Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Betty Fisher et autres histoires


France / 2001

24.10.01
 



BETTY BLUES





Sombre et lumineux, cynique et dramatique, social et humain, Betty Fisher - le film - se fragmente en plusieurs histoires, autant de personnages et d'intrigues, pour finalement ne rescaper que l'espoir. Claude Miller, avec un brio admirable, joue à l'équilibriste, trouve dans le format numérique une véritable jubilation et un rajeunissement de sa mise en scène, tout en explorant avec constance ses thèmes de prédilections : la femme en détresse, l'enfant victime, la fuite en avant des uns, la médiocrité pardonnée des autres.
L'introduction du film, très hitchcockienne - une cabine de train, une mère et sa fille, une folie meurtrière - nous plonge froidement dans un univers réaliste, à la frontière de la folie, de cet inconnu qui va nous surprendre jusqu'à la fin. Betty Fisher et autres histoires est une sorte de polar qui prend sa quintessance lors du final, avec un aéroport, une valise pleine de billets, un enfant recherché dans toute la France, et un flic sans flair. A nous de deviner les titres de journaux le lendemain : banal fait divers macabre et cupide.
Mais on ne peut pas résumer le film à cette enquête. D'ailleurs ça n'est que son fil conducteur entre les multiples pièces d'un puzzle qu'on nous dévoile avec patience et qui appelle la curiosité.
Claude Miller s'attache beaucoup plus à ses personnages. Film chorégraphique, il noue et dénoue les pas de deux entre des gens tout à fait banals mais dont les actes sont parfois surprenants.
La force du film tient à sa galerie de personnages et évidemment à la qualité d'interprétation, Kiberlain et Garcia en tête. Elles creusent en profondeur les abîmes maternels; Kiberlain, orpheline de son fils et Garcia qui tente de réparer ses erreurs passées. De ce conflit trans-générationnel, de cet amour fusionnel, naîtra l'improbable : le kidnapping d'un enfant.
Pourtant la détresse de Kiberlain, la folie de Garcia et la victime du duo - le petit José qui supplée à la mort du petit Joseph - sont ceux qui s'en sortiront. "Ce n'est pas le même amour, mais c'en est un autre". Parce qu'ils acceptent leurs failles et préfèrent les remplir avec un nouveau désir de vivre ou d'être aimé, ils surmontent les obstacles et provoquent leur destin. Autour d'eux, de nombreux êtres néfastes les parasitent. La mauvaise mère Mathilde Seigner, le gigolo de banlieue Edouard Baer, l'écrivain frustré et jaloux Stéphane Freiss, et les autres, sont autant de faits divers qui donnent un autre angle à l'observation.
Car Miller profite de l'intimité de sa caméra numérique pour décrire la proximité des classes sociales, des chanceux et des "mal nés". Tous les protagonistes vivent à deux pas les uns des autres, fréquentent les mêmes lieux, se croisent sans se voir. Souvent, on pense qu'untel va se faire pincer. Pire, le sentiment d'injustice (c'est à dire celui d'être très loin de la vérité) est permanent. La monté en puissance dramatique s'accompagne de liens de plus en plus entremêlés, de personnages de plus en plus cadrées dans la même image. Le cinéaste n'hésite pas à piéger chacun de ceux qui auront cru profiter d'un tel concours de circonstance. Il y a bien quelques exceptions incarnés par les honnêtes : Luck Mervil, Roshdy Zem.
En fait, Claude Miller signe un pamphlet sur la sauvagerie psychologique de notre civilisation. Les matérialistes et opportunistes n'échappent pas à leur destin fatal. On pourrait trouver la morale manichéenne. Elle ne l'est pas. Tous ont conscience de leur défauts. Ce n'est pas la riche qui gagne sur la pauvre. Il faut voir plutôt la victoire de celle qui privilégie l'amour et sa propre resurrection à celle qui est obsédée par l'argent et son auto-destruction. Miller réussit très bien à montrer les causes du bonheur (Kiberlain) et du malheur (Seigner).
Betty Fisher et autres histoires est une magnifique leçon de cinéma et d'écriture; la forme et le fond sont totalement cohérents. Et on se sent ému lorsqu'à la fin on voit cette femme endeuillée retrouver sa liberté et remercier sa mère, à qui elle ne pouvait qu'en vouloir. Betty Fisher c'est aimer la vie sous toutes ses formes, et la famille, quelqu'elle soit.
 
vincy

 
 
 
 

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