César 2019: Le grand bain et Jusqu’à la garde en tête des nominations

Posté par vincy, le 23 janvier 2019

cesar

Les César ont révélé leurs nominations. Et il y a plusieurs grosses surprises: l'absence des films cannois de la compétition parmi les meilleurs films, à commencer par le lauréat du prix Louis-Delluc, Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré, et celle de Mektoub, my love d'Abdellatif Kechiche. A l'inverse plusieurs films des autres sélections cannoises et plusieurs premiers films ont été remarqués par la profession. Au final cette liste des César embrasse tous les genres, de la comédie au drame en passant par le western. On regrettera toujours que des films plus audacieux, comme Les garçons sauvages, ne trouvent pas leur place.

On note que cette 44e cérémonie sera colorée par des sujets de société (violence conjugale, déclin masculin, adoption, abus sexuel). Le grand bain de Gilles Lellouche et Jusqu’à à la garde de Xavier Legrand dominent avec 10 nominations devant En liberté ! et Les frères Sisters (9), La douleur (8), Pupille (7), Guy et Mademoiselle de Joncquières (6). Autrement dit, il n'y a pas de grand favori dans une année qui s'avère très ouverte entre de bons films, mais aucun grand chef d'œuvre.

Les lauréats seront révélés le 22 février.

Meilleur film
La douleur
En liberté
Les frères Sisters
Le grand bain
Guy
Jusqu'à la garde
Pupille

Meilleur réalisateur
Emmanuel Finkiel, La douleur
Pierre Salvadori, En liberté
Jacques Audiard, Les frères Sisters
Gilles Lellouche, Le grand bain
Alex Lutz, Guy
Xavier Legrand, Jusqu'à la garde
Jeanne Herry, Pupille

Meilleur acteur
Edouard Baer (Mademoiselle de Joncquières)
Romain Duris (Nos batailles)
Vincent Lacoste (Amanda)
Gilles Lellouche (Pupille)
Alex Lutz (Guy)
Pio Marmaï (En liberté)
Denis Ménochet (Jusqu'à la garde)

Meilleure actrice
Elodie Bouchez (Pupille)
Cécile de France (Mademoiselle de Joncquières)
Léa Drucker (Jusqu'à la garde)
Virginie Efira (Un amour impossible)
Adèle Haenel (En liberté)
Sandrine Kiberlain (Pupille)
Mélanie Thierry (La douleur)

Meilleur acteur dans un second rôle
Jean-Hugues Anglade (Le grand bain)
Damien Bonnard (En liberté)
Clovis Cornillac (Les chatouilles)
Philippe Katerine (Le grand bain)
Denis Podalydès (Plaire, aimer et courir vite)

Meilleure actrice dans un second rôle
Isabelle Adjani (Le monde est à toi)
Leila Bekhti (Le grand bain)
Virginie Efira (Le grand bain)
Audrey Tautou (En liberté)
Karine Viard (Les chatouilles)

Meilleur espoir masculin
Anthony Bajon (La prière)
Thomas Giora (Jusqu'à la garde)
William Lebghil (Première année)
Karim Leklou (Le monde est à toi)
Dylan Robrt (Shéhérazade)

Meilleur espoir féminin
Ophélie Bau (Mektoub, my love : Canto Uno)
Galatéa Bellugi (L'apparition)
Jehnny Beth (Un amour impossible)
Lily-Rose Depp (L'homme fidèle)
Kenza Fortas (Shéhérazade)

Meilleur scénario original
En liberté ; Le grand bain ; Guy ; Jusqu'à la garde ; Pupille

Meilleure adaptation
Les chatouilles ; La douleur ; Les frères Sisters ; Le grand bain ; Jusqu'à la garde

Meilleurs décors
La douleur ; L'empereur de Paris ; Les frères Sisters ; Mademoiselle de Joncquières ; Un peuple et son roi

Meilleurs costumes
La douleur ; L'empereur de Paris ; Les frères Sisters ; Mademoiselle de Joncquières ; Un peuple et son roi

Meilleure photographie
La douleur ; Les frères Sisters ; Mademoiselle de Joncquières ; Le grand bain ; Jusqu'à la garde

Meilleur montage
Les chatouilles ; En liberté ; Les frères Sisters ; Le grand bain ; Jusqu'à la garde

