Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le grand alibi


France / 2007

30.04.2008
 



...AVEC LE REVOLVER, DANS LA PISCINE





"- Jusqu'ici tous mes week-ends se déroulaient merveilleusement !
- Merveilleusement…
- En tout cas, Henri, sans aucun mort !
"

Décidément, Agatha Christie n’en finit plus de déferler sur nos écrans. Bonne nouvelle pour les amateurs de cette auteure prolixe qui n’avait pas son pareil pour tisser des intrigues classiques mais efficaces : cette fois-ci, c’est le très original Pascal Bonitzer qui s’y colle, promesse de délices cinématographiques jusque-là hors d’atteinte pour les adaptations précédentes. D’ailleurs, on n’est pas déçu, le réalisateur fait ce qu’il sait faire : atmosphère pesante, dialogues ciselés, perversité assumée, purs moments noirs. Il évite même le côté "naphtaline" des adaptations de Pascal Thomas (ici on est clairement dans l’époque actuelle, avec téléphones portables et langage fleuri) pour montrer au contraire avec une certaine ironie que le milieu bourgeois ausculté autrefois par l’écrivain britannique s’est très bien adapté à la modernité.

Et c’est vrai que les personnages qu’il dépeint sont jouissifs, débordant de l’énergie un peu malsaine qui convient à ce type de récit. Le grand professeur adulé est un coureur de jupons pathétique, l’écrivain cool souffre d’un grave problème avec l’alcool, la petite nièce "khâgneuse et si brillante" jure comme un charretier et n’aime personne, l’épouse modèle se sent perpétuellement humiliée, la maîtresse de maison légèrement hystérique, est plus soucieuse de réussir ses week-ends que de veiller au bien-être de ceux qu’elle invite… derrière les apparences, le constat n’est guère joyeux, et c’est épatant ! D’autant que Pascal Bonitzer s’offre un casting de premier choix. C’est bien simple : on les adore tous : Miou-Miou, insupportable bourgeoise aux principes flottants, Pierre Arditi, sénateur stoïque aux répliques hilarantes, Anne Consigny, cruche intégrale, Catarina Murino, séductrice cheap qui se prend pour Sophia Loren, Dany Brillant, chauffeur patibulaire et mutique… pas une seule faute de goût.

Non, vraiment, là où le film pêche (à l’image de toutes les adaptations récentes d’Agatha Christie), c’est au niveau de l’intrigue policière, systématiquement considérée comme un "prétexte" à autre chose. A croire que le polar n’est pas un genre assez noble pour constituer un sujet de film à part entière. Alors on enterre l’enquête sous des tombereaux d’observations psychologiques, on noie les frissons du suspense sous une étude de mœurs se voulant grinçante, on atomise déductions et cheminements logiques avec des réparties pleines d’esprit, certes, mais stériles. Encore plus révélateur, le peu d’ampleur donné au malheureux policier censé mener l’enquête. Dans les rares scènes où il apparaît, il a toujours un temps de retard sur l’intrigue et n’apporte que peu d’éléments de progression. Soit : s’il s’était agi de laisser le spectateur prendre sa place, en lui concoctant un petit jeu de pistes menant au coupable (exactement comme le fait Agatha Christie dans ses romans). Voilà qui aurait été ludique et gentiment irrévérencieux, tournant le détective au ridicule et créant à bon compte une complicité avec le spectateur. Mais ce n’est définitivement pas le sujet : pas de jeu de pistes en perspective et même les rares indices sont bâclés. Quitte à nous priver du plaisir simple mais jouissif de la recherche du meurtrier, avec son lot d’impasses et de doutes. Ici, tout est cousu de fil blanc : faux vrais coupables, vrais faux innocents, victimes potentielles… chacun joue son rôle sans la moindre fausse note, mais sans mystère non plus.

La fulgurance des dialogues et le portrait au vitriol d’une bourgeoisie qui a toujours deux ou trois cadavres dans le placard devient une fin en soi, dépourvue d’enjeux dramatiques et impuissante à faire avancer l’intrigue, entretenir l’attention ou ne serait-ce que sortir le film de sa torpeur. Adapter Agatha Christie en un récit mou et dépourvu de rythme, même avec de supers acteurs et une bonne dose d’humour, ça reste un crime de lèse-polar.
 
MpM

 
 
 
 

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