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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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21 nuits avec Pattie
France / 2015
25.11.2015
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PARLER ET FAIRE L’AMOUR
"Je couche toujours le premier soir."
Les frères Larrieu sont de retour avec un film insolent et léger dont les thématiques éminemment charnelles s’inscrivent dans la droite ligne de leurs opus précédents. Ode à l’épicurisme, à l’amour physique et aux beaux paysages, 21 nuits avec Pattie explore fantasmes et fantasmagories avec une gourmandise désarmante.
Tout commence avec la blonde Caroline venue enterrer sa mère Isabelle dont elle n’était pas très proche. Après un voyage semé d’embûches (elle percute même une biche avec sa voiture, si ça ce n’est pas un signe du destin !), elle rencontre Pattie, à la blondeur encore plus spectaculaire, qui ne ménage pas ses efforts pour profiter de tous les plaisirs de la vie. Les deux femmes se lient d’amitié, c’est-à-dire que Pattie parle et que Caroline écoute, interloquée, cette parfaite inconnue lui raconter avec force détails ses aventures sexuelles. Mais la douceur de vivre est communicative, et Caroline se laisse peu à peu contaminer par la sensualité chaleureuse qui irradie ce coin perdu du sud de la France.
Au milieu de cette intrigue au fond extrêmement terre-à-terre (la rencontre de deux mondes qui n’ont pas grand-chose en commun) se greffe une once de fantastique, avec un cadavre qui a la bougeotte, un (peut-être) grand écrivain qui surgit de nulle part et un fantôme qui prend des bains. On est clairement plus dans l’humour que dans l’épouvante, en témoigne le comportement nonchalant, quoi que très professionnel, du policier local étonnamment calé sur les déviances liées à la mort.
Au-delà des situations savoureuses, ce qui ravit au plus haut point le spectateur, ce sont les dialogues tantôt gourmands et sensuels, tantôt ironiques et brillants, qui mettent aux prises comme autant de joutes verbales ahurissantes les excellents protagonistes du récit. Mention spéciale à un peu près tout le casting, qui joue avec le plus grand sérieux des séquences systématiquement teintées d’une tonalité burlesque ou même délirante. On adore l’ingénuité verbale de Karin Viard, la séduction solaire d’Isabelle Carré, la faconde culottée d’André Dussolier, sans parler des seconds rôles comme Laurent Poitrenaux, qui campe un gendarme loin des clichés, et malgré tout étrangement singulier, ou Denis Lavant en trublion paradoxalement ultra-désirable.
Comme souvent dans les voyages initiatiques, l’arrivée en forme de happy end s’avère moins intéressante que le trajet lui-même. La flânerie tranquille de l’héroïne entre forêt, routes de campagne et rivières secrètes, mais aussi entre sexualité sans conséquence, plaisir sans amour et même désir sans vie, l’amène ainsi à changer de point de vue sur elle-même et sur ce qui l’entoure, comme le souligne discrètement un petit artifice de cinéma qui renforce à l’écran cette sensation de métamorphose radicale. La scène de conclusion qui la voit réunie avec Sergi Lopez est d’ailleurs réjouissante, mais presque trop facile. Peut-être attendait-on un ultime pied de nez de la part de ce duo de cinéastes qui ne ménage d’ordinaire pas ses efforts pour nous faire sortir de notre zone de confort moral ou émotionnel.
MpM
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