Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Tom of Finland


/ 2017

19.07.2017
 



CUIR & QUEER





« Ma bite est le patron. Si je bande, je suis sûr que le dessin est bien. »

Il y a plusieurs raisons de s’attarder sur ce biopic somme toute classique retraçant l’existence du dessinateur Tom of Finland.

Même si vous connaissez son art - ces dessins en noir et blanc exhibant des hommes aux atouts conséquents dans des postures évoquant la domination, la soumission et finalement un fantasme homosexuel - il est plutôt rare de savoir qui se cachait derrière cet auteur. Et notamment ce qu’il a enduré et ce qui le motivait. Ses créations homoérotiques, éloge du cuir, de la moustache, cette iconographie gay qui perdure aujourd’hui, une imagerie qui a influencé cinéastes, publicitaires et stylistes, ont une origine et un objectif que le film détaille avec une certaine gourmandise.

Cet aspect est celui qui est le plus convenu. Certains découvriront son œuvre, d’autres se réjouiront de voir ces plans furtifs où le dessin se mue en tableau de cinéma, où une scène de rue se transforme en croquis déformant fessiers, biceps, entrejambes, mâchoires, accentuant la virilité et invitant à partager un jeu interdit à plusieurs.

Au moins, avec ce biopic, on parvient à effleurer l’inspiration de l’artiste, à approcher sa façon de travailler.

Le crayon comme arme

Plus en profondeur, si le film intéresse, c’est aussi que la personnalité du dessinateur-publicitaire, des traumas et du fracas de la guerre aux carcans ultraconservateurs de son pays, offre à Pekka Strang, l’acteur qui l’incarne, un rôle toute en finesse et en sensibilité. Le dessin lui servait d ‘échappatoire dans un pays et une époque qui le marginalisait (le personnage de sa sœur est d’ailleurs cruellement ambivalent au point de la rendre précieuse ET ridicule). De sa Finlande coincée et conformiste à la Californie exubérante et indécente, des pipes cachées dans un parc aux orgies dans un jardin, de la police qui tabasse au sida qui tue, le parcours personnel et artistique de Tom of Finland est émaillé de multiples anecdotes cocasses ou dramatiques, sources de jolies séquences inspirées. On retient essentiellement sa relation avec son supérieur militaire, qui va traverser les décennies, sa hantise d’un soldat tué au Front et sa grande histoire d’amour.

Et c’est d’ailleurs là que le film prend tout son relief, accompagné d’une somptueuse partition musicale et d’images bien léchées. Tom of Finland, le film, est l’histoire d’un combat pour l’égalité, la dignité, la sortie de la clandestinité, la banalisation des amours entre hommes. Tout le film conduit davantage à ce message qu’à la réhabilitation/sacralisation d’une œuvre artistique et de son auteur. Non pas qu’il s’agisse de transformer sa vie en drame romantique, mais bien de souligner l’importance qu’ont eu ses dessins dans la sexualité de millions d’hommes tout en servant de propagande contre l’ignorance et l’obscurantisme.

Si en surface, on admirera les uniformes, les blousons de cuir, en profondeur, on appréciera la franchise du scénario face à la violence, à la brutalité et à l’homophobie qui touchent les minorités sexuelles (et encore aujourd’hui dans de nombreux pays).

Un film moins osé que l'œuvre qu'il glorifie

On regrette sans doute la trop grande sagesse visuelle. Certes, cela rend le film accessible à tous. Mais c’est assez ironique d’assister à un portrait aussi classique, quand le sujet (l’artiste) et son œuvre (ses dessins) ne le sont pas du tout. Il y a quelque chose de contradictoire dans la forme à contempler des dessins fortement sexuels dans un film définitivement consensuel. Il manque une part de folie, d’audace, d’émotion et même de sensualité pour nous bousculer et nous bouleverser. Si on bande, c’est surtout de manière cérébrale.

Mais avec un personnage aussi culte et underground, le film n’a pas de mal à dénoncer les hypocrisies, flagrantes. Tom of Finland a cherché toute sa vie à être lui-même, à faire exister ses rêves, à rendre heureux les homos, souffrant de leur mise à l’écart de la société. Le fait que deux hommes puissent se tenir la main dans la rue, s’aimer ouvertement, s’éclater ensemble dans une boite, assumer leur look et leurs désirs, le comblait. Il était leur fournisseur de fantasmes. Le jeune soldat finlandais qui baisait vite fait dans les parcs ne se doutait certainement pas que ses héros à casquettes et muscles saillants croqués sur des petits cahiers allaient lui survivre et que le cinéma aurait un certain courage, très contrôlé, pour les immortaliser sur grand écran.
 
vincy

 
 
 
 

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