David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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Il est de ceux, rares, qui ne font rien pour être pris au sérieux. Evoquant l'illustre confrère auquel un journaliste avait demandé si son film était un divertissement et qui aurait répondu : "Ah non ! C'est un film profond avec des idées qui vont loin", Claude Chabrol s'esclaffe : "Moi, je veux bien, mais le type qui a dit cela il a l'air de quoi ?". Quant à son air... : "Etre considéré comme farceur et gourmet ne me gêne nullement !".
Pourtant, certains virent dans le jeune tuberculeux incarné par Jean-Claude Brialy dans Le Beau Serge (1959), son premier film, Montres homme un avatar du Christ revenu ici-bas pour le salut d'un Serge (Gérard Blain) pourri par l'alcool et l'adultère... Le cinéaste en rit encore : "J'avais surchargé ce film de toute une symbolique imbécile".

Dame Bêtise.
Les Cousins (1959), Les Bonnes femmes (1960) et Les Godelureaux (1961) modifient radicalement l'image de Chabrol auprès de la critique comme du public. Si le premier, reprise sur le mode grinçant des thèmes du Beau Serge, est un succès, les deux autres vont précipiter leur auteur dans une disgrâce dont il aura du mal à sortir. Bernadette Lafont, Stéphane Audran, Clotilde Joano, Lucile Saint-Simon, ses bonnes femmes, ne s'intéressent à rien qu'à elles-mêmes.
"Est-ce parce qu'un être ne porte pas d'intérêt au monde qu'il n'est pas digne d'intérêt ?". Leur insondable débilité, leur totale pssivité, la médiocrité de leurs plaisirs et de leurs désirs, laissent à penser que Chabrol, leur créateur, les méprise... ainsi que son public. On juge le film bête et méchant comme le serait son auteur. "La bêtise est infiniment plus fascinante que l'intelligence. L'intelligence, elle, a des limites tandis que la bêtise n'en a pas. Voir un être profondément bête, c'est très enrichissant et l'on n'a pas à le mépriser pour autant".

Le faux coupable.
La "Nouvelle Vague" est en plein reflux et Chabrol doit consentir à des besognes alimentaires. La mode, alors, était aux espions, "barbouzes" et autres "gorilles" : du Tigre aime la chair fraîche (1964) à La Route de Corinthe (1967) en passant par Marie-Chantal contre le Dr Kha (1965), le cinéaste met au service de cette thématique limitée un professionnalisme dont on le loue et qui le fait classer parmi les "honnêtes artisans". Le cinéma de genre n'a jamais fait bon genre dans ce pays...
Mais Chabrol n'est pas de ceux qui renoncent : quelques années de "gros dos", et Les Biches (1968) renoue avec le succès. Commence alors une nouvelle période créatrice dont quatre films demeurent particulièrement significatifs : La Femme infidèle (1969), Le Boucher, grandiose, (1970) et Juste avant la nuit (1971). On y retrouve dans l'un ou l'autre, ses comédiens favoris : Michel Bouquet, Jean Yanne, Michel Duchaussoy et Stéphane Audran, son épouse ; les mêmes collaborateurs artistiques : Jean Rabier à l'image, le musicien Pierre Jansen, le décorateur Guy Littaye. Il filme la bourgeoisie, comme un gourmand, pour mieux la dévorer, quand il ne la massacre pas.

La mort aux trousses.
Et Chabrol tire à boulets rouges sur cette société que Mai 68 a stigmatisé : le foutraque et amoral Docteur Popaul (1972), Les Noces rouges (1973), Folies bourgeoises (1976), le féministe Violette Nozière (1978), en plein post-débat IVG. On repproche de nouveau au cinéaste d'avoir la main lourde, de faire du monde un guignol et de ses personnages de grossières marionnettes. Pourtant ces films traversent le temps. Ces personnages, entre farce italienne et drame anglais, s'inscrivent dans une vision de la France, presque chaotique.
Mauvais procès car sa carrière prend avec Les Fantômes du chapelier (1982) un nouveau tournant qui va, s'il en était besoin, prouver le contraire. Adapté de Simenon "qui est encore plus proche de moi. Il ne reste pas à fleur de peau ou d'anecdote, il va fouiller jusqu'au plus intime de la chair...", le film est un tableau des moeurs d'une ville de province dont l'apparent conformisme cache vices et turpitudes. Mais l'oeuvre est d'une violence retenue, intériorisée, imprévisible comme celle qui se manifestera, sous d'autres formes, dans Masques (1987), Le Cri du hibou (1987) et Une affaire de femmes (1988). Et, au-delà de la critique permanente d'une société aliénante et criminelle, y affleure, surtout dans Le Cri du hibou, une angoisse diffuse face à la Mort, insolite chez un auteur si attaché à sa réputation de "farceur".
Une réputation qu'il prend bien soin de conforter en mettant au monde, en 1985, un Poulet au vinaigre, cet inspecteur Lavardin (Jean Poiret), Jekyll et Hyde du Quai des Orfèvres, amateur de bonne chair et d'affaires louches, "assez marrant et plutôt sympathique, mais il ne faut pas s'y fier. Je le trouve plus effrayant du fait qu'il soit souriant". En somme, tout le portrait de son père... Lavardin sera son héros, son plus beau coup. Un mélange de gastronomie, de tourisme provincial, de polar et de tabous moraux. Gratter le vernis, il y a du sang...
Depuis La Cérémonie, son plus grand film à ce jour, Chabrol, irrégulier, continue de fournir sa filmographie en personnages inquiétants et en scripts intriguants. Il démantèle toujours la société et ses privilèges, ses perversions et sa décadence. Il filme de plus en plus le conflit et le fossé entre les générations.
Cinéaste boudé par ses pairs, snobbé par la critique, il reste fidèle à sa famille (de Huppert à son fils, de Karmitz à sa femme) pour tourner régulièrement. Chabrol est dans son fort, sur les bords de la Loire. Il en sort pour parler de cinéma avec passion. Parfois franchement : il n'hésite pas à dire que tel film ou tel autre est nul. Il semble plus à l'aise, et plus subtil, quand il parle de télé (à la télé).
Il méritera quoiqu'il arrive de belles rétospectives, cinéaste à la fois populaire et singulier. Ayant tourné avec tout le ghota du cinéma français, ou presque. Au moins avec lui, on y bouffe bien. même si parfois on se sent un peu lourd après le repas. Et puis ne vous avisez pas à parler pendant ces festins, il ne faut jamais déterrer les cadavres en plein repas, qu'ils soient issus de Vichy ou de l'infidélité de la voisine... Au besoin, parlez de Flaubert.

chris, vincy


 
 
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