Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Gerontophilia


Canada / 2013

26.03.2014
 



COME AS YOU ARE





«- Je ne suis pas un Saint. »

C’est sans aucun doute le film le plus accessible réalisé par Bruce La Bruce. Une histoire sensible, touchante même, à partir d’une liaison amoureuse a priori improbable. Un jeune homme, charmeur, et un vieil homme, spirituel. Entre eux, le sexe, la vie, l’amour. L’éphèbe et le Maître. C’est vieux comme la civilisation grecque. La Bruce, de par son itinéraire cinématographique et son observation de l’homosexualité marginale, aurait pu rendre cette romance cru, sordide et même glauque. Il n’en est rien : Gerontophilia est un récit à fleur de peau, jamais obscène, toujours sentimental. Certes, ici, un bouche à bouche provoque la gaule. Et il n’y a aucune pudeur. Mais la tendresse l’emporte sur la pornographie vulgaire.

C’est aussi le choc entre deux corps : les fesses pendantes et le bide flasque du senior contre le corps ferme et doux du junior. La sensualité est onirique et ne souffre d’aucun clichés. Le cinéaste aime les détails. Les mains, le cou, les caresses. Les rides, les taches sur la peau, ou au contraire, le derme lisse, immaculé. L’orgasme est sobre et réaliste. Avec sa musique omniprésente, les hallucinations visuelles surprenantes, le cinéaste opte pour un récit qui se raconte à travers le regard du jeune. Une jeunesse qui s’affirme, qui ne veut pas résister à la tentation, qui se veut révolutionnaire, même s’il n’y a plus d’utopies. La seule révolution en jeu est de se battre contre les préjugés, contre des schémas imposés par la société.

Pourtant, le réalisateur tisse une toile plus complexe et dessine un portrait générationnel que n’aurait pas renié un Gus Van Sant. Car ici, c’est bien l’érotisme et la solitude d’un jeune homme à peine sorti de l’adolescence qui nous intriguent. Lui qui ne veut pas être jugé pour ses attirances gérontophiles, qui réclame sa liberté individuelle, se résigne à dessiner des hommes nus, pour mieux se masturber. Plaisir onaniste qui le satisfait bien plus que de baiser à tout va. Il préfère le jeu (alcool, poker, sexe) et la liberté (par la fuite) que de se ranger dans la norme. C’est le vieil homme qui porte la culture, l’humour, l’insouciance, la folie de ceux qui savent que chaque instant compte. Le jeune mâle est encore trop grave, trop incertain, se croit intouchable et même immortel. En découvrant ses désirs, sa manière de se faire plaisir à deux, son initiation pas comme les autres résonnent comme un hymne à la différence autant qu’un appel à vivre l’instant présent. Chacun son intimité. Il n’est pas un escort, il peut-être jaloux. Ni enfer, ni paradis : juste l’envie d’être bien comme il le souhaite, comme il lui plaît. Bien sûr, il y a quelques démons contre lesquels lutter. Quelques dragons à affronter.

Mais en filmant cette romance de manière très classique, en utilisant tous les artifices de la comédie romantique, La Bruce ne cherche pas à provoquer ou choquer. Il nous interpelle davantage avec sa critique sur les maisons de retraites, mouroirs dispendieux où le bonheur individuel semble impossible.

Gérontophilia est légèrement subversif. Pas forcément radical comme les films de Larry Clark, autre ombre tutélaire du film. Ici, les rêves ne sont finalement abimés que par les petites erreurs des êtres humains. On ne peut s’en vouloir qu’à nous-mêmes. Mais on ne peut évoluer que par nous-mêmes aussi. Il n’a rien d’un Saint, mais il a tout d’un ange. Il est l’extase d’Eros qui se confronte à la force de Thanatos. Le réalisateur est amoureux de son acteur comme de son histoire. Il ne veut rien salir. Alors on pense immanquablement à Harold et Maud. On n’est pas obligé de comprendre les intentions d’un jeune homme, ses fantasmes comme son bonheur. Mais on peut respecter les lois (im)pénétrables de l’attraction quand elles s’imposent aussi naturellement à nous. Point de jugement dernier. Juste de l’Amour.
 
vincy

 
 
 
 

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