Adieu Bacri (1951-2021)

Posté par vincy, le 18 janvier 2021

bacri

Il avait le goût des autres. Un certain sens de la fête. Un air de famille. Il faisait partie dans l'inconscient collectif de nos meilleurs copains, ceux avec qui on aurait aimé passer l'été en pente douce. Jean-Pierre Bacri est mort des suites d'un cancer à l'âge de 69 ans. Et ça nous rend triste.

Pour beaucoup, il restera un peu ce grincheux permanent, ce loser à l'humour grinçant, ce charmeur aux répliques acides, celui qui jouait le drôle comme un drame. Durant près de 40 ans, il a été l'incarnation d'un Français "moyen" mais humaniste, humble mais flamboyant, sentimental et attachant. Il est révélé par Alexandre Arcady (Le grand pardon et Le Grand carnaval). Il éclate dans Coup de foudre de Diane Kurys. Il empoche sa première nomination aux Césars avec Subway de Luc Besson. Il peut être sombre dans la comédie et lumineux dans le noir. Il attirait le personnage à son tempérament, quitte à faire oublier toutes les subtilités de son jeu, beaucoup plus riche qu'en apparence.

Jaoui

Avant de devenir l'un des premiers rôles (et râleurs) les plus aimés du cinéma français, il avait débuté au théâtre avec Lorenzaccio, Ruy Blas, Don Juan (en Sganarelle) puis Ribes / Topor , Pinter et Brecht. C'est d'ailleurs la scène qui va le rendre incontournable. Observateur des mœurs, conscient des luttes sociales, engagé, il écrit ses premières pièces des ses débuts à la fin des années 1970. Mais c'est sa rencontre avec Agnès Jaoui, en 1987 sur le plateau de L'anniversaire, qui deviendra sa compagne durant un quart de siècle, et qui va sceller un destin d'écriture à quatre mains hors du commun. Elle-même l'a confié au Monde ce week-end: "Je ne serais pas arrivée là, bien sûr, si je n’avais pas rencontré Jean-Pierre Bacri. Voilà quelqu’un qui exprimait ce que je ressentais sans même me l’être formulé ; qui avait des réflexions qui me percutaient, me soulageaient, témoignaient de valeurs communes, d’un rapport au bien et au mal que je partageais, avec une conviction qui m’émerveillait car elle était si singulière !"

Les "Jabac" - surnom donné par Resnais - se lancent dans Cuisine et dépendances en 1991 puis Un air de famille en 1996, devenus des classiques sans cesse repris, en plus d'avoir été des succès populaires et cultes au cinéma. Il fera un dernier tour sur les planches avec Les Femmes savantes, mis en scène par Catherine Hiegel.  Il est couronné par un Molière du comédien, 25 ans après avec partagé celui de l'auteur avec sa compagne d'alors pour Cuisine et Dépendances.

Sur le grand écran, il passe par la sensibilité de L'été en pente douce, le délire des Saisons du plaisirs, la mélancolie de La Baule-Les-Pins, l'authenticité de Mes meilleurs copains... Il est un second-rôle idéal, celui qui met du relief aux dialogues et qui renvoi si bien la lumière sur l'ensemble du groupe. Populaire, il n'avait jamais transigé. Employé de banque, venu par hasard au théâtre, le méditerranéen était beau gosse (avec des cheveux) avant de se métamorphoser parisien plein d'esprit et dont les prises de paroles faisaient du bien. Il menait une vie peinarde. Discret, avec ses habitudes, sans trop de contraintes.

Chabat

Comme pour Jaoui, c'est l'adaptation de leur propre pièce, Cuisine et dépendances, qui révèle sa nature comme son don pour les personnages un brin cynique ou désillusionné. Un air de famille le rend alors populaire, sans qu'il ne fasse de compromis. Il enchaîne avec trois films très différents qui le positionne parmi les comédiens les plus bankables: Didier d'Alain Chabat, poussant vers l'humour absurde, On connaît la chanson d'Alain Resnais, déclinant son personnage d'angoissé, et Place Vendôme de Nicole Garcia, protecteur de Catherine Deneuve. Cette fois-ci, il est au premier plan, incisif, hilarant ou séducteur.  Avec Alain Chabat, c'est l'histoire d'une fidélité: projectionniste tué dans La Cité de la peur, invité de "Les Nuls l'émission" ou de "Burger Quiz", scénariste invité dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre (en plus d'en être le narrateur), participation dans Santa & Cie...

Jean-Pierre Bacri tourne peu, mais sûrement. Il réfute les clichés et préfère chercher l'humanité, l'empathie, la profondeur d'un personnage, peu importe qu'il soit chef d'entreprise proche du burn-out, barman sifflotant un générique de jeu TV, proxénète, éditeur égocentrique, ou vendeur de brosses à dents. "Je ne joue pas toujours des personnages râleurs !" rappelait-il en 2015 l’AFP. Certes, il n'aimait pas l'irréel des héros, la triche du surjeu, le mensonge du bonheur total. Il préférait "traquer le vécu, la sobriété, la pudeur", même si le rôle est abject. C'était une gueule. On lui reprochait de toujours faire la gueule. A tort. Lançons un (Ba)cri du coeur, il souriait, riait même, et savait montrer sa générosité et sa chaleur. Car, on l'oublie, il aimait aimer. Ses personnages courait après l'amour, ceux fanés, inaccessibles ou maladroits. L'amour au centre de tout: se fichant d'être aimé, il faisait quand même tout pour que son personnage le plus antipathique ne soit pas détestable. "Je joue des gens qui ont des problèmes, placés face à des contradictions, c'est ce qui m'amuse le plus" précisait-il, préférant jouer "vraiment le contraire" de ce qu'il pensait être.

