2016: Un cinéma d’animation riche et varié en 14 films

Posté par cynthia, le 3 janvier 2017

L'année 2016 se termine et à l'aube de 2017, il est l'heure du bilan. Mais alors que vous vous faites la liste des personnes avec qui vous n'auriez pas dû coucher, des soirées où vous n'auriez pas dû aller, les séances de sport que vous n'auriez pas dû manquer etc...nous vous proposons avec douceur et pertinence une sélection (sans ordre particulier) de films d'animation qu'il ne fallait pas manquer en 2016 mais que vous pourrez toujours rattraper en 2017 (en dvd, vàd, etc). Hommes seuls, femmes aventureuses, alliances de la carpe et du lapin: les grandes tendances sont montrent que le cinéma d'animation n'est plus une affaire de princesses patientes et de princes charmants.

Ma vie de Courgette de Claude Barras

En tête, le film le plus top. Un film d'animation qui débute par un meurtre non prémédité et qui se poursuit dans un orphelinat pourrait faire peur. Nous préparons les mouchoirs tout en s'attendant à être choqué et pourtant...

Dans Ma vie de Courgette nous passons de rire aux larmes en quelques minutes tout en restant envahi par ce sentiment enfantin offert avec amour par l'animation. Lorsque le film se termine nous avons du mal à quitter le siège tant le film nous a fait traversé toutes les émotions possibles. Si nous rigolons en entendant la description d'un acte sexuel par les enfants ("et puis le zizi explose") Ma vie de Courgette fait autant rire que réfléchir en abhorrant des sujets épineux tels que le viol, la drogue et bien évidemment l'abandon. Le film de Claude Barras est une œuvre qui ne laisse pas de marbre. Tout le monde est séduit... petits et grands. Son palmarès est déjà impressionnant depuis sa présentation à la Quinzaine des réalisateurs.

Zootopie de Byron Howard, Rich Moore et Jared Bush

Lorsqu'un Disney sort au cinéma c'est un événement, surtout depuis que l'industrie de Mickey a mis les clichés à la poubelle. Avec Zootopie il n'y a pas de princesses ou d'amour mais de l'amitié, un message d'acceptation et un personnage homosexuel, certes pas flagrant mais tout de même! Ce buddy-movie animalier procure un véritable plaisir avec ses prouesses techniques et son scénario original de polar style L'arme fatale. Nous saluons la scène du centre de naturistes mais aussi la morale de l'histoire qui rappelle la peur constante face à la différence dont notre société souffre un peu plus chaque jour. Le film a terminé leader de l'année (même si au final, il se fera dépasser par le Disney de Noël).

Sausage Party de Conrad Vernon et Greg Tiernan

Non ce n'est pas pour les enfants: inutile de faire un procès pour ça non plus. Mais Sausage Party est un délire entre adultes pour les adultes. Même si la fin laisse de marbre, le film se déroule de manière divertissante et drôle (le papier toilette est sans conteste le meilleur personnage du film). Nous rigolons, nous ouvrons les yeux comme des soucoupes puis nous rigolons encore, car Sausage Party ressemble aux soirées entre potes: nous nous éclatons mais plus nous buvons de l'alcool, plus la soirée part en cacahuètes. Du coup restez sobre puis bourrez-vous pour LA scène (plus que) fantasque de Sausage Party.

La tortue rouge de Michael Dudok de Wit

Rescapé d'un naufrage, un homme se retrouve seul sur une île tropicale et tente de survivre. Épié par les crabes, l'homme apprivoise l'endroit et se met à construire un radeau en vain à cause d'une force sous-marine qui s'en prend à son embarcation. L'homme découvre bientôt que l'animal qui a détruit son moyen de fuite est une tortue rouge. Entre Robinson Crusoé et Le vieil homme et la mer d'Ernest Hemingway, La tortue Rouge (fable sans dialogue) plonge le spectateur dans un songe marin qui s'enivre de la beauté des éléments avec un scénario qui ne manque pas de poésie et de la magie des studios Ghibli. Après avoir séduit les spectateurs cannois (Un certain regard), l'oeuvre de Michael Dudok de Witt n'attend plus que d'être découverte.

La jeune fille sans mains de Sébastien Laudenbach

Conte angoissant des Frères Grimm, La jeune fille sans mains est illustré à la perfection par son dessinateur/réalisateur. Telle une estampe japonaise qui prend vie sous nos yeux, ce film pénètre chaque parcelle de votre corps avec fougue et frappera les esprits les plus innocents. Ajoutons à cela une profondeur psychanalytique et une noirceur propre aux contes tel Peau d'âne qui donnent à ce film une dimension particulière et qui en fait une œuvre singulière. Sans morale gnangnan La jeune fille sans les mains est un cadeau à faire aux petits et aux grands.

