David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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EN 13 LETTRES





Il y a dans le petit cimetière de Ramatuelle, sous le ciel de Provence, une tombe toute simple où les gens du pays et ceux de passage viennent souvent se recueillir. Gérard Philipe (en 13 lettres) dort là de son dernier sommeil, dans une terre qu'il aimait passionément parce qu'elle était à l'image de toutes ses croyances. Prince des comédiens vers qui montaient les hommage, objet d'un culte autrement pur que celui voué à son alter ego US, James Dean; beau comme un dieu couronné de lauriers, tellement épris de la vie et de tout ce qui élève l'esprit, il venait oublier dans cette contrée les servitudes de son métier, se décharger du poids de sa popularité en quelque sorte. Là, il n'était qu'un simple être humain en compagnie de sa femme et de ses deux enfants, souvent aussi de Minou, sa tendre et compréhensive maman. Toute sa vie durant, Gérard sut réussir la prouesse de rester un être authentiquement humain. C'est ce qui, avec son talent, faisait sa veleur de comédien.

On eut peine à réaliser, quand se répandit le 25 novembre 1959, qu'il était parti pour toujours. Il avait marqué profondément tant de personnages à la scène et à l'écran. Si près aussi du public, qu'il avait su devenir son ami. D'où le même déchirement que pour Bourvil, qui, lui aussi, avait les pieds solidement sur terre. La masse est toujours sensible à un manque total d'affection: il aime sentir que ses idoles lui appartiennent. C'était le cas pour Gérard Philipe.

A Ramatuelle, où il avait une riante maison, "La Rouillère", tout le monde l'aimait. Il parlait à chacun, ce qui, chez lui, était naturel et instinctif. Les locaux le considéraient comme un des leurs. "Un monsieur qui n'y met pas de formes", disait-on, ce qui était un compliment de poids.

Sur les planches de Paris
A Paris, on lui témoignait un autre genre d'admiration: différente mais non moins vraie et spontanée. A cause de ses prestations au T.N.P., où il joua ses plus grands rôles. Il avait, notamment, l'audience des jeunes, qui faisaient un vrai culte pour lui. A leur image, jamais son enthousiasme ne se démentit. Sur scène, Gérard était un merveilleux magicien: il avait une belle voix, à la fois sonore et incisive, pleine de vives nuances. Et quel élan, quel rayonnement! Comment oublier Le Cid, Le Prince de Hombourg! Une époque envoûtante pour le théâtre, mêlé à ce mythique Théatre National Populaire de Jean Vilar!

La générosité en personne avec ça. S'il aimait vivre, il faisait aussi vivre plus d'un ami. Au point que lorsqu'il mourut, et ce fut une mort atroce, sa femme Anne connut des moments difficiles. Elle dut vendre ses bijoux, même celui auquel elle tenait le plus: un solitaire dont Gérard lui avait fait don le jour où naquit leur fils Olivier, en 1956.

Les avatars des Liaisons Dangereuses, interdit à l'exportation par décision gouvernementale, devaient ajouter à ces difficultés matérielles. En effet, Gérard avait des participations dans ce film, son avant-dernier. Lorsque cet interdit fut levé, la situation changea: Anne et ses enfants connurent des jours meilleurs. Elle, ayant dû accepter un emploi au Musée de l'Homme, put enfin envisager un avenir plus serein. Elle écrivit alors le bouleversant témoignage qu'est "Le Temps d'un Soupir", reflet tout de pudeur des dernières heures d'un compagnon tendrement aimé. Il suffit de lire ou relier ce livre pour avoir la gorge serrée, et sentir des larmes perler au bord des cils. Cette sensibilité était la définition même de son personnage. Aragon disait de lui: "Il demeure éternellement la preuve de la jeunesse du monde."

