David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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NI DIEU NI DÉMON





Sir Ian McKellen a dépassé depuis longtemps l’âge de la retraite. Et pourtant c’est à l’âge où tout le monde se retire qu’il est devenu éternel. Magicien maniant toutes les variations entre le noir et le blanc : le maléfique Magneto dans X-Men et le bienveillant Gandalf dans Le Seigneur des Anneaux et Le Hobbit. Connaître le succès à un âge si tardif est-ce bien raisonnable ? D’autant que McKellen imprime sa marque dans chacun des deux rôles. Chez les mutants, il joue de tout son charme pour, subtilement, combattre les humains ; chez les elfes et autres nains, il impose un charisme indéniable, sans forcer, pour affronter les ténèbres.

Mais si McKellen a attendu la soixantaine pour que le cinéma en fasse un acteur adulé, il n’a pas chômé depuis ses débuts en 1961, sur scène. Il s’accroche aux planches, son véritable lieu de vie. Ses choix ne sont jamais innocents, mais dans l’Angleterre de l’époque, il préfère sous entendre à travers un rôle que prendre la parole pour une cause. Il poursuit son ascension, discrètement. Au cinéma, il tourne rarement. En 1972, il cofonde The Actor’s Company, devenant ainsi le représentant de la profession au Royaume Uni. Deux ans après, il devient membre de la prestigieuse Royal Shakespeare Company. Une consécration : il jouera notamment avec Judy Dench. Sa renommée s’agrandit. Et lorsqu’il quitte la compagnie, il rencontre Sean Mathias, son deuxième grand amour. Ils ont dix sept ans d’écart. A cette époque, Mathias est encore acteur. Il va vite passer à l’écriture et la mise en scène, et même la réalisation. Si leur relation est conflictuelle, elle est aussi source de créativité. Ils s’entraident, poussent l’autre et tout cela va conduire McKellen à son premier sommet. A la fin des années 70, il accepte de jouer le rôle principal de la pièce de théâtre Bent, sur la déportation des homos dans les camps nazis. Ce sera leur pièce. Leur manière d’exprimer ce qu’ils taisent. McKellen s’octroie alors les grands rôles du West End et commence à glaner quelques gros prix : Tony Award (Amadeus où il est le frustré Salieri) ou le Laurence Olivier Award. C’est aussi au début des années 80 qu’il commence à accepter des rôles au cinéma. Chez Michael Mann notamment. Mais rien de remarquable. McKellen subit les échecs, ne se console pas avec ses réussites. Ce grand huit, avec de sérieux creux, l’épuise. Il quitte Mathias, après quelques années sans avoir travaillé. Seul fait notable : il fait un coming out public retentissant. Acteur gauchiste, homo dans une Angleterre thatchérienne. Personnalité engagée dans un milieu qui n’aime pas les polémiques. En 1989, il reprend le travail : Othello sur scène, Michael Caton-Jones avec Scandal sur grand écran, Countdown to War sur le petit, où il incarne Hitler. Mais il doit patienter jusqu’au milieu des années 90 pour connaître le goût du succès. On l’a bien vu chez John McTiernan (interprétant la Mort, rien que ça, dans Last Action hero) ou dans la comédie culte Six degrés de séparation. Mais c’est Richard III qui va lui ouvrir toutes les portes. D’abord joué au théâtre, il reprend le rôle au cinéma, aux côtés d’Annette Bening, Maggie Smith, Robert Downey Jr et Kristin Scott Thomas. Avec ce role où il excelle dans l’exagération et la flamboyance, McKellen remporte le prix européen du meilleur acteur et est nommé aux Golden Globes. Il en suffit que de ça pour lancer une « carrière » au cinéma.

Au théâtre, il devient Oncle Vania ou Capitaine Hook dans Peter Pan. Mais le grand écran le sollicite davantage. Une renaissance. En 1997, il revient à Bent sous l’œil de son ex Sean Mathias ; le film est présenté au Festival de Cannes. Il boucle la boucle de 20 années tumultueuses avec un personnage sur le déclin. Ironique. A cette époque, il devient un fervent militant des droits LGBT (Lesbien, Gay, Bi, Trans). Il aspirait à être journaliste, il confirme sa vocation en défendant une fois de plus sa « famille » : après celle des comédiens, celle des homos. Il écrit un One Man Show autour de son homosexualité et fonde un lobby pour défendre la « communauté ». Il reconnaît que pour un anglais, il pouvait se permettre d’être transparent : « pour un acteur américain qui veut faire carrière, c’est très, très, très difficile d’assumer son orientation sexuelle, encore plus si c’est une femme. » Il n’est jamais dupe de l’hypocrisie qui l’entoure. «Hollywood me laisse jouer un magicien à la barbe grisonnante, mais il ne voudront jamais enrôler un jeune comédien gay, assumé publiquement, dans un rôle romantique hétéro ». Le combat continue…

En 1998, il fait le grand écart, homosexuel manipulateur et un peu cruel dans Ni Dieux ni démons, et nazi caché au fin fond de l’Amérique dans Un élève doué, personnage qu’il trouve bâclé. Avec le premier, il obtient une nomination à l’Oscar (en plus d’une quinzaine de prix dont un au Festival de San Sebastian). Avec le second, il rencontre Bryan Singer.