Lauriers

Il est évidemment formidable dans Le Goût des autres d'Agnès Jaoui, leur meilleure satire, mais il sait aussi transcender les scènes chez Noémie Lvovsky (Les sentiments) ou Pascal Bonitzer (Tout de suite maintenant) ou dans Une femme de ménage de Claude Berri. Pourtant, ce sont dans des films plus décalés qu'il brille et qui démontre son goût très sûr pour les bons scénarios, les grands personnages, souvent seuls dans des univers singuliers, et les cinéastes au ton si personnel (Adieu Gary de Nassim Amaouche, Kennedy et moi de l'ami Sam Kermann, La vie très privée de Monsieur Sim de Michel Leclerc...).

Choisir Bacri dans un film c'est lui donner une tonalité particulière, où l'on ne voit plus que ce faux misanthrope, ce bougon faussement détaché ou ce solitaire malgré lui. Et à chaque fois, aucune fausse note. Un naturel confondant au point de le confondre avec ses rôles. "Je fais en sorte qu'on ne voie pas les coutures, qu'on ait l'impression que je suis en train de vivre la situation. Je crois qu'un acteur doit avoir une certaine empathie pour les gens, pour les comprendre et donc pour les jouer, ressentir leurs émotions" disait-il dans Le Figaro il y a trois ans. Le sens de la fête en 2017, d'Olivier Nakache et Eric Toledano, représente à ce titre l'acmé de son jeu dans une troupe où il sait être à sa place: centrale mais collective. Ce sera la dernière de ses sept nominations aux César (celui-là, il le méritait pourtant), César qu'il aura eu en tant qu'acteur pour un second-rôle (1998) mais quatre fois comme scénariste avec Jaoui (en plus d'un prix du scénario à Cannes et deux European Awards).

On ne le dira jamais: auteur génial, il était aussi un grand acteur. Sans aucune nostalgie pour l'enfance, il s'était épanoui avec la maturité, comme un grand vin. Il avait conquis sa liberté, son indépendance. "Je ne veux plus des dimanches soir mortels d’ennui de mon enfance, des levers à l’aube pour aller travailler à l’école, au lycée, à la banque. J’ai trop vécu alors de petit spleen en petit spleen" clamait-il dans Télérama. Il lui restait de sa jeunesse "Une certaine futilité, un goût stupide de l’amusement, des plaisirs gamins... Une paresse de cancre aussi".

Dans l'hebdomadaire, il affirmait: "Je ne regrette aucun des films où j’ai joué, je n’en mythifie aucun non plus. Une vie d’acteur est nourrie de l’accumulation d’expériences, quelles qu’elles soient. Je ne sacralise pas ce métier." Nous, on aurait quand même bien envie de le sacriliser tant il a offert des barres de rire, de grands moments d'émotion et une vision de l'humain à contre-courant des comédies populaires et du diktat artificiel du bonheur imposé par la télévision. Il y avait quelque chose en nous de Bacri.

Fernando Solanas (1936-2020), l’indigné permanent, est mort

Posté par vincy, le 7 novembre 2020


Le réalisateur argentin, connu pour ses documentaires militants, ancien député et sénateur, Fernando Salanas, est mort le 6 novembre, à l’âge de 84 ans des suites du virus Covid-19.

Né le 16 février 1936 à Buenos Aires en Argentine et mort à Paris, il avait reçu un Ours d'or d'honneur à Berlin en 2004 mais aussi le Grand prix spécial du jury à Venise pour Tangos, l'exil de Gardel, le prix du la mise en scène à Cannes pour Le Sud et le Grand prix de la commission supérieure technique, toujours à Cannes, pour Le Voyage.

Il a réalisé des films, fictions ou docus, très engagés dès les années 1960, en lutte contre la dictature argentine - L'Heure des brasiers, Argentina, mayo de 1969: los caminos de la liberación, Perón, la revolución justicialista, Les fils de Fierro, ... - avant de bifurquer vers un cinéma plus allégorique, après la fin du régime péroniste, avec Tangos, Le Sud, Le voyage, Le nuage, Les invisibles ou Le grain et l'ivraie, son dernier film il y a deux ans.

Surnommé « Pino », il considérait le cinéma comme un manifeste politique, devant ouvrir le débat, se confronter aux citoyens. Il voulait donner la parole au peuple, montrer les gens d'en bas, tout en refusant les conventions, souhaitant même, volontairement, déranger le pouvoir en place. Ses influences variées, son esthétique presque manuéline, était une recherche anticonformiste, rejetant les normes, presque d'inspiration baroque à la manière d'un Fellini. Sur la fin, son cinéma devenait plus nostalgique, pour ne pas dire désenchanté face aux chaos du monde, sans doute perdu dans la complexité de l'ère contemporaine, égaré dans ses exils multiples.

Il venait d'être nommé Délégué permanent de son pays à l’Unesco.

