Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Maestro


France / 2014

23.07.2014
 



LES BEAUX HASARDS





Henri est un jeune acteur comme tant d’autres : il rêve d’un grand rôle de cinéma tout en passant des castings pour des petits rôles, il court après les cachets pour n’importe quelle pub à tourner, il galère pour payer son loyer… Une amie Pauline va le brancher sur le casting d’un film qui se prépare. Le réalisateur est un vieux bonhomme dont il connaît à peine le nom et aucun de ses films : Cédric Rovère, entouré de livres de théâtre et de poésie. Lors de leur rencontre Henri prétend s’intéresser un peu à ce genre de littérature qui lui est pourtant inconnue, et contre toute attente, il va recevoir une réponse positive : un petit rôle, une vingtaine de répliques. Avec son meilleur pote, Henri prend la voiture vers le tournage et là il déchante : rien ne correspond à ce qu’il imaginait. L’hôtel est vieillot, son costume sera une simple tunique, les répétitions se font dans une salle communale…, mais il y a la belle Gloria…

Dès le début apparaît sur l’écran que "ce film est inspiré d’une histoire vraie", la fameuse phrase qui désigne le plus souvent un biopic (in)fidèle d’une vraie célébrité mais aussi, parfois, un film qui fait peur (ou pas) sur un exorcisme d’une fausse possession démoniaque… Et en effet, il s'agit peut-être ici d'exorcisme...
Cette phrase a le mérite de réellement avoir le sens de ses mots ‘inspiré d’une histoire vraie’ : un scénario imaginaire basé sur le récit imagé d’une expérience vécue, il s’agit bien d’une fiction écrite sous l’angle de la comédie pour en faire un film. Le sens des mots, les multiples sens des mots, la manière de dire les mots : le film joue avec plusieurs niveaux de langage pour qu'une culture dite populaire et une culture dite élitiste se rencontrent, de manière légère et amusante.

Aujourd’hui à l’image c’est le jeune acteur Henri qui rêve de jouer dans des films d’action avec des flingues et des voitures et qui se retrouve engagé sur un tournage presque sans argent ni décor à la campagne dirigé par un vieux maître du cinéma d’auteur… Dans un passé réel, il y a le cinéaste Eric Rohmer qui tournait ce qui allait être son dernier film Les amours d’Astrée et Céladon avec des jeunes acteurs, parmi lesquels Jocelyn Quivrin qui lui aussi allait trouver la mort quelques mois plus tard.

On y découvre donc toute la fabrication d’un film : la préparation, es répétitions, le tournage, le montage, sa première projection… Une intrigue romantique se déroule durant toute cette aventure où autant Henri (Pio Marmaï) que Pauline (Alice Belaïdi) cherchent à séduire Gloria (Déborah François). Si l’évolution de cette possible romance semble être la colonne vertébrale de Maestro, la véritable chair du film est en fait bien plus la relation qui se noue peu à peu entre le jeune Henri qui débute comme acteur et le vénérable cinéaste Cédric Rovère (Michael Lonsdale) qui prépare son testament cinématographique. Mais Maestro est tout sauf crépusculaire. C’est une rencontre entre deux générations très différentes où la jeunesse "moderne" ignore presque tout de la poésie d’antan. Ce décalage entre fan de film d’action avec Bruce Willis et passionné de la littérature de Honoré d’Urfé promet un choc des culture. Et ouvre la possibilité d'un lien au dessus d'un fossé d'ignorance.
On est emmené dans le film du côté de Pio Marmaï et comme lui on s’amuse et on se moque aussi d’un monde d’intellos à priori fermé, enfermé même, avec ses codes (la métrique, la scansion en poésie…). Fazer règle ses comptes avec les rabat-joie, snobs et autres vaniteux persuadés que le rire n'est pas digne, que la légèreté n'est pas dramatique. Ceux qui méprisent la comédie, en oubliant que du théâtre au cinéma, la comédie a souvent révélé davantage de l'humain que les plus grandes tragédies.
Alors, comme le jeune comédien, on glisse progressivement du côté de Michael Lonsdale pour vouloir découvrir un peu plus la poésie (en particulier pour séduire la belle Déborah Franços). La réalisatrice parvient à l’équilibre délicat entre gags potaches et légère ironie, tout en réussissant à bien rendre compte de ce que représente l’immersion dans un autre monde qui est celui d’un tournage de film.

Le cœur de Maestro est l’initiation d’un jeune candide à la culture par un vieux maitre qui a le goût de la transmission. Tout à la fois charmante histoire de séduction romantique entre des personnes qui vont essayer de se dire ‘je t’aime’, vibrante déclaration d’amour à l’art du cinéma qui se fabrique, et émouvant double-hommage aux disparus Jocelyn Quivrin et Eric Rohmer, Maestro est un bien joli enchantement, aussi singulier que précieux, loin d'une quelconque envie d'opposer deux âges, deux cultures. Un hymne à la possibilité d'un dialogue entre passé et présent, pour que le futur accouche de sa propre culture. Une renaissance...
 
Kristofy

 
 
 
 

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