Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Miss Sloane


USA / 2016

08.03.2017
 



L’ILLUSIONNISTE





«- C’est le métier le plus anormal depuis les guérisseurs.»

Dans la lignée des thrillers manipulateurs et légalistes, Miss Sloane, le film comme son héroïne, repose davantage sur ses manigances que sur son métier. Entre les adaptations de John Grisham et un Michael Clayton, ce thriller verbal utilise de tous les artifices qu’une narration peut proposer – flash back, rebondissements, illusions, manœuvres, etc… - pour créer artificiellement un suspens et nous piéger dans un marché de dupes.

En fait, Miss Sloane est à l’image de son personnage : cynique, redoutablement efficace, glaçant et misant tout sur les apparences. Ce n’est pas un grand film, malgré la présence de l’excellente Jessica Chastain, qui tient son rôle de bout en bout. Le lobbying est ici dépeint comme une sorte de jeu de guerre, de joute intellectuelle mélangée à des méthodes d’espionnage. Un peu facile et superficiel.

Si le film reste en surface de son sujet, le sujet permet à Miss Sloane d’être un habile divertissement, à l’ombre du pouvoir, dans les couloirs pas très propres d’une politique déshumanisée. Cela produit un bon divertissement, pas mémorable, mais élégant et énergique. Mais surtout il offre à son actrice un personnage captivant, contestable, perfectionniste, politiquement incorrect, séduisant et aux méthodes douteuses. La fin justifie-t-elle les moyens ? Il faut le croire.

Pute mâle, médocs et neurones

En écrivant un rôle féminin aussi sombre, solitaire (hormis le gigolo régulier qui lui fait évacuer son stress comme ses pilules l’aident à tenir debout) et totalement dévoué à son métier, les scénaristes lui font un beau cadeau. D’autant que le personnage, retors et pas franchement sympathique, n’est pas si immoral que ça.

Cela suffit-il ? Sarcastique, rythmé, alambiqué, Miss Sloane est l’anti-Monsieur Smith au Sénat, le chef d’œuvre de Frank Capra. En abusant de secrets, trahisons et mensonges, le film opte davantage sur la forme que sur le fond, sur les magouillages que sur leur sens. C’est à la fois palpitant et vain. Notamment, parce qu’il met tout le monde dans le même sac de déchets : les élus, les lobbyistes, les journalistes. Tous pourris. Il n’y a bien que le prostitué masculin, au regard un peu bovin, et une de ses assistantes, qui a la poisse d’être la victime idéale, qui offrent un peu de lumière et de compassion.

Trucage visible

Cet exercice de prestidigitation autour d’une « tueuse » talentueuse dénuée de sentiments, cible idéale mais joueuse de poker imbattable, amène malgré tout le film à une forme de moralité. L’humain est toujours surprenant quand il devient l’élément perturbateur et imprévisible d’un rouage mécanique pourtant bien huilé. Mais le film, au lieu d’accompagner cette piste intéressante qui survient grâce aux deux seuls personnages honnêtes du film, préfère, au contraire, rester sur ses rails d’un script programmé comme un code informatique qui sait où il va, en espérant nous perdre dans de faux semblants.

Malheureusement, au final, entre quelques retournements de situations et quelques démonstrations un peu évidentes, Miss Solane déploie un épilogue qui ne bluffe pas autant que prévu. La mise en scène de John Madden n’a pas trouvé le moyen de nous surprendre : par la construction de la séquence, l’utilisation de la musique et des silences, le jeu de l’actrice, tout nous fait comprendre qu’elle dispose d’un ultime atout pour sauver sa peau face à ses juges. On sait qu’elle va faire échec et mat. Parce qu’elle est maligne, géniale, kamikaze. Ce qui peut séduire, et ce qui nous distrait parfaitement, n’est qu’un maquillage, une diversion pour prouver que le métier de lobbyiste a son utilité. Miss Sloane dénonce davantage l’hypocrisie et la corruption des employeurs qu’il ne remet en cause les jeux d’influence qui empêchent les élus de travailler sereinement. C’est là le souci moral du film. D’ailleurs, paradoxalement, c’est en lançeuse d’alerte que la lobbyiste retrouve un peu de sa probité. Un comble.
 
vincy

 
 
 
 

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