Le Festival de Cannes pour quelques jours sur la Croisette

Posté par vincy, le 28 septembre 2020

"On l’espérait, c’est décidé, le Festival sera présent à Cannes en cette année 2020 si particulière, avec une partie de la Sélection officielle Cannes 2020. Cet évènement exceptionnel, organisé en collaboration avec la Mairie de Cannes, se tiendra au Palais des Festivals et des Congrès du mardi 27 au jeudi 29 octobre 2020" annonce le Festival de Cannes.

Après avoir présenté plusieurs des films de la sélection Cannes 2020 dans les festivals d'Angoulême, Deauville, Toronto et San Sebastian, et Lumière à Lyon dans une dizaine de jours, Cannes revient sur son territoire avec une édition courte et hors normes, ouverte au grand public, au sein même de son Palais. Quatre avant-premières, les courts-métrages en compétition et les films d’école de la Cinéfondation.

Un Jury, dont la composition sera dévoilée prochainement, décernera la Palme d’or du court métrage et les Prix de la Cinéfondation.

Seront projetés Un triomphe d’Emmanuel Courcol avec Kad Merad, primé par le public à Angoulême, en ouverture et Les Deux Alfred de Bruno Podalydès, avec Sandrine Kiberlain. Asa Ga Kuru (True Mothers) de Naomi Kawase et Beginning (Au commencement) de Déa Kulumbegashvili qui vient de remporter quatre prix (dont celui du meilleur film) à San Sebastián seront également projetés.

Pour Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, quatre films de la Sélection officielle, la compétition des courts métrages, le concours des films d’école, des diners et des rencontres, "C’est un condensé du bonheur d’être à Cannes que nous allons vivre tous ensemble en octobre ! Les films de la Sélection officielle rencontrent en ce moment les spectateurs en France, en Europe et dans le monde. C’est un beau symbole de les voir faire étape à Cannes, avant de nous tourner vers l’édition 2021."

Pour une édition intégrale et "normale" (et sans doute masquée), il faudra attendre le prochain Festival de Cannes, le 74e, du 11 au 22 mai 2021.

Cannes 2020 : The Last Hillbilly et les films de l’ACID hors les murs

Posté par kristofy, le 25 septembre 2020

A cause du contexte de crise du coronavirus les trois sélections parallèles du Festival de Cannes avait annoncé leur annulation dès mi-avril : " la Quinzaine des Réalisateurs, la Semaine de la Critique et l'ACID ont le regret d’annoncer l’annulation de leurs éditions cannoises 2020... Afin de soutenir l’ensemble du secteur cinématographique, très affecté par la situation présente, chaque section, en concertation avec le Festival de Cannes, étudie cependant la meilleure façon de continuer à accompagner les films soumis à leur édition 2020". Depuis divers événements font découvrir des films 'Cannes 2020', et l'ACID organise aussi un accompagnement de ses 9 films sélectionnés (5 fictions et 4 documentaires).

Septembre symbolise le début d'une tournée qui passe par plusieurs de cette sélection ACID 2020 'Hors les murs' :

du 17 au 19 septembre 2020, à Nantes, au Cinématographe
du 25 au 29 septembre, à Paris, au Louxor
du 30 septembre au 2 octobre, à Montreuil, au cinéma Le Méliès
du 1er au 5 octobre, à Malakoff, au cinéma Le Marcel Pagnol
du 2 au 4 octobre, à Lyon, au cinéma Comoedia
du 8 au 11 octobre, à Marseille, au cinéma La Baleine et au Gyptis
du 10 au 18 octobre, à Lisbonne au Portugal, dans le cadre de la Festa do Cinema Francê
du 10 au 13 novembre, à Porto-Vecchio, à la Cinémathèque de Corse
du 20 au 29 novembre, à Belgrade en Serbie, dans le cadre du Festival du Film d’auteur
et d'autres festivals internationaux (Busan, Hambourg...).

La programmation ACID 2020 à Paris au Louxor, en présence des équipes de films  :

Vendredi 25 septembre, 20h00 = Ouverture avec THE LAST HILLBILLY + rencontre et discussion avec les réalisateurs du film & les cinéastes de l'ACID Idir Serghine, Jean-Louis Gonnet et Anne Alix.

26 septembre = 14h00 : LES AFFLUENTS + rencontre et discussion avec le réalisateur;16h00 : FUNAMBULES + rencontre et discussion avec le réalisateur, le compositeur et la productrice; 18h00 : IL MIO CORPO + rencontre et discussion avec le réalisateur et l'équipe du film; 20h30 : SI LE VENT TOMBE + rencontre et discussion avec la réalisatrice et l'acteur Grégoire Colin.

27 septembre = 11h00 : LOIN DE VOUS J’AI GRANDI + rencontre et discussion avec la réalisatrice; 14h00 : LA ULTIMA PRIMAVERA; 16h00 : WALDEN + rencontre et discussion avec la réalisatrice; 18h30 : LES GRAINES QUE L’ON SEME + rencontre avec le réalisateur.

28 septembre = 11h00 : THE LAST HILLBILLY + rencontre et discussion avec la réalisatrice Diane Sara Bouzgarrou; 14h00 : LES GRAINES QUE L’ON SEME; 16h30 : IL MIO CORPO + rencontre et discussion avec le réalisateur; 18h30 : FUNAMBULES + rencontre et discussion avec le réalisateur; 20h30 : LOIN DE VOUS J’AI GRANDI + rencontre et discussion avec la réalisatrice.

