Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Pasolini


Italie / 2014

31.12.2014
 



DERNIER JOUR SUR TERRE





"Scandaliser est un droit, être scandalisé, un plaisir."

Sept mois seulement après le très mauvais Welcome To New York, Abel Ferrara nous revient avec un autre film lié à une personnalité existante qui devrait faire couler beaucoup d'encre, notamment par le traitement de son sujet qui se veut - comme toujours - très sulfureux. Mais à trop vouloir jouer avec le feu, le réalisateur de The King of New York et Bad Lieutenant ennuie sévèrement. Explications.

Dans le Rome de 1975, le réalisateur raconte la dernière journée de Pier Paolo Pasolini, alors qu'il tente d'achever son roman Petrolio. Artiste passionné et complet qu'il était, Pasolini déchaine les passions à coups de déclarations scandaleuses et de critiques des plus riches. Lentement mais sûrement, Pasolini lève ainsi le voile sur les derniers déplacements de Pier Paolo, de son ultime repas avec ses proches jusqu'à sa dernière virée en voiture en passant par cette interview qu'il abrège.

Admiration et fascination

Au jeu du "Qui est qui?", force est de constater qu'avec Pier Paolo Pasolini, Abel Ferrara se trouve enfin un alter ego à la mesure de sa marginalité. Lorsque nous découvrions Welcome To New York en pleine ferveur cannoise, celui-ci semblait toucher le fond. Un personnage qui ne nécessitait pas de "biopic", une réalisation ratée, des acteurs en pleine pantomime et une approche du sexe honteuse. Avec Pasolini, le réalisateur de 63 ans semble déjà plus inspiré et maitre de ses moyens. Il fait renaitre de ses cendres le mythe du cinéaste intello, de l'artiste visionnaire et trop souvent incompris. Une manière de se représenter lui-même ? C'est fort probable.

Bien évidemment, le cadre spatio-temporel de Pasolini n'est pas anodin. Il permet de réunir en un temps record (1h24) tous les éléments qui ont fait de l'homme une icône : sexe, scandale et politique. Abel Ferrara démarre comme attendu son Pasolini par des scènes de Salo ou les 120 Journées de Sodome, une manière d'insister sur le caractère (supposé) sulfureux de l'œuvre et du sujet qu'elle traite. Grâce à des images mentales et des souvenirs, le tout croisé à des passages d'interviews, le réalisateur crée un film hétérogène où les temporalités ne sont pas claires. Ce qui ne lui pose aucun problème, puisque c'est en se perdant que l'on est apparemment le mieux guidé.

De l'humain au morbide

Pasolini est une œuvre inclassable. Un chouia biopic et étrangement construit comme un drame, le film montre ce qu'on l'on ne devrait pas voir. Un Pier Paolo plus proche des siens que ce que l'on aurait pu imaginer, un homme qui défendait les valeurs qui étaient siennes jusqu'à sa table à manger, plein de bonnes intentions mais jamais trop bienveillant. Bien que proche de sa mère, c'est finalement à travers ses amis que l'on entrevoit clairement qui il était. Avec une pudeur à peine notable, Abel Ferrara met en scène l'envers du décor, l'homme profondément bon qui se cache derrière la figure médiatique. Ici et là, Ferrara fait naitre de l'émotion, crée du beau et transfigure le bon.

Mais comme s'il avait le cul coincé entre deux chaises, le réalisateur ne peut lâcher ses sales manies. Si Pier Paolo était un homme, comme tous les hommes sa vie doit s'achever. Et pour représenter la mort, Ferrara n'y va pas de main morte. Tout son film sent la fin : la fin de la vie, la fin de la solitude, la fin de l'ennui. Et cette fin est violente. A l'image de cette fellation proche de la pornographie et pratiquée sous le coup d'un amour incompréhensible. C'est en aimant trop (les aventures nocturnes, entre autres) que Pier Paolo finit par trouver la mort. Et cela nous laisse sans voix, presque persuadés qu'il peut encore être sauvé.

La redécouverte du beau

Pour camper Pier Paolo, Ferrara a fait appel à Willem Dafoe. A 59 ans, l'acteur semble revivre dans la peau de l'artiste italien, après des participations déjà oubliées dans John Wick, Nos étoiles contraires ou Un homme très recherché cette année. Habitué des rôles polémiques (Nymphomaniac, Antichrist), l'Américain crève l'écran, interprète et incarne, ne se contenant pas de simplement mimer. Une belle performance !

Comparable au Saint Laurent de Bertrand Bonello pour la sensualité qui s'en dégage, le Pasolini de Ferrara s'en démarque par son économie de moyens : tout semble fait à la va-vite, sans volonté de styliser mais avant tout de montrer le vrai. Le vrai Pasolini ou le véritable idéalisme ? La question reste en suspens. Si comme avec Saint Laurent le rythme est lent et on s'ennuie pas mal, Pasolini a le mérite de rendre un bien bel hommage à homme trop maltraité. Un exercice de style non réussi mais pas raté pour autant !
 
wyzman

 
 
 
 

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