les responsables de la dette grecque, en refusant l’ironie, et même une forme de distance avec son personnage principal, Costa-Gavras manque la marche pour faire un grand film sur la dictature austère et libérale de l’Europe sous influence allemande.

Tragédie grecque palpitante, pédagogique aussi, Adults in the room est utile car il révèle au grand jour le cynisme et l’arrogance (et parfois le racisme et le mépris) de ceux qui nous gouvernent (à Bruxelles). A défaut de pousser à la révolte, le cinéaste tente de nous bousculer en surexposant la mise à mort d’un idéaliste. Car il s’agit bien de cela : « Dans les premiers moments j'ai cru, Qu'il fallait seulement se défendre, Mais cette place est sans issue, Je commence à comprendre, Ils ont refermé derrière moi, Ils ont eu peur que je recule... » chantait Cabrel. L’Europe n’est hélas pas une danseuse ridicule et le monde semble bien trop sérieux.
 
vincy

 
 
 
 

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