29 septembre = 14h00 : SI LE VENT TOMBE; 16h30 : WALDEN; 18h30 : LES AFFLUENTS + rencontre et discussion avec le réalisateur; 20h30 : LA ULTIMA PRIMAVERA + rencontre et discussion (via skype) avec la réalisatrice.

The Last Hillbilly, de Diane Sara Bouzgarrou & Thomas Jenkoe, en ouverture à Paris :

C'est l'occasion de découvrir ce documentaire, qui a aussi été sélectionné lors du Festival de Deauville, avant sa sortie prévue le 2 décembre. Il nous emmène dans une région des Etats-Unis peu représentée au cinéma, un endroit vers les montagnes Appalaches dans le Kentucky : ici plus qu'ailleurs les jeunes ont tendance à s'en aller vers des grandes villes et ceux qui restent sont encore attachés aux histoires d'un coin qui n'intéresse quasi plus personne. C'est un de ces endroits un peu isolé où les gens sont moins américains (ou plus) que d'autres, les hillbillies (les péquenauds) assistent à la disparition du mode de vie de leurs parents...

Le documentaire s'intéresse particulièrement à l'un d'eux et à sa famille. Brian est conscient de la désertification de la région et que tout ce qu'il a connu sera oublié, les enfants s'ennuient dans cette nature de forêt et de lacs et jouent soit aux jeux-vidéo soit à conduire un tracteur vers ailleurs. La caméra observe beaucoup et écoute leurs discussions, les deux réalisateurs se sont donné un rôle de témoin de ce qui se joue sans y ajouter leur commentaire. Et ce qui se joue est précisément la fin en marche d'un endroit rural à la fois profondément américain et en même temps hors de l'Amérique moderne. C'est une certaine tradition des pionniers qui n'est plus du tout attirante face au progrès (dont économique) des villes. Brian continue de raconter des histoires au coin du feu et les enfants de se baigner dans la rivière, mais tous ont le sentiment qu'il n'y aura plus vraiment de Hillbilly à l'avenir...

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ACID hors les murs au cinéma Le Louxor à Paris
du 25 au 29 septembre.
Renseignements sur le site de la manifestation

Deauville 2020 : un grand hommage à Kirk Douglas en ouverture

Posté par kristofy, le 5 septembre 2020

Après les bons chiffres de fréquentation des salles pour Tenet de Christopher Nolan qui ont été reçus par les distributeurs et les exploitants comme un symbole d'une reprise d'attractivité des salles, l'ouverture du 46ème Festival du cinéma américain de Deauville a aussi regonflé les espoirs (masqués).

Bal masqué

La ministre de la culture Roselyne Bachelot est venue amener de la lumière dans la salle obscure de Deauville, deux semaines après que le Premier ministre Jean Castex ait fait de même à Angoulême : « Le cinéma ce n'est pas seulement des films, c'est l'expérience collective du grand écran», en évoquant les prochaines mesures de soutien au secteur qui vont être mise en oeuvre (dont une mise à contribution des diverses plateformes de streaming vod, concurrentes des salles, pour une taxation en direction du CNC pour redistribuera ensuite).

La cérémonie d'ouverture a fait venir certains fidèles de Deauville : des ex-membre de jury comme Régis Wargnier, Clotilde Hesme, Kadija Touré, Anna Girardot, et même l'ex-premier ministre et maire voisin du Havre Edouard Philippe. Deauville a mis l'accent sur une solidarité entre festivals (yes, we Cannes !) - en particulier Annecy et Cannes dont des films de leurs sélections sont invités à être découverts ici. Cannes étant LE festival marqueur de l'année, il était représenté sur scène par Pierre Lescure et Thierry Frémaux. Même leur musique-signature de Saint-Saëns tellement évocatrice de fête du cinéma résonnait en Normandie.

Ennio et Kirk

Deauville a démarré sur des hommages. Des mélodies ont été jouées au piano: du Ennio Morricone. Et puis il y eut Kirk Douglas, à travers un émouvant discours vidéo envoyé par son fils Michael Douglas, racontant les phases de la vie son père (jeunesse, succès, la fin de sa vie) et remerciant le festival pour cette première commémoration post-mortem et post-confinement.

Sa filmographie qui s'étire sur presque 60 ans depuis L’emprise du crime de Lewis Milestone en 1946 avec Barbara Stanwyck et Les griffes du passé de Jacques Tourneur en 1947 avec Robert Mitchum, jusqu’en 2003 avec Une si belle famille (tourné avec sa famille dont son fils Michael Douglas pour la première fois) et 2004 Illusion (à propos d’un artiste à la fin de sa vie).

Kirk Douglas est mort en février 2020 à l’âge de 103 ans : une telle longévité a fait de lui un acteur phare d’un demi-siècle de cinéma américain en traversant l’époque des gros films de studios des années 50 et leur déclin ainsi que le nouvel Hollywood des années 70. Le début des années 80 sera synonyme de ses derniers grands succès avec Saturn 3 de Stanley Donen et surtout Nimitz retour vers l’enfer de Don Taylor. Parmi la multitude de ses rôles, il aura imprimé de sa personnalité l’image d’un héros droit et fort dans ses convictions : sur l’écran autant qu’en privé, Kirk Douglas était opposé à un certain impérialisme américain comme au Maccarthysme des années 50.

Sept jours en mai, de John Frankenheimer.

