Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Good Kill


USA / 2014

22.04.2015
 



GUERRE À DISTANCE





Andrew Niccol devient un spécialiste de la cyberarmée et autre technologies de pointe. De S1m0ne à Gattaca, de Lord of War à ce Good Kill, le cinéaste se passionne pour l’Homme de demain, génétiquement modifié, techniquement perfectible, technologiquement remplaçable, bref il pousse l’évolutionnisme jusqu’à sa mutation ultime. La guerre des robots et autres machines est un grand classique de la SF. Mais ici, le robot est un drone et il est bien manipulé par l’humain. Il remplace l’humain sur les lieux de combats mais n’en est qu’une extension.
Niccol s’interroge donc sur cette guerre, bien réelle, opérée de manière virtuelle. Elle tue de « vrais gens » mais le tireur d’élite, contrairement au héros du récent film d’Eastwood, American Sniper, n’est jamais sur le front.
« Le monde est devenu un jeu vidéo et vous êtes là parce que vous êtes des gamers ». La guerre érigée en banal jeu vidéo. Le fantasme de toute armée, qui n’a plus à exposer sa chair à canons. On forme des pilotes qui ne volent jamais, des soldats qui rentrent tranquillement chez eux pour profiter de leur famille. Les héros se cachent pour ne pas mourir.

C’est tout aussi glaçant que fascinant. L’esthétique froide des films de Niccol, leur aspect analytique (parfois trop didactique) épousent à merveille ce sujet, même si on aurait aimé davantage de profondeurs. Les tourments du personnage central (Ethan Hawke, parfait) pimentent le drame de quelques traumas et questions existentielles que se poseront le spectateur. En le rendant faillible, le scénario lui permet d’opposer le confort de sa situation, à ne pas risquer sa vie, avec la stimulation du terrain, dont on le sent frustré.
A l’instar de S1m0ne, il est dans le même état qu’un homme qui baise avec une humanoïde ou en webcam. Il a la jouissance du fait accompli, son coït, mais il n’éprouve aucun plaisir, celui de la chair. C’est sans doute là la plus grande réussite du film : faire de ce soldat un mâle abruti par les écrans, jouant de son joy-stick, sans jamais ressentir le frisson de la survie, de l’existence donc.

Good Kill n’est pourtant pas un jeu vidéo, ni un film de guerre traditionnel. Tout ici est artificiel. Il n’y a pas de sanglants combats dans la poussière, de tanks en flammes, ou de stress lors d’une embuscade (autant de scènes classiques dans le genre). Ici, on est à Las Vegas, ville factice par excellence, colorée et sans intérêt. Un America, Dream de pacotille, où cohabitent des personnages secondaires assez convenus, avec des situations souvent déjà vues.
Le spectacle est décevant. Non pas pour ses effets mais bien parce qu’il veut produire de l’effet. On le sent nécessaire pour satisfaire un public avide de pyrotechnique. Il est presque superflu. Il se tape l’incruste pour essayer de créer des sensations qui vont mal avec l’état quasiment apathique d’un pilote qui s’ennuie à mourir devant son écran. L’image est HD : il peut tuer à distance, sans faire la différence entre un documentaire du National Geographic et une zone de combat cruciale. C’est technique et clinique, comme une opération chirurgicale à distance. Mais cela n’ajoute pas grand chose au récit dramatique d’un homme privé de combat, qui fait son métier comme un cadre en télétravail.

Andrew Niccol aurait sans doute du prendre plus de risques, approfondir son excellent sujet. Or, il se laisse piéger par un peu de facilité dans le scénario, sauvé, heureusement, par les interrogations soulevées et un ton direct appréciable. Agissant presque comme une suite de Lord of War, un prequel de Gattaca, Good Kill est un portrait d’une froideur effroyable du monde tel qu’il est en train d’évoluer : un monde déshumanisé, désincarné même, où seules quelques disputes conjugales et crises d’ego font encore croire que nous sommes humains. Good shot.
 
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