Meilleur son
La douleur ; Les frères Sisters ; Le grand bain ; Guy ; Jusqu'à la garde

Meilleure musique originale
Amanda ; En liberté ; Les frères Sisters ; Guy ; Pupille ; Un amour impossible

Meilleur premier film
L'amour flou
Les chatouilles
Jusqu'à la garde
Sauvage
Shéhérazade

Meilleur film d'animation
Astérix - Le secret de la potion magique
Dilili à Paris
Pachamama

Meilleur court métrage d'animation
Au coeur des ombres
La mort, père et fils
L'évasion verticale
Vilaine fille

Meilleur film documentaire
America de Claus Drexel
De chaque instant de Nicolas Philibert
Le grand bal de Laetitia Carton
Ni juge ni soumise de Jean Libon et Yves Hinan
Le procès contre Mandela et les autres de Nicolas Champeaux, Gilles Porte

Meilleur film étranger
3 billboards, les panneaux de la vengeance de Martin McDonagh
Capharnaum de Nadine Labaki
Cold war de Pawel Pawlikowski
Hannah de Andrea Pallaoro
Nos batailles de Guillaume Senez
Une affaire de famille de Hirokazu Kore-Eda

Meilleur court métrage
Braguino
Les âmes galantes
Kapitalistis
Laissez-moi danser
Les petites mains

3 bonnes raisons de voir The Hate U Give – La Haine qu’on donne de George Tillman Jr.

Posté par wyzman, le 23 janvier 2019

En salle dès aujourd’hui, le nouveau film de George Tillman Jr. est de ceux qu’il ne faut surtout pas rater. Voici pourquoi :

1. Ce n’est pas qu’un film pour jeune adultes. A l’âge de 16 ans, Starr navigue entre ses deux vies, ses deux quotidiens. D’une part, il y a sa famille, ses voisins et ses amis d’enfance, tous noirs. Et de l’autre, les amis qu’elle s’est fait au sein de Williamson Prep., une école préparatoire privée et majoritairement blanche. Mais Starr ne peut empêcher la collision de ses deux mondes lorsque Khalil, son meilleur ami d’enfance, est tué par balles sous ses yeux par un officer de police au cours d’une arrestation loin d’être anodine. Pendant 2h13, la regrettée Audrey Wells donne vie au roman d’Angie Thomas et insuffle à ce qui aurait pu être un simple drame adolescent toute la portée politique dont il a besoin. Particulièrement nécessaire, The Hate U Give peut être vu tel un ode au courage des militants qui dénoncent jour après jour les combats des minorités. Pour ironiser le tout, la phrase #BlackLivesMatter se retrouve prononcée par des lycéens en pleine manifestation militante...

2. Le casting est parfait. On ne le dira jamais assez mais les films et séries destinés aux adolescents souffrent toujours du même problème : les acteurs choisis pour incarner les parents. Dans The Hate U Give, le problème est résolu. Pour porter son film, George Tillman Jr. a choisi des acteurs à la fois connus par le jeune public et reconnus par la communauté noire (coeur de cible de ce beau drame). Regina Hall (Support the Girls) et Russell Hornsby (Fences) incarnent les parents de Starr, brillamment incarnée par l’activiste out Amandla Stenberg. A leurs côtés, on note les présences du rappeur engagé Common, Anthony Mackie (Avengers : Infinity War), Issa Rae (Insecure), KJ Apa (Riverdale), Algee Smith (Detroit) et la nouvelle star de la pop Sabrina Carpenter.

3. La bande originale est aussi bonne que celle de Black Panther. Nommé 7 fois aux prochains Oscars, le film de Ryan Coogler a fait sensation l’hiver dernier grâce au talent du rappeur-producteur Kendrick Lamar. Pour The Hate U Give, l’interprète de "All the Stars" a laissé Def Jam utiliser l’un de ses meilleurs morceaux : "DNA". Mais ce n’est pas tout ! Le label qui produit 2 Chainz, Big Sean et Frank Ocean a décidé d’accoler à Kendrick Lamar les inestimables Pusha T, Tupac, Travis Scott, Logic ainsi que la fameuse Amandla Stenberg. Rien que ça !