La dernière apparition de Kirk Douglas dans un film aura été à la télévision (pour Canal+) en 2008 dans le montage de Meurtre à l’Empire State Building du français William Karel qui avait été présenté au festival du film américain de Deauville cette année-là. Kirk Douglas et la France c’est d’ailleurs une longue histoire : il parlait le français, il a été membre du jury du festival de Cannes en 1970, il a reçu un César d’honneur en 1980, il fut chevalier de la Légion d’honneur en 1985, et son visage avec une fossette au menton est devenu un personnage des aventures d' Astérix… Quantité de ses films ont été des succès populaires en France.

Le Gouffre aux chimères, de Billy Wilder.

Il a tourné devant les caméras des plus illustres : Jacques Tourneur, Joseph L. Mankiewicz, Raoul Walsh, Billy Wilder, Howard Hawks, Vincente Minnelli, Richard Fleischer, King Vidor, de John Sturges, Stanley Kubrick, Robert Aldrich, John Huston, John Frankenheimer, Otto Preminger, René Clément, Elia Kazan, Brian De Palma, Stanley Donen, George Miller, John Landis… En tant que producteur il chapeaute plusieurs projets où il se donne bien entendu le premier rôle comme La Vie passionnée de Vincent van Gogh et Spartacus qui sont d’immenses succès. Il s’essaya comme réalisateur avec moins de chance (Scalawag et La Brigade du Texas sont oubliables). Il a reçu trois nominations à l'Oscar du meilleur acteur sans remporter la statuette: c’est un Oscar d’honneur qui lui est alors remis en 1996 pour saluer alors ses 50 ans de carrière.

Spartacus, de Stanley Kubrick.

Sur les planches normandes, il y avait déjà reçu un hommage de son vivant en 1978 et en 1999 (25ème anniversaire du festival). Deauville propose de revoir une large sélection de ses films : La Griffe du passé de Jacques Tourneur (1947), Le champion de Mark Robson (1949), Le Gouffre aux chimères de Billy Wilder (1951) avec un journaliste qui redevient populaire avec ses articles sur l’agonie d’un homme enseveli dans un gouffre (une inspiration du Un jour de chance de Alex de la Iglésia), La Captive aux yeux clairs de Howard Hawks (1952), Les Ensorcelés de Vincente Minnelli (1952), La vie passionnée de Vincent Van Gogh de Vincente Minnelli et Georges Cukor (1956), Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick (1957) dont l’histoire qui dénonce la hiérarchie militaire française a fait que le film n’a pu être visible chez nous avant 1975…, Les Vikings de Richard Fleischer (1958), Spartacus de Stanley Kubrick (1960), Seuls sont les indomptés de David Miller (1962) d’ailleurs le film préféré de Kirk Douglas, Sept jours en mai de John Frankenheimer (1964) où, en tant que militaire, il dénonce sa hiérarchie qui prépare un coup d’Etat contre le président américain favorable au désarmement…, et Nimitz, retour vers l'enfer de Don Taylor (1980), avec un paradoxe temporel en temps de guerre.

Nimitz, retour vers l'enfer, de Don Taylor.

10 films labellisés Cannes 2020 s’invitent à Deauville

Posté par vincy, le 28 juillet 2020

Les planches de Deauville, habituellement américaines, vont accueillir des films sélectionnés par Cannes 2020, provenant du Royaume-Uni, de Corée du sud ou de France.

"A circonstances exceptionnelles, édition exceptionnelle : le Festival du cinéma américain invite cette année le Festival de Cannes, dans sa nature de dimension internationale. 10 films ont été ainsi sélectionnés parmi les 56 titres de la Sélection officielle du Festival de Cannes. Un moment intense pour faire vivre et palpiter le plus grand festival du monde à Deauville. Tous les publics pourront découvrir ces films sur grand écran, en présence de son délégué général Thierry Frémaux et de son président Pierre Lescure" indique le communiqué. "Nous partageons avec Bruno Barde une exigence identique pour le cinéma, une même passion pour les artistes, une tradition semblable de générosité et d’ouverture au monde"  explique Thierry Frémaux, Délégué général du Festival de Cannes.

ADN de Maïwenn
Ammonite de Francis Lee
Des hommes de Lucas Belvaux
Les deux Alfred de Bruno Podalydès
A Good Man de Marie-Castille Mention-Schaar
Last Words de Jonathan Nossiter
Peninsula de Yeon Sang-ho
Rouge de Farid Bentoumi
Slalom de Charlène Favier
Teddy de Ludovic & Zoran Boukherma

Pour les amoureux du cinéma américain, en dehors de cette sélection cannoise, le festival proposera, 70 films. Les 14 films de la compétition ont déjà été annoncés:

First Cow de Kelly Reichardt
Giants Being Lonely de Grear Patterson
Holler de Nicole Riegel (1er film)
Kajillionaire de Miranda July
Lorelei de Sabrina Doyle (1er film)
Last Words de Jonathan Nossiter
Love is Love is Love d‘Eleanor Coppola
Minari de Lee Isaac Chung
Shiva Baby d’Emma Seligman (1er film)
Sophie Jones de Jessie Barr (1er film)
Sound of Metal de Darius Marder (1er film)
The Assistant de Kitty Green (1er film)
The Violent Heart de Kerem Sanga
Uncle Frank d’Alan Ball (2° film)

Cannes 2020: la sélection Cannes Classics, et un avant-goût du Festival Lumière

Posté par vincy, le 15 juillet 2020

La sélection Cannes Classics sera présentée, en grande partie, au festival Lumière de Lyon (10-18 octobre), puis aux Rencontres cinématographiques de Cannes (23-26 novembre).

