Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Conversation animée avec Noam Chomsky (Is The Man Who Is Tall Happy?: An Animated Conversation with Noam Chomsky)


USA / 2013

30.04.2014
 



LA SCIENCE REVEE





"Encore une fois, j’avais mal posé ma question."

Noam Chomsky est un personnage fascinant, de ceux qui vous font sentir plus intelligent rien qu’à les écouter parler. Pas étonnant que Michel Gondry ait ressenti l’urgence de fixer sur pellicule les grandes lignes de ses théories et de partager sa perception du monde. Pour autant, le réalisateur trublion ne pouvait pas se contenter d’une série d’entretiens traditionnels filmés en caméra fixe ou en champ contre champ. D’où son idée, tout simplement géniale, d’illustrer les propos de son interlocuteur par des dessins naïfs et colorés qui y apportent une touche de folie et de créativité. Tout à fait dans la lignée "bricolo" de l’œuvre de Gondry, avec humour et sans se prendre au sérieux.

Le contraste entre les mots de Chomsky ("continuité psychique", "capital cognitif", "grammaire générative"…) et l’explosion de formes et de couleurs qui les accompagne à l’écran, parfois dans le psychédélisme le plus débridé, transforme ce qui aurait pu être un cours magistral un peu aride (quoique passionnant) en récit captivant qui emmène le spectateur au cœur du langage et de l’esprit humains. On peut également compter sur Michel Gondry pour construire une narration brillante, rappelant celle qu’il avait déjà instaurée avec sa Tante Suzette dans L’épine dans le cœur, donnant l’impression que l’on écoute un vieil oncle raconter ses souvenirs d’enfance. Cela évite l’académisme qui aurait pu se dégager de l’exercice, et permet surtout au cinéaste de ne pas laisser l’admiration qu’il ressent pour Chomsky parasiter son travail d’enquêteur.

Les illustrations façon cartoon, ainsi que les quiproquos dus à la mauvaise prononciation anglaise de Michel Gondry, ou encore ses apartés en voix-off, apportent par ailleurs un contrepoint précieux à un discours extrêmement dense qui pourrait exclure le spectateur non familier des thèses de Chomsky. Cette manière non pas de vulgariser, mais "d’interpréter artistiquement" les théories du penseur est l’étincelle de génie qui sépare le simple documentaire de la véritable œuvre de cinéma.

En introduisant le média "cinéma" au cœur de sa relation avec Chomsky (par l’intermédiaire des animations, mais aussi de sa petite caméra vintage, dont le son est perceptible), Michel Gondry ajoute en effet un niveau de lecture à son film. De "conversation filmée" (donnant une fausse impression d’objectivité et de distanciation), il passe à "conversation animée", qui assume sa part de subjectivité, voire de manipulation. Il fait ainsi écho aux propres réflexions de Chomsky sur la manière dont toute communication manipule (consciemment ou non) celui qui la reçoit. Le dialogue qui, à l’oral, était inégal, sinon impossible (Chomsky monologue beaucoup pour expliquer ses théories et en plus les deux interlocuteurs ont du mal à se comprendre à cause de la barrière de la langue), devient alors harmonieux, comme un duo entre la pensée complexe de Chomsky, énoncée d’une voix posée, et l’imagination délirante de Gondry, canalisée par ses séquences animées.

Et au final, ce qui ressort de cette partition à deux voix est moins une version "simplifiée" de l’œuvre de Chomsky (pour en savoir plus les théories du penseur, il faut soit lire ses ouvrages, soit revoir Chomsky et compagnie d’Olivier Azam) que le portrait sincère et touchant d’une grande figure du XXe siècle, étonnamment complété par celui, tout aussi émouvant, de Michel Gondry lui-même, qui apparaît en creux dans le trait de son dessin, dans le ton de sa voix lorsqu’il parle avec Noam Chomsky, dans la manière (en apparence si peu calculée) qu’il a de se mettre en scène et enfin dans cette nouvelle étape de son parcours de cinéaste éclectique et iconoclaste dont chaque choix surprend, intrigue et finit toujours par enchanter.
 
MpM

 
 
 
 

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