Louise en hiver de Jean-François Laguionie

Tout comme avec La tortue rouge, nous suivons l'aventure d'une rescapée mais sur une plage moins exotique cette fois. Autre grosse différence, Louise est une petite vieille attachante qui représente la métaphore de la vieillesse et de l'abandon par les jeunes. "Ah, maintenant je comprends pourquoi tout le monde me fuit...les gens pensent que je suis contagieuse?!" dit-elle devant un miroir abandonné sur la plage. Durant toute cette fresque, Louise va survivre à la vie mais surtout à elle-même, offrant ainsi un hymne existentiel et un hommage au temps qui passe: un portrait de la solitude et une douce claque visuelle qui donne des palpitations au cœur et à l'âme.

Kubo et l'armure magique de Travis Knight

Véritable pépite de l'animation, Kubo et l'armure magique est poétique, fantastique, émouvant. Dans cette histoire aux sonorités japonaises.,Kubo, jeune garçon vif et généreux voit son quotidien doux et tranquille bouleversé lorsqu'il invoque malencontreusement un esprit de son passé. Produisant un chaos extraordinaire, Kubo va devoir survivre face à des forces qui le dépassent. Produit en stop-motion, Kubo et l'armure magique ne laisse guère de doutes: c'est un des meilleurs films américains dans le genre, entre subtilité et pur ludisme.

Comme des bêtes de Chris Renaud et Yarrow Cheney

Comme des bêtes, notre plaisir coupable de l'animation 2016, est un véritable produit du divertissement qui fait agiter autant votre âme d'enfant que votre cœur de cinéphile. Plongeant littéralement dans le quotidien de nos petits poilus, nous suivons avec amour les aventures de ces bêtes drôles et intelligentes. Avec les fêtes entre poilus, les délires de la gamelle et des "va chercher baballe"Comme des bêtes n'est pas seulement un film d'animation pour enfants (d'ailleurs est-il vraiment pour les enfants?), il est aussi une dédicace à nos amis à quatre pattes, à écailles et à carapace. Grand plaisir à voir ce film pour le personnage Pompom incarné avec brio par Kevin Hart (à mourir de rire). Et avant l'arrivée de Tous en scène, la preuve qu'Illumination n'est pas qu'une success-story de "minions".

Vaiana, la légende du bout du monde de John Musker et Ron Clements et Le Monde de Dory d'Andrew Stanton et Angus MacLane

Vaiana, le dernier Disney est un véritable cadeau de Noël pour les enfants et les grands. Fable écologiste et ode à l'audace, il n'y a pas de prince ici (à l'instar de Rebelle) ni d'histoire d'amour mais son récit ne manque pas de piquant ou de chansons ("How Far I'll Go" – "Le bleu lumière" ou le nouveau "Libéré, Délivré"). Vaiana emporte avec douceur les spectateurs tel un raz-de-marée. Ce sera le film le plus vu sorti en 2016 en France. Aux Etats-Unis, la médaille d'or est revenue à un autre Disney (côté Pixar), un autre film "océanique" sans prince charmant (quoique ce poulpe à sept tentacules, on en parle?). La suite du Monde de Nemo, Le Monde de Dory remplit son contrat: drôle, enlevé, coloré. Vaiana et Dory, deux héroïnes pas comme les autres, audacieuses et assumant leurs failles, sont des aventurières des temps modernes prêtes à traverser le Pacifique pour préserver leur culture/liberté et pour sauver leur foyer. Mention à Dory qui assume toutes les formes de familles, recomposées comme adoptées.

Les Trolls de Mike Mitchell et Walt Dohrn

Bien que l'histoire n'ait rien de captivant ou d'innovant (les héros quittent leur monde d'arcs-en-ciel et de cupcakes pour une opération sauvetage) les personnages sont terriblement attachants. Visant clairement les plus jeunes spectateurs, Trolls s’offre une bande-son (nommée aux Golden Globes) explosive et une vision plus simple (et plus droguée) du déroulement du cerveau que le Vice-Versa de Pixar. Le succès du film sauve DreamWorks de son déclin, notamment face à Illumination qui, avec Tous en scène, réussit bien mieux l'animation-musical.

Your Name de Makoto Shinkai

Fresque romantique et surnaturelle, Your name est l'ovni animé de 2016 qui hypnotise et attrape les cœurs jusqu'à l'explosion. Un garçon qui rêve de nature et une fille qui souhaite vivre dans une ville, échange de corps sans crier gare (un souhait inavoué qui se réalise sans doute). Métaphore du genre, fantasmagorie romanesque, distorsion du temps et phénomène fantastique, l'oeuvre de Makoto Shinkai est une fresque contemporaine, romanesque et romantique, intime et spectaculaire, où la vie de chacun est à la croisée du hasard et du déterminisme, de ses rêves et de sa volonté. Un doux songe animé. Et un triomphe au Japon qui cherche son nouveau Myiazaki.