25 longs métrages de fictions et sept documentaires qui composent un panorama éclectique du patrimoine cinématographique mondial, avec en exergue les 20 ans d'In the Mood for Love de Wong Kar-wai. mais aussi un Pasolini, le centenaire de Fellini, les 60 ans de deux grands classiques, et pas mal de films méconnus.

In the Mood for love (2000, 1h38, Hong Kong) de Wong Kar-wai, prix interprétation masculine en 2000 pour Tony Leung
Sortie en France le 2 décembre 2020.

Friendship’s Death (1987, 1h12, Royaume-Uni) de Peter Wollen, qui marque le premier grand rôle de Tilda Swinton au cinéma.

The Story of a Three-Day Pass (La Permission) (1968, 1h27, France) de Melvin Van Peebles

Lyulskiy dozhd (Pluie de juillet / July Rain) (1966, 1h48, Russie) de Marlen Khutsiev

Quand les femmes ont pris la colère (1977, 1h15, France) de Soizick Chappedelaine et René Vautier
Sortie en France en 2021.

Préparez vos mouchoirs (Get Out Your Handkerchiefs) (1977, 1h50, France) de Bertrand Blier

Hester Street (1973, 1h30, États-Unis) de Joan Micklin Silver

Ko to tamo peva ? (Qui chante là-bas ? / Who’s Singing Over There ?) (1980, 1h26, Serbie) de Slobodan Šijan
Sortie en France le 21 octobre 2020.

Prae dum (Black Silk) (1961, 1h58, Thaïlande) de R.D. Pestonji

Zhu Fu (New Year Sacrifice) (1956, 1h40, Chine) de Hu Sang

Feldobott ko (La Pierre lancée) (1968, 1h25, Hongrie) de Sándor Sára

Neige (1981, 1h30, France) de Juliet Berto et Jean-Henri Roger
Sortie en France au printemps 2021.

Bambaru Avith (The Wasps Are Here) (1978, 2h, Sri Lanka) de Dharmasena Pathiraja

Bayanko: Kapit sa patalim (Bayan Ko) (1984, 1h48, Philippines / France) de Lino Brocka
Sortie en France en février 2021.

La Poupée (1962, 1h34, France) de Jacques Baratier
Sortie en France encore non communiquée.


Sanatorium pod klepsydra (La Clepsydre / The Hourglass Sanatory) (1973, 2h04, Pologne) de Wojciech J. Has
Sortie en France en mai 2021.

L’Amérique insolite (America as Seen by a Frenchman) (1959, 1h30, France) de François Reichenbach

Deveti krug (Neuvième cercle / The Ninth Circle) (1960, 1h37, Croatie) de France Štiglic

Muhammad Ali the Greatest (1974, 2h03, France) de William Klein

La Film Foundation de Martin Scorsese fête ses 30 ans

Accattone (Accatone) (1961, 1h57, Italie) de Pier Paolo Pasolini

Shatranje bad (The Game Chess of the Wind) (1976, 1h33, Iran) de Mohammad Reza Aslani

Federico: 100 ans !

La strada (1956, 1h48, Italie) de Federico Fellini

Luci del varietà (Les feux du music-hall) (1950, 1h37, Italie) d’Alberto Lattuada et de Federico Fellini

Fellini degli Spiriti (Fellini of the Spirits) d’Anselma dell’Olio (1h40, Italie / Belgique)

Les 60 ans d’À Bout de souffle et de L’Avventura

À Bout de souffle (Breathless) (1960, 1h29, France) de Jean-Luc Godard
Sortie en France en automne 2020. Sortie vidéo le 4 novembre 2020.

L’Avventura (1960, 2h20, Italie / France) de Michelangelo Antonioni
Sortie en France en novembre 2020.

Les documentaires 2020

Wim Wenders, Desperado d’Eric Friedler et Andreas Frege (2h, Allemagne)

Alida (Alida: In Her Own Words) de Mimmo Verdesca (1h45, Italie)

Charlie Chaplin, le génie de la liberté (Charlie Chaplin, The Genius of Liberty) de François Aymé et Yves Jeuland, réalisé par Yves Jeuland (2h25, en deux parties : 1h05 et 1h20, France)

Be Water de Bao Nguyen (1h44, États-Unis)

Belushi de R.J. Cutler (1h48, États-Unis)

Antena da raça de Paloma Rocha et Luís Abramo (1h20, Brésil)

Oscars: 819 votants de plus, dont la moitié non américains

Posté par vincy, le 4 juillet 2020

819 personnalités ont été invités par l'Académie des Oscars. Au total, le nombre de votants atteint les 9 300 membres. Toujours dans sa logique d'ouverture internationale et de diversification de son collège électoral, les nouveaux membres sont à 45% des femmes, 36 % issus des minorités et surtout 49 % ne sont pas américains. Les nouveaux membres proviennent de 68 nationalités différentes, dont la France qui envoie un contingent de 35 personnes de tous métiers.

