Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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A la croisée des mondes, la boussole d'or (The Golden Compass)


USA / 2007

05.12.2007
 



POLE EXPRESS EN PULLMAN





"- Il existe un monde parallèle, sans Magisterium.
- C’est une hérésie !
- C’est la vérité.
"

J'en vois certains qui soupirent à la perspective de cette énième adaptation d'un classique de l'Heroic Fantasy. Echaudé (exaspéré, révolté… au choix) par Le monde de Narnia et son bestiaire mystico-fantastique de pacotille ? Rassurez-vous, Philipp Pullman lui–même (l'auteur du cycle Croisée des mondes) présente son œuvre comme un "anti-Narnia", plus inspiré par Le paradis perdu de Milton (poème fantastique sur la vision chrétienne de l'origine de l'homme) que par une lecture rigoriste et étroite de la Bible. Au delà de l'éternelle lutte entre bien et mal et du traditionnel parcours initiatique d'une adolescente, il y est ainsi fortement question de liberté de pensée et de libre-arbitre. Le "mal" s'incarne en effet dans une autorité toute-puissante et autoritaire (le "Magisterium", dont le nom même évoque l’autorité de l’Eglise romaine) dont les représentants sont, de par leurs intérêts, leur vocabulaire et même leurs tenues vestimentaires, à mi-chemin entre officiers nazis et Grande Inquisition.

Comme leurs tristement célèbres prédécesseurs, ils convoitent le pouvoir absolu, écrasent toute tentative de contradiction et utilisent pour ce faire des méthodes scientifiques particulièrement odieuses et cruelles. Les premières victimes de leurs expériences ? Les enfants de familles pauvres, si bien que les accidents de parcours sont de simples "dégâts collatéraux" sans conséquence puisque les intéressés n’ont pas le pouvoir de se défendre. Même dans la grande bataille pour la pureté (car c’est bien de cela qu’il s’agit : en gros, les chefs du Magisterium veulent "protéger" leurs concitoyens de la "poussière" survenant à l’âge adulte, la métaphore parlant d’elle-même), tous les hommes ne sont pas égaux. Certains savent ce qui est bien pour eux (en l’occurrence les puissants) et les autres n’ont qu’à faire ce qu’on leur dit : de toute façon, c’est pour leur bien. On imagine alors l’usage qu’une poignée d’élus pourraient faire d’une découverte permettant de maintenir leurs sujets à un stade infantile de douce obéissance et de bien-être aveugle… Comme bien souvent en Heroic Fantasy (et plus encore lorsque, comme ici, la matière première est aussi foisonnante et profonde), derrière la fiction se profile un enjeu idéologique aux résonances potentielles soudainement beaucoup moins légères.

Toutefois, qu'on ne s'y trompe pas, le divertissement est lui-aussi au rendez-vous. Sans temps mort ni mièvrerie, ce premier volet séduit par sa richesse visuelle et ses multiples rebondissements. Tout en sacrifiant aux nécessités du film d'exposition (c'est-à-dire l’obligation d'aider le spectateur à s’orienter dans un univers inconnu), il bénéficie d'une intrigue plus consistante que bien des blockbusters. Chaque étape du parcours de Lyra est ainsi l'occasion de lui dévoiler (et au spectateur avec elle) un indice supplémentaire sur la mystérieuse "poussière" dont il est interdit de parler ou sur les rapports de force entre les différents clans (sorcières, gitans, érudits…), ainsi que de rencontrer des personnages qui (on l'espère pour eux) auront plus d’importance par la suite. D’autant que le casting, de très grande qualité, mêle une Nicole Kidman doucereuse et glaçante, un Christopher Lee inquiétant, une très éphémère mais convaincante Eva Green ainsi que la particulièrement remarquée Dakota Blue Richards, au tempérament de feu ! Une manière comme une autre de gérer la profusion de seconds rôles tout en donnant un minimum d'épaisseur à chacun, ou au moins en suscitant l'envie d'en apprendre plus sur lui.

On a d'emblée la sensation que La boussole d'or n'est qu'un premier aperçu d'un monde éminemment complexe qu'il nous faudra petit à petit apprendre à connaître, sans pour autant en être frustré. C'est la grande force du film que de ne pas prétendre tout nous expliquer d'un coup, dosant harmonieusement interrogations et bribes de réponses, et générant de la sorte un suspense presque continu. Toutefois, en ayant conçu ce premier film comme une sorte de "mise en bouche", scénaristes et producteurs se mettent singulièrement la pression tant les volets suivants ont intérêt à répondre aux attentes suscitées, sous peine de décevoir rétrospectivement le public.
 
MpM

 
 
 
 

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