Plus qu'un jeune premier, le premier des jeunes.
De son premier film, Les Petites du Quai aux Fleurs, à son dernier, La Fièvre monte à El Paso - qu'il tourna dans des conditions difficiles, car le mal qui devait l'emporter commençait à le faire souffrir horriblement - sa carrière fut comme une route tracée tout droit devant ses pas. Un grand garçon tout simple mais très exigeant : aimant ce qu'il faisait, même les films les moins réussis. En 1945, lorsque sortit sur les écrans L'Idiot, le cinéma français réalisa aussitôt que ce fils d'hôtelier de Grasse monté à Paris, poussé par une vocation irrésistible, portait en lui la flamme généreuse qui allait en faire une star. L'année suivante, avec Le Diable au corps, le scandaleux et sulfureux film de Claude Autant-Lara, tous ses espoirs se trouvèrent confirmés. Rôle plein d'embûches pourtant, mais Gérard était authentiquement, de toutes ses fibres, le héros imaginé par Radiguet: il en avait la joie de vivre, les élans, les emportements. Après cela, les producteurs lui donnèrent l'assaut: tous le voulurent pour interprète.

Alors commença une ascension vers les cimes de son art. Si le théâtre resta de tout temps son grand amour, là où il donna toute son énergie, il aima aussi, on peut même dire passionnément, le cinéma. C'est devant les caméras qu'il exprimait me mieux sa vulnérabilité. Il travailla avec de grands metteurs en scène, leur apportant une collaboration enrichissante. Il voulut même, ayant profité de leurs leçons, passer derrière la caméra et on attendait beaucoup de ce premier essai. Mais Les Aventures de Till l'Espiègle fit refroidir les espoirs. Peut-être Gérard n'était-il pas encore assez mûr pour édifier l'édifice qu'est un film? Il ne répéta pas l'expérience, désapointé sans doute d'avoir été lui-même déçu. Un de ses personnages préférés, fut adoré du grand public: la fusion s'opéra avec Fanfan la Tulipe. Lui qui aimait rire, faire des blagues, se dépenser physiquement, était taillé sur mesure pour ce héros populaire. Comme il le fut, deux ans plus tard, pour personnifier Monsieur Ripois, qui ne connut pas le même succès.

Romantique
Il est de ceux dont le souvenir ne peut s'effacer. Personne non plus n'a pu le remplacer bien qu'on ait essayé à plus d'une reprise de le faire. Ses dons étaient infinis et, de ce fait, il savait tout jouer. Sans doute, s'il en avait eu le temps, aurait-il fait mieux encore. La maturité lui aurait apporté ce surcroît d'expérience dont naît parfois le génie. Mais ce qu'il réussit à accomplir durant ses 37 années d'existence, à la fois au théâtre et au cinéma, reste de très grande classe. Et un idéal, un peu oublié, pour la jeunesse. Un de ces héros romantiques que vénéraient les Stendahl, Flaubert... loin du courant rive gauche qui envahissait les cafés de St Germain.

Il avait les plus jolies femmes à ses pieds mais il choisit Nicole Fourcade qu'il rebaptisa Anne. Et qui érigea toujours entre sa vie privée et sa brillante existence de comédien, une infranchissable barrière. Loin des lumières de la rampe, il ne se voulait plus qu'être humain comme les autres. Ses enfants, de ce fait, n'ont jamais servi à sa publicité. Ce qui nous l'a rendu plus proche encore. Ou peut-être à l'image de cette France un peu familiale, traditionnelle, classique. Ce bonheur très années 50.... Innocent et ensoleillé.

Sa fille Anne-Marie est devenue comédienne. Raisonnable, ne voulant pas forcer les étapes, elle a choisi de débuter officiellement au sein de la compagnie Barrault-Renaud dans Harold et Maude et à la télévision. On retrouve dans ce simple fait l'honnêteté artistique de son père pour qui son métier était un sacerdoce.

Tellement en phase avec sa décennie, rien ne dit qu'il aurait résisté à l'assaut de la Nouvelle Vague, et aux évolutions du cinéma. Disparu en pleine gloire, la mémoire du 7ème art ne se souvient de lui qu'éblouissant et à son summum. Peu de ses films ont résisté au temps. Les tulipes ont fané. Il en reste la beauté du diable. Et pour nous, le visage d'un ange.

chris, vincy


 
 
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