Désormais, avec 3179 membres, il y a un tiers de femmes votantes dans les 17 catégories, contre un quart il y a cinq ans. Les non-blancs ont triplé passant de 554 en 2015 à 1787 en 2020, soit près d'un votant sur cinq. Quant aux non-américains, ils sont désormais 2100 étrangers, soit trois fois plus en cinq ans.

Cela amènera forcément à des changements structurels sur les nominations, avec davantage de films internationaux nommés dans diverses catégories, et des choix sans doute moins grand public.

Le cru cannes 2019 en vedette

Côté français, on notera les récents nommés aux Oscars comme Jérémy Clapin et Ladj Ly. Mais aussi l'arrivée de Thierry Frémaux, directeur général de Cannes, et de nombreuses personnalités fidèles, révélées ou sacrées à Cannes comme Mati Diop et Adèle Hanel, ou encore Rosalie Varda. De nombreux producteurs ont aussi été conviés: Toufik Ayadi, Christophe Barral, Bénédicte Couvreur, Jean Labadie, Jean-François Le Corre, Damien Megherbi, Justin Pechberty et Marc du Pontavice.
C'est la catégorie réalisateur qui accueille le plus de français: outre Ly, Diop et Clapin, il y a Bruno Collet, Jean-Loup Felicioli, Alain Gagnol, Delphine Girard, Yves Piat, Nicolas Philibert, et Yolande Zauberman, césarisé cette année avec son documentaire M.
Les autres invités sont scénaristes (Giordano Gederlini, Alexis Manenti), monteurs son (Katia Boutin, Julien Lacheray, Anne Le Campion), ingénieurs du son (Cyril Holtz, Jean Umansky), monteur (Benjamin Massoubre), costumière (Caroline de Vivaise), cascadeur (Dominique Fouassier), directrice de casting (Leïla Fournier), ou dans le marketing (Emmanuelle Castro, Olivier Mouroux, Béatrice Wechsberger).

Cosmopolite et éclectique

Sinon, on soulignera les arrivées (et la confirmation de Venise et Cannes comme pourvoyeurs de talents) de Yalitza Aparicio (Roma), Awkwafina, Lee Jung-Eun, Choi Woo-Shik, Park So-Dam et Jang Hye-Jin (Parasite), Ana de Armas, Pierfrancesco Favino (Le traitre), Eva Longoria, George MacKay, Ben Mendelsohn, Florence Pugh, John David Washington, Olivia Wilde, Constance Wu, Zhao Tao, Levan Akin, Ari Aster, Ici?ar Bolla?in, Cristina Comencini, Terence Davies, Robert Eggers, Samira Makhmalbaf, Matt Reeves, Michael Nyman, Bernie Taupin, Zeynep O?zbatur Atakan (producteur des films de Nuri Bilge Ceylan), Michel Franco, ou de Luis Urbano (producteur des films de Miguel Gomes).

Cannes 2020: 17 films sélectionnés pour la Cinéfondation

Posté par vincy, le 2 juillet 2020

Le Festival de Cannes a dévoilé aujourd'hui la Sélection 2020 de la Cinéfondation.

Depuis 1998, la Sélection de la Cinéfondation présente des courts métrages issus des écoles de cinéma du monde entier. Emmanuelle Bercot, Deniz Gamze Ergüven, Léa Mysius, Kornél Mundruczó, Claire Burger, Jessica Hausner, Corneliu Porumboiu ou encore Nadav Lapid ont été découverts à Cannes à cette occasion.

Pour sa 23e édition, le comité de Sélection dirigé par Dimitra Karya a choisi 17 films (13 fictions et 4 animations), réalisés par onze hommes et huit femmes, et sélectionnés parmi les 1952 œuvres qui ont été présentées par l’ensemble des écoles de cinéma. Cette édition 2020 est dédiée à la mémoire de David Kessler (1959-2020), qui soutenait et aimait la Cinéfondation.

La projection des films de la Sélection de la Cinéfondation, à l’issue de laquelle les Prix seront décernés par le Jury, se déroulera à l’automne prochain, à Cannes, dans le Palais des Festivals. La date de l’événement, ainsi que la composition du Jury, seront dévoilées très prochainement.

Shaylee ATARY NEURIM - 30’
The Steve Tisch School of Film & Television, Tel Aviv University, Israël

Toby AUBERG PILE - 4’
Royal College of Art, Royaume-Uni

Santiago BARZI MURALLA CHINA – 17’
Universidad del Cine, Argentine

Márk BELEZNAI AGAPÉ – 16’
Budapest Metropolitan University, Hongrie

Lucia CHICOS CONTRAINDICATII – 19’
UNATC "I. L. CARAGIALE", Roumanie

Tzor EDERY & Tom PREZMAN TAMOU – 10’
Bezalel Academy of Arts and Design, Israël

Ashmita GUHA NEOGI CATDOG – 21’
Film and Television Institute of India, Inde

Sarah IMSAND LE CHANT DE L'OISEAU – 19’
HEAD Genève, Suisse

Matjaž JAMNIK NIH?E NI REKEL, DA TE MORAM IMETI RAD – 18’
UL AGRFT, Slovénie

KEFF TAIPEI SUICIDE STORY – 45’
NYU Tisch School of the Arts, États-Unis

KIM Min-Ju SEONGINSIK - 22’
Soongsil University, Corée du Sud

Timothée MAUBREY CARCASSE – 33’
La Fémis, France

Yelyzaveta PYSMAK JA I MOJA GRUBA DUPA – 10’
The Polish National Film School in Lodz - Pologne

Afonso & Bernardo RAPAZOTE CORTE – 28’
Escola Superior de Teatro e Cinema - Portugal

Elsa ROSENGREN I WANT TO RETURN RETURN RETURN – 32’
DFFB - Allemagne

Mitchelle TAMARIZ EN AVANT – 4’ (photo)
La Poudrière - France

ZHANG Linhan DOU ZEOI GU SI – 14’
NYU Tisch School of the Arts - États-Unis

A Time to quit: Joel Schumacher (1939-2020)

Posté par vincy, le 22 juin 2020

Joel Schumacher, né le 29 août 1939, a succombé à un cancer le 22 juin à l^'age de 80 ans.