Cigognes et compagnie de Nicholas Stoller et Doug Sweetland

Cigognes et compagnie fut la bonne surprise de 2016, injustement boudée. Conter une histoire sur l'arrivée des bébés dans les familles aurait pu être un énième animé un peu niais et pourtant la Warner Bros. signe un conte des temps modernes où la famille, une fois de plus, s'offre un visage recomposé (il suffit de voir la meute de loups). Papa, maman sont ensemble pour avoir des bébés: non ils peuvent prendre leur temps et il peut même avoir deux papas (prends ça la manif pour tous). Véritable comédie animalière qui ne laisse pas de marbre (la séquence des pingouins est un must), ces cigognes savent séduire et faire rire.

Tout en haut du monde de Rémi Chayé

Voyage glacial et inquiétant, Tout en haut du monde, est un récit plus dur qu'on aurait pu imaginer allant parfois dans la noirceur, parfaitement illustrée par un dessin épuré à l'extrême et sans contours. De plus, tout comme La jeune fille sans mains, le film conte une histoire de femme courage, une héroïne épique et aventureuse (coucou Vaiana) qui séduit par sa prestance et sa liberté.

Il ne reste plus qu'à vous, cinéphiles, à rattraper votre retard et à attendre impatiemment l'arrivée du cru 2017.

Edito: Happiest Days of Life?

Posté par redaction, le 20 octobre 2016

En ces temps un peu crispés et angoissants, le cinéma peut-être un bon décompresseur. On peut évidemment nier la réalité comme Brice (de Nice) qui préfère regarder son nombril que de s'intéresser au monde qui l'entoure. Ça a l'avantage de ne pas coûter très cher à la Sécurité sociale. On peut aussi adopter un chien, genre un teckel. Un animal fidèle, attachant. Et le film qui en découle a du mordant. Car un chien, s'il a besoin d'affection, ne compense quand même pas les souffrances personnelles et la solitude de ses propriétaires. Parlant de solitaire, Jack Reacher croit être un homme heureux en errant sans téléphone et sans carte de crédit au fil des motels. Ce mode de vie alternatif un peu radical n'est pas forcément conseillé à tout le monde.

Car on le voit bien, être heureux est un combat de tous les jours. Marion Cotillard dans Mal de Pierres n'y arrive pas, dévorée par sa lubricité et son envie de passion. Les Berken, horribles ogres, croient qu'avaler des Trolls (sans OGM mais avec un penchant pour les câlins) les comblera de bonheur. Olli Mäki espérait atteindre le nirvana avec la célébrité, la gloire, mais la surmédiatisation compromet son (seul) désir amoureux. Quant à Willy (1er), il a toutes les peines du monde à s'émanciper, malgré ses 50 ans passés.

Oui, vraiment, c'est pas facile de vivre. La meilleure preuve cette semaine est bio garantie sans gluten et gratinée à point: Ma Vie de Courgette. Malgré tous les malheurs qui s'abattent sur ce pauvre orphelin, il trouve quand même le moyen de voir la vie du bon côté. Soleil au beau fixe. On n'est jamais vraiment seul, finalement.

Quoique. Les films art et essai et les salles qui sont estampillées A&E se sentent justement un peu seules. A lire la tribune signée par douze exploitants (dans Le Film Français), il y a péril. Ils sont crispés et angoissés. En regardant les statistiques, ils constatent "la désaffectation des spectateurs pour une certaine typologie de films. À l’exception de quelques-uns qui font l'unanimité, souvent repérés au cours des festivals les plus prestigieux et qui, pour cette raison, ont des plans de sortie ridiculement vastes. Les spectateurs art et essai se concentrent de plus en plus sur les mêmes titres, tendance qui se confirme aussi autour des films dits ‘généralistes’. Ce n'est pas seulement le ‘public jeune’ qui déserte les salles classées, c’est le public qui déserte les films recommandés.”

L'effet s'accentue avec la VàD: un seul film "d'auteur" se classe dans le Top 20 cette semaine. Le cinéma devient de plus en plus un divertissement de masse. Hormis quelques films chaque année, le cinéma dit "d'auteur" perd en effet ses spectateurs, et avec lui la culture cinéphile. Il est peut-être temps de limiter le nombre d'écrans par sorties, de soutenir des salles qui jouent sur la durée d'exploitation d'un film, d'aider bien mieux ceux qui font le pari d'une programmation exigeante, de remettre du carburant financier dans les festivals de cinéma (relais indispensable sur tout le territoire). Il ne faut pas désespérer: avec de vieux films ou des grands auteurs, Arte parvient à séduire un à deux millions de téléspectateurs. Il y a encore de la curiosité. Mais il faut la stimuler (politique tarifaire, animation événementielle, ...). Nous ne sommes pas obligés de finir orphelins de la cinéphilie. Par essence, le 7e art est fait pour être adopté.