3 raisons d’aller voir « Un berger et deux perchés à l’Elysée »

Posté par vincy, le 23 janvier 2019

Le pitch: L’ancien berger, Jean Lassalle, décide de se présenter à l’élection présidentielle. Ni une ni deux, Pierre Carles et Philippe Lespinasse, deux réalisateurs étiquetés de gauche, mais un peu perdus politiquement, décident de passer à l’action : Ils se proclament ses conseillers de campagne, avec l’ambition secrète de révéler sa vraie nature, celle d’un révolutionnaire anticapitaliste, égaré chez les centristes depuis 30 ans ! Et si Jean Lassalle, après tout, était un Correa à la sauce béarnaise ? Contre toute attente, le montagnard se qualifie pour le premier tour ! Victoire ? Nos "spin doctors" pieds nickelés et leur champion ne sont pas au bout de leurs surprises...

"On se sous-estime mais on est très bon"

Pour la fantaisie. Ce docu-reportage a des airs de Tintin. Si le propos est sérieux - on parle quand même de politique -, les frasques et l'amateurisme de cette campagne électorale donnent au film l'allure d'une aventure burlesque qui part de Quito (Equateur) et arrive à Lourdios-Ichère (Pyrénées-Atlantiques) en passant par Paris. Ce pourrait être la satire d'une élection présidentielle, une sorte de comédie décalée où un Peter Sellers s'inviterait dans une "Party" de l'élite. Il y a d'ailleurs des pures scènes de comédie qu'on croirait inventées pour le cinéma: lorsque Jean Lassalle tend au vent sa chemise blanche en roulant dans sa berline, lorsqu'il se dessape sur un parking la nuit, lorsqu'il répare sa tronçonneuse, en short, jambes écartées, ou lorsqu'il dîne avec des jeunes d'HEC, élite de la smart-nation, qui offre un décalage comique. Ce détournement de la "com-pol" (communication politique) se laisse regarder comme un film de Michael Moore dynamitant le système.

"On va dire que je suis un moyen"

Pour le personnage. Le film ne serait rien sans son héros, Jean Lassalle, centriste, rural, apte aux bons coups et entier (on se souvient de son tour de France à pieds, de sa grève de la faim pour sauver une usine, on apprend aussi qu'il a refusé un ministère). Le député est charismatique, truculent, sincère. Son accent si plaisant n'est pas pour nous déplaire, rappelant que la France est multiple. Mais c'est aussi une affaire de famille. Génétique avec sa mère, lucide et pas sa langue dans la poche, son frère, tendre comme ses fromages. Politique avec le communiste André Chassaigne, "psy" clairvoyant sur l'utilité et les limites du candidat à la présidentielle. Son humour, son bon sens, sa simplicité l'emportent. Mais il a aussi un génie médiatique et une proximité rare qui lui permettent d'être à la fois très présent au niveau national et très naturel au niveau local. Bref pas hors-sol malgré l'image qu'on lui colle.

"Je dois parler du peuple."

Pour la désillusion. Les réalisateurs Pierre Carles et Philippe Lespinasse auraient pu se planter, cinématographiquement. Ils réussissent leur immersion dans le marécage politique avec brio, se transformant en militants, activistes, spin-doctors d'un élu prêt à la bataille suprême. Ils voient en Jean Lassalle un de ces révolutionnaires latino-américains, seul capable de réconcilier les Français, de réparer les fractures du pays: un gauchiste (qui s'ignore) anticapitaliste, proche du peuple, presque hors-parti. Malheureusement pour eux, Jean Lassalle est aussi un peu de droite. La pureté politique a ses limites. En allant en Syrie rencontrer son dirigeant en pleine guerre et en doutant des massacres civils (polémique qui va faire décaler la sortie du film de deux ans), en plaçant son égo au-dessus de l'intérêt général dans une affaire #MeToo qui entache sa réputation, Lassalle dévoile ses failles. Les deux réalisateurs, qui ont fait un film libre purement subjectif, sont contraints de reconnaître que leur candidat est loin de leurs rêves révolutionnaires. Ils se résignent. Il n'y aura pas de berger à l'Elysée. Sans doute attendent-ils trop d'un même homme, capable de donner son 06 à un manifestant, de s'occuper de ses moutons et de raconter sa vie lors d'un débat télévisé. Pittoresque et picaresque, le film/personnage est un hommage qui rime avec "dommage".