Considéré avant tout comme un faiseur, doués pour respecter les commandes, le cinéaste, scénariste, producteur a pourtant insufflé un style pop dans des films de genre, dont certains ont connu un beau succès au box office.

Il a débuté au rayon costumes, notamment chez Woody Allen, avant de se lancer au début des années 1980, derrière la caméra. Dès son troisième film, St. Elmo's Fire, avec Emilio Estevez, Rob Lowe et Demi Moore, film générationnel, il séduit le public ado et se fait massacrer par la critique. Génération perdue, film teenager et de vampires, fait davantage consensus.

Touche à tout, il passe ainsi du fantastique au drame en passant par la comédie romantique et le thriller, et même le remake de Cousin, Cousine avec le très raté Cousins. Car Schumacher était un réalisateur inégal.

C'est avec les adaptations de John Grisham qu'il est sans doute le plus appliqué: Le client et Le droit de tuer s'imposent même grâce à lui comme un genre en soi, le thriller légaliste à gros casting (Susan Sarandon, Tommy Lee Jones, Matthew McConaughey, Sandra Bullock, Samuel L. Jackson, Kevin Spacey).

Il est alors choisi par la Warner pour remplacer Tim Burton sur la première franchise Batman. Il réalise donc Batman Forever et Batman & Robin. Les deux films souffrent de l'absence de Michael Keaton dans le rôle du chevalier noir, et, pire, du changement d'acteur pour le personnage principal d'un film à l'autre.

Les génériques restent flamboyants: Val Kilmer puis George Clooney en Batman, Jim Carrey, Tommy Lee Jones, Nicole Kidman, Chris O'Donnell, Uma Thurman, Arnold Schwarzenegger... Il transforme l'univers sombre et macabre de Burton en fantasy colorée et flashy, presque kitsch, avec une ironie pas désagréable et des allusions homosexuelles entre Batman et Robin salutaires (mais décriées à l'époque). Schumacher a tué Batman, il le confesse. Le quatrième film scelle la fin de cette première série de films autour du personnage, alors qu'un cinquième opus était prévue.

Il y a un malentendu autour de sa filmographie, qui est jugée sans personnalité. Si la plupart de ses films ne se distinguent pas des productions hollywoodiennes, Joël Schumacher, qui n'est pas un David Fincher (avec qui il est véritablement ami), a quand même réussi à intégré une forme de subversion et même d'opinions personnelles

Deux de ses films les plus singuliers et les plus intrigants sont à l'opposé de ce style star en costard. Avec Michael Douglas en forcené au bout du rouleau dans Chute libre (en compétition à Cannes) et Colin Farrell en victime d'un chantage moraliste dans Phone Game, il dépeint une Amérique hypocrite, cynique et intrinsèquement violente.

Dans Flawless, comédie dramatique habile et burlesque, il confronte deux monstres, De Niro et Philip Seymour Hoffman, abordant une fois de plus l'identité sexuelle  une amitié improbable entre un ancien flic très conservateur et un travesti plus fantasque. Manière d'affirmer sa propre homoseuxalité et son activisme pour les droits LGBTQI+.

Joel Schumacher fut un cinéaste insaisissable, auteur de séries B sans saveur mais pas forcément sans charme, comme L'expérience interdite (surnaturel), Le choix d'aimer (mélo), 8 millimètres (action, bizarrement en compétition à Berlin), Tigerland (guerre), Bad Company (espionnage), Véronica Guerin (biopic), films souvent dopés par des têtes d'affiche comme Julia Roberts, Nicolas Cage, Joaquin Phoenix, Anthony Hopkins, Cate Blanchett). A chaque fois, il essaie une autre forme de récit  mise en scène, du huis-clos en extérieur au flashback, du snuff movie dopé au buddy movie trans générationnel et interracial.

Durant la dernière décennie de sa carrière, il enchaîne les fiascos, à commencer par l'affreuse adaptation du musical Le Fantôme de l'opéra. Suivent Le nombre 23, Blood Creek, Twelve et Effraction. Ces thrillers du samedi soir, parfois avec quelques stars, ne convainquent plus. Avant sa retraite, il réalise deux épisodes de la première saison d'House of Cards.

Ancien de la mode, fan de David Lean et Lars von Trier, il se plaignait depuis plusieurs années du "lissage" des scénarios, lui qui aimait tant les controverses. Le business a changé, et lui ne voulait plus de cette pression de la rentabilité. Conscient d'avoir atteint largement plus que ses rêves, Schumacher laisse une œuvre un peu baroque, mais surtout le portrait d'une Amérique aussi perdue que frustrée.