Ian McKellen aborde alors l’ascension de son sommet cinématographique. Le théâtre lui a tout donné – le savoir-faire, la présence, le talent, les grands rôles. Le cinéma a encore tout à lui offrir. Il peut en un sourire jouer la malice ou la compassion, en un regard terrifier ou séduire, en un geste, très étudié, imposer sa volonté ou se résigner. Sa voix module toutes les variations qu’il veut insuffler à son personnage. Pas besoin de grands effets : il sait construire un personnage, lui donner une cohérence, ne jamais sortir de sa ligne, tout en lui donnant l’espace nécessaire pour qu’il s’adapte aux situations. Même Magneto ou Gandalf ne sont jamais monolithiques. Il les rend vivants. Hâbleur ou sérieux, jouisseur ou inquiet, destructeur ou illusionniste.

Singer, sans doute fasciné par le magnétisme de l’acteur, lui propose un rôle de mutant échappé des camps nazis (décidément une thématique récurrente tout au long de sa filmographie) dans X-Men, nouvelle franchise de super-héros. On est en 2000. Le film est un carton. Il devient aux yeux de tous Magneto. McKellen n’en profite pas réellement puisqu’il est alors sur le tournage d’une autre saga. Peter Jackson l’a choisi pour être un autre leader, cette fois-ci un « gentil », dans la trilogie du Seigneur des Anneaux, adaptation de la mythique œuvre de Tolkien. En 2001, les spectateurs découvrent ainsi le géant Gandalf. Triomphe dans les salles. Et pas seulement puisque l’acteur sera le seul comédien de toute la trilogie à recevoir une nomination à l’Oscar (celui du meilleur second-rôle masculin).

Durant 3 ans, McKellen sera ainsi trois fois Gandalf le blanc, deux fois Magneto. Et rien d’autre. Le cinéma indépendant n’en veut plus ; le cinéma britannique ne s’intéresse plus à lui. Il est désormais un de ces acteurs anglais exilé à Hollywood. Rien de plus faux : sur les planches, il est Godot, le Roi Lear, à Londres ou /et à New York. Mais son empreinte sur ces deux séries cinématographiques est trop forte. Il fait quelques voix pour des films d’animation, s’amuse dans des films « fantasy » pour la famille, revient pour un Affrontement final des X-Men. Hormis le très médiocre Da Vinci Code où il vole la vedette à Hanks et Tautou avec un personnage ambivalent et érudit, si « british », McKellen ne tourne rien qui puisse faire saliver le cinéphile.

Il faut avouer qu’il est occupé : Peter Jackson lui a demandé de reprendre du service pour la préquelle du Seigneur des Anneaux, la trilogie du Hobbit. Gandalf (encore un peu gris) est de retour. Et, pure coïncidence, Bryan Singer se remet aux X-Men. Magneto is back. Ainsi il nargue la planète entière avec un tee-shirt « I'm Gandalf and Magneto ». Un peu vaniteux dans doute. Harrison Ford en a fait une crise d’orgueil et lui a répliqué « I’m Han Solo, Indiana Jones and Blade Runner ».

Le comédien goute à ce luxe qu’est la liberté : jouer ce qu’il veut sur scène, s’amuser à se déguiser au cinéma, affronter la politique homophobe de Poutine par communiqués, tweets et déclarations (jusqu’à boycotter la Russie dans le voyage promotionnel de ses films). Il ne garde plus sa langue dans sa poche : il n’aime pas jouer seul devant un fond vert (l’expérience du Hobbit ne fut pas des plus plaisantes), il ne regrette pas la gloire tardive, et il est plutôt fier de ne pas avoir été « coincé à jouer des rôles » qu’il n’aimait pas « juste pour payer le loyer », Vieille tante, il assume avoir travaillé sa voix comme s’il faisait de l’opéra, sonore et précieuse. L’indigné du cinéma britannique regrette juste de ne pas avoir fait son coming-out plus tôt. « On fait ce qu'on peut au moment présent. » Et ainsi il ne révèle son cancer (de la prostate) et ses soucis de santé (audition, cataracte) que récemment alors qu’il en souffre depuis plusieurs années. Sa confiance est venue sur le tard, à 49 ans. Et cela a coïncidé avec son envie d’émancipation (notamment en se tournant vers le cinéma). Comme Gandalf, il y a de l’espérance dans McKellen.

Pas étonnant alors que l’acteur le mieux payé de l’année 2013 savoure pleinement la vie. Il s’engage dans un film sur un Sherlock Holmes vieillissant. Retrouve un autre militant des droits gays, Derek Jacobi, dont il était amoureux dans les années 60, pour une sitcom, Vicious, sur un vieux couple d'homosexuels londonien. De tous ces secrets qu’il a longtemps gardé pour lui, il a préféré en faire une philosophie de vie. « Jouer ce n’est plus mentir. Désormais, jouer c’est révéler la vérité. Les gens sont à l’aise avec moi maintenant. L’honnêteté est la meilleure des politiques. »

« Je suis un acteur anglais excentrique » avoue-t-il, passant du stand-up à Shakespeare. C’est peut-être là que réside son plus grand talent : avec facilité, il peut nous faire oublier qu’il est Magneto, Gandalf, une victime de l’holocauste, un nazi exilé, un homo, un anglais, un homme fragile, un citoyen engagé, un salaud ou un sauveur. Il est Ian McKellen. Et depuis la retraite de Sean Connery, on n’avait pas connu un saltimbanque de sa Majesté la Reine d’Angleterre aussi classe.

vincy


 
 
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