Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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The Hours (Les heures)


USA / 2002

19.03.03
 



UNE JOURNEE A SOI





"- On ne trouve pas la paix en évitant la vie."

Rares sont les oeuvres qui vous saisissent à la fois l’estomac et la tête. Certains mépriseront le chic culturel de ce film intense, d’autres passeront à côté de l’essentiel en s’attardant sur la transformation physique de l’une des actrices. Kidman est en effet si méconnaissable, si parfaite dans son " imitation " de Virginia Woolf, qu’en ces temps de slogans et de scoops, on oublie la signification d’un tel personnage surgit de l’histoire littéraire.

La condition humaine
Certes, les femmes sont en vedettes. Pas les actrices ­ même si elles sont excellentes et magnifiées. Nous assistons à 24 heures de la vie de trois femmes , et de quelques autres comme Kitty, Vanessa, Julia, Sally... Le contexte diffère à chaque fois, les plongeant dans un environnement fluctuant. La condition féminine, et par conséquent l’émancipation (pour ne pas dire la libération) des femmes, soutient toute l’architecture de ce film puzzle. De la maternité au mariage, en passant par la sexualité (y compris saphique), le film aborde les choix d’une femme pour combler (dans les deux sens du terme) sa vie. Les trois grâces suffoquent dans leur prison (mentale). Elles sont comme étrangères au monde qui les entoure, ce qui accentue notre douleur de les voir démissionner, sans un sauveur aux alentours.
Cette journée va être chaotique. Elle va agir comme une catharsis à leur destin. Sans révéler les implications qui tendent un fil invisible et sublime entre Virginia et Clarissa, l’écriture d’un chef d’¦uvre littéraire (Mrs Dalloway) conduira à l’accomplissement d’une personne, à son acceptation de la vie. Et ce, quelques décennies plus tard. Vivre ou mourir, de cette décision naîtront le génie, la folie, l’amnésie, le désir. Trois portraits de femmes : celle qui écrit et périt, celle qui lit et fuit, celle qui ne sait plus où est sa vie. Toutes trois sont à la recherche d’un moment de bonheur perdu.

Le temps retrouvé
Le temps, alors, se transforme lui-même en personnage. Ces fameuses heures qui passent, comme on les sent ! Les minutes se percutent. Le temps distille son venin fatal vers l’issue inévitable. Il accélère la vie ou l’interrompt. Chaos où tout se tisse et se brise, il se mue en mémoire qui transmet une façon banale de casser des ¦ufs ou la répétition mécanique de faire un bouquet à trois époques diverses. Tout n’est qu’héritage. Daldry, d’ailleurs, se focalise aussi sur les relations avec les enfants : une nièce, un fils, une fille. Tous auront leur importance dans le dialogue avec l’inconscient. Ce sont les fils conducteurs, les passeurs.
Mais cela ne suffirait pas à comprendre la force du malaise qui gonfle notre cerveau, tel une éponge, pour éprouver ce vertige qui pousse Virginia et Laura à " se noyer ". Il faut s’immiscer dans cet interstice qui sépare le temps qui s’écoule et ces poids qui les attirent par le fond. Le film prend son ampleur quand il se glisse dans ces meurtrières, fenêtres de leurs émois ou de leur moi. A mélanger les époques, à dessiner le destin de trois femmes en un seul , The Hours nous place hors du temps et met en perspective cet engouement pour Mrs Dalloway (quelque part quatrième rôle principal). Peu importe la géographie, le calendrier ou même la généalogie, le film se construit autour du mal de vivre récurrent. Ces femmes refusent de vivre à travers quelqu’un d’autre et finalement, elles ont l’impression de passer à côté de leur propre vie.

Ombres et lumières
Stephen Daldry, par un montage équilibré et périlleux, une maîtrise de la caméra presque suspecte, parvient ainsi, logiquement, à sa fin, qui nous laisse sous le choc, sans nous manipuler. Remettre ses idées en place. Faire le tri des émotions. Comprendre ce qui nous profondément touché. Le cinéaste nous a mélangé pour mieux nous confondre. Loin de l’objet lisse et académique, il plombe l’ambiance avec un discours pessimiste et beau, onirique et crédible. Il a oublié la littérature tout en lui rendant un hommage permanent. Tout le film dessine l’impact de la culture sur la vie de ceux qui savent la recevoir. The Hours ne s’adresse d’ailleurs qu’aux âmes sensibles à ces questions existentielles et mélancoliques.
Le film n’est pas expérimental et déplaira aux intégristes de la quête de sens, à cause de son élégance. Il n’est pas démagogique, et laissera sur le carreau ceux qui cherchent le plaisir facile et les larmes abondantes. Le film est à revoir, les deux livres sont à découvrir, afin de mieux mettre en perspective l’interaction artistique inédite, à la quelle s’ajoute l’écoute de la musique adéquat de Philip Glass.
Mais il faut achever cette élégie, qui n’a rien de funèbre. Les heures sont ponctuées par nos faits et gestes. Quand nos esprits cherchent à s’évader de cette chronologie qui nous retire un peu de souffle à chaque instant. L’ombre le dispute à la lumière. La densité des questions posées empêche une réponse claire. Mais la vacuité du quotidien futile ne permet pas de prouver son utilité. Chacune des femmes doit choisir entre cette mort insensée et une vie factice, entre le suicide de Virginia Woolf sur lequel s’ouvre The Hours et un baiser plein d’espérance. D'humanisme. C’est une belle journée...
 
vincy

 
 
 
 

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