Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Song to song


USA / 2017

12.07.2017
 



COUPLES ET COUPLETS





« Courir partout, essayant d’être quelqu’un »

Song to song semble marquer une nouvelle étape dans le cinéma de Terrence Malick, synthèse encore fragile, mais prometteuse, des expérimentations formelles des derniers films (A la merveille, Knight of cups), et d’une narration apaisée et plus présente. Bien sûr on retrouve les éléments constitutifs du style du cinéaste : la caméra grand angle, les plans en apesanteur, la voix-off omniprésente… mis au service d’une histoire qui mêle les rencontres et les déceptions amoureuses avec une vraie dextérité. Le récit ose s’extraire de la contemplation pure et des formules chic un peu à l’emporte-pièce, façon philosophie new age (« tu n’es pas celle que tu crois », « Avoir la vie à tout prix », « ne pas faire de compromis »…) pour aller vers plus d’émotions, de sensations frontales. Le réalisateur semble ainsi inventer une poésie formelle qui met à nu, par l’image plus que par les mots, les méandres des relations amoureuses et des sentiments humains.

La construction, elle, reste flottante, un peu floue. On se détache très vite de la temporalité, qui au fond importe peu. Tout pourrait se produire simultanément, ou au contraire dans le désordre et à des années d’intervalles. Ou encore n’être que des bribes de souvenirs revenant à la mémoire des personnages selon un mécanisme complexe d’associations d’idées et de vagabondage d’esprit. On a d’ailleurs souvent l’impression que le film ne raconte que les creux, les à-côtés, les scènes qui suivent ou précèdent les moments importants du récit. Le hors champ prime sur ce que l’on voit, de même que la voix-off recouvre le son réel. On est dans un portrait intime d’une grande douceur, et à la portée particulièrement universelle, qui oscille entre le journal intime et le documentaire.

Avec ce film, Malick semble avoir atteint l’apogée de ses recherches sur la simultanéité des temps, et la confusion des temporalités. Il parvient ainsi (peut-être pour la première fois) à dépasser l’exercice formel pour le mettre entièrement au service de l’histoire qu’il raconte en filigrane. Si on peut parfois avoir l’impression d’un (trop) long trip new age sur des gens riches et beaux qui traversent les mêmes crises existentielles que tout le monde, il y a aussi des moments de fulgurance (sur la vie, l’amour, la liberté…) qui nous cueillent, voire nous sidèrent. Car chacun peut trouver dans Song to song des échos à ses propres pensées, aspirations ou désillusions. Terrence Malick remet la mélancolie au goût du jour, et lui adjoint une classe folle qui donne à la fois envie de vivre à 100%, mais aussi de tomber amoureux, et même d’en souffrir.

Car chez lui, les êtres sont beaux (il n’y a qu’à regarder son casting), mais tous imparfaits, fragiles, meurtris. Totalement en vie et pas anesthésiés par le quotidien. Ce qu’ils ressentent n’en est que plus absolu, quitte à devenir fondamentalement insupportable. C’est le paradoxe avec le fait de vivre sa vie à fond, en refusant le compromis : parfois, on ne s’en relève pas. Au contraire du film, qui curieusement, communique une énergie folle, et un désir de ressentir toute la palette des émotions possibles. De brûler sa vie par les deux bouts, de chanson en chanson, from Song to song.
 
MpM

 
 
 
 

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