Sortie
le 24 juillet 96 en France
le 4 octobre 96 au Canada
CRASH
Canada/Grande-Bretagne/France

Interview David Cronenberg

L'entretien de David Cronenberg est paru dans le quotidien français Libération le mercredi 17 juillet.

Un choc n'est pas forcément négatif.
Acteurs, peur, pornographie....David Cronenberg évoque la spécificité de Crash.

Propos recueillis
pas Marie Colmant

Fiche du film Crash
Réalisateur de l'année 96

Quelle est votre réaction face à l'hostilité à laquelle votre film à dû faire face à Cannes?
La majorité des gens qui sont venus me parler, c'était pour me dire à quel point ils adoraient le film; les autres je ne les ai pas vus.
Mais il faut dire qu'il est rare que quelqu'un vienne dire à un metteur en scène: je hais votre film. Jusqu'à présent, j'ai eu suffisamment de réactions positives pour être heureux. Quant à ceux qui se disent choqués, je crois qu'un choc n'est pas forcément négatif. Pour ce qui est des mauvaises critiques que le film a récoltées, je crois que c'est normal. On ne peut pas tourner un film en se refusant au compromis et se plaindre en même temps que nous le monde n'aime pas ça. Je n'ai pas fait ce film pour être aimé, et James Ballard n'a pas écrit ce livre pour en faire un best-seller. Mais je ne peux m'empêcher que même les gens qui n'aiment pas le film en apprécieront la beauté étrange.

Et que pensez vous de ces gens qui sifflent mais qui restent jusqu'à la fin du film?
Je les comprend. Car même les gens qui aiment le film ne sont pas sûrs des raisons pour lesquelles ils l'aiment. Et ça c'est une bonne chose, parce que pour les 3/4 des films on sait exactement quoi en penser au bout de dix minutes. Quelqu'un m'a dit: La première fois que j'ai vu le film, j'étais sous le choc. La seconde fois, j'ai vu le film.

Comment avez vous trouver des acteurs prêts à jouer dans Crash?
Ça peut paraître surprenant mais ça a été facile. D'abord l'agent de Holly Hunter m'a immédiatement appelé avant même que j'ai eu le temps d'envoyer le scénario à qui que ce soit. À cette époque je ne pensais pas vraiment aux acteurs., je me préoccupais davantage de financement.
Mais les scénarios circulent à Hollywood, sans qu'on le sache, le sgens font des copies et se les repassent sans jamais vous prévenir. C'est comme ça, c'est le movie business. Il est impossible de garder le moindre secret. A moins de faire comme certaines grosses productions qui tiennent absoluement à garder la primeur de leurs idées et qui font lire leurs scénarios aux agents des acteurs mais en présence d'un type détaché à la sécurité, de telle sorte qu'il est impossible de sortir de la pièce pour en faire des photocopies par exemple.

Le nom de Holly hunter a-t-il eu une influence déterminante?
Oui ça donne une légitimité au projet, et donc les autres acteurs se sont sentis plus détendus. En général je n'ai pas de problême avec les acteurs. Mais certains ont parfois peur de mes projets. Mais, pour ce film en particulier, je ne voulais pas d'un acteur qui aurait eu peur. Certains acteurs ont refusé des rôles, et je ne citerai pas de noms, mais je peux vous dire que, parmi ceux-là, il y en a de très connus qui se sont dits horrifiés par le script. Horrifiés.

C'est curieux de retrouver dans votre film Elias Koteas, acteur de The Adjuster de Atom Egoyan (NB: Membre du jury au dernier festival de Cannes), un autre metteur en scène de Toronto qui s'intéresse aussi au voyeurisme.
Oui c'est bizarre hein? Ça doit être un truc qu'ils mettent dans l'eau au Canada. Plus sérieusement, je crois que nous somme liés, Atom et moi, je ne sais pas comment exactement, mais j'en suis sûr. Avant le tournage, nous avions tous peur, je me souviens d'avoir contacté James Spader, alors que j'étais à Disneyworld avec mes enfants, et qu'il tournait à Dublin, et il trouvait ça assez amusant que je l'appelle de là pour parler de Crash. Il m'a dit qu'il avait très peur, mais que cette peur lui donnait encore plus envie de faire le film.
Mais il n'y a eu aucun problème en ce qui concerne les scènes de sexe, et je crois que je ne l'aurai pas supporté. Nous ne sommes pas des enfants, et nous ne tournions pas un film pour enfants. Nous n'avions des discussions que sur la meilleure manière de tourner la scène.

Quelle est votre définition de la pornographie?
En tant que scénariste, j'aime la précision des mots. Ça m'ennuie de voir à quel point ce mot est galvaudé et que le mot est perd de sa signification originelle pour ne plus désigner que quelquechose de mal. Littéralement et si on part de l'origine grecque, pornographie signifie peindre ou écrire à propos des prostituées, et c'était destiné à stimuler les sens à la manière d'un aphrodisiaque, et seulement ça. Et pour moi ça ne signifie rien d'autre, la pornographie est un genre.


(C) Ecran Noir 1996-1999