Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


(c) Mars Distrib.  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 5

 
Emmenez moi


France / 2005

13.07.05
 



FORMI-FORMI-FORMIDABLE





Y'a des gens qui vont à pied jusqu'à Lourdes. Et bien moi, je vais jusqu'à Aznavour !

On connaissait le Paris-Roubaix, célèbre course cycliste, il faudra maintenant compter avec le Roubaix-Paris. En tête de peloton, les mains sur le guidon en permanence, un Gérard Darmon (Jean Claude) épatant qui a mis le très grand braquet. Un homme seul, la cinquantaine séduisante, au chômage, dont chaque moment de la vie correspond à une chanson d'Aznavour. Il est décidé : avec son neveu orphelin (Benoit) qui filmera tout le périple, il partira vers Paris pour rencontrer le chanteur. Road movie au milieu des paysages austères du Nord de la France, vrai film de vraies rencontres, son réalisateur Edmond Bensimon signe là un long métrage très personnel, avec un ton et un style. Scénario construit, réalisation soignée et originale, interprétations impeccables, dialogues au cordeau ; tout est réuni pour une authentique réussite. L'épopée compte, outre Jean Claude et son neveu, deux autres participants : Boris joué par un excellent Zinedine Soualem, grandiose en éboueur niais, touchant de sensibilité (une habitude chez ce comédien, on se rappelle de lui dans le film de Klapisch Chacun cherche son chat). Un rôle de candide parfaitement étudié et maîtrisé. Le dernier compagnon de route s'appelle Arsène, antillais et c'est Lucien Jean-Baptiste qui lui prête ses traits. Un homme qui a quitté la Martinique il y a vingt ans à la suite d'un différend familial. Personnage attachant, agissant comme un garde-fou aux excentricités d'un Darmon qui a un peu tendance à abuser de la dive bouteille. Tous les protagonistes du film ont de l'épaisseur, du caractère et l'on n'a aucune peine à imaginer leur vie même s' ils n'en livrent que des bribes. Interdépendants, chacun trouve chez l'autre son complément.
Le film de Bensimon comporte aussi un aspect social. Jean Claude est sans emploi, seul, habite une petite maison modeste aux briques rouges, alignée au milieu de dizaines d'autres identiques. Il n'a plus aucune perspective d'avenir : ne lui reste que son passé, notamment dans la Légion et il s'y raccroche souvent. Cet homme est un des nombreux laissés pour compte de notre société parce que trop « vieux ». Une des scènes très fortes du film montre Jean Claude ivre, dans une rue d'une tristesse infinie sous des éclairages blafards, bouteille à la main hurler son désespoir face au camescope du neveu : Tu veux que je te dise que je suis un minable ? Oui je suis un minable ! Tu veux que je te dise que j'ai tout raté ? Oui j'ai tout raté. Tu veux que je te dises que je ne vaux rien ? Oui je ne vaux rien.. Moment intense, avec Darmon au sommet. Mais attention, on ne tombe jamais dans le mélo. Ces gens souffrent, certes, mais avec pudeur, avec retenue et les éclats de voix ne sont là que pour servir de couverture à une détresse sociale gigantesque, des douleurs intérieures dont le réalisateur nous laisse entendre qu'elles sont définitives.
Les paysages du Nord ne sont pas montrés sous leur jour le plus avantageux, pourtant les images savent capter la moindre trace de gaieté qui passe. Ici la verdeur d'un champ, là le bleu d'un morceau de ciel, plus loin le sourire d'une jeune femme.Le réalisateur sait capter un regard, un geste, une mimique avec un sens du détail remarquable. Peu de montage, celui-ci servant le plus souvent à passer des images du camescope à celles de la caméra film avec des transitions peu originales (batterie épuisée par exemple.) mais judicieusement placées et qui fonctionnent par la construction même de la narration. Benoit filme la réalité de ce qui se passe, pareillement à des yeux qui voient les gens tels qu'ils sont. Aucune scène où son oncle chante Aznavour ne passe par la petite caméra et pour cause : Jean Claude n'est plus là dans le réel, sa vie se déroule alors précisément comme s'il était dans un film, avec smoking et lumières scintillantes. La caméra du réalisateur donne à voir le rêve, la fantaisie et tous les désirs cachés du personnage. Ce qui est intéressant, c'est que les plans subjectifs du neveu « fabriquent » plus le film que les autres et la vision du metteur en scène n'est là que pour rentrer un peu plus dans la tête des individus en nous dévoilant leurs aspirations profondes. Bensimon utilise plus volontiers le plan séquence qui donne une impression de « temps qui passe », d'une certaine lourdeur accompagnant les personnages dans cette équipée incertaine.
Limite film de genre, social à la façon d'un Tavernier ou de Ken Loach, ce que Edmond Bensimon nous donne à voir est de la bien belle ouvrage et donne d'interessantes perspectives d'avenir. On attend confirmation.
 
Olivier

 
 
 
 

haut