David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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DE QUEL BOUAJILA ON SE CHAUFFE?





Le plus beau sourire du cinéma français. Sami Bouajila sait s'en servir, traces et souvenirs de son travail de clown sous la direction de Mario Gonzalez. Exercices de styles pour changer de masques. Du théâtre au cinéma, il sait justement traverser les genres. Même le comique, plutôt expert en improvisation, sa formation de base. Inattendu?

Sami goes to Hollywood
Précoce (son père l'a très tôt emmené au cinéma), avec cette vocation digne d'une foi mystique, il suit une formation classique, entre les Alpes et le Massif Central. Si les racines proviennent de la Tunisie, Bouajila a cette intensité et cette solidité propre aux montagnards. Il arrive dans le décor au début des années 90. Remettons nous dans le contexte. Pas de Jamel ni de Taxi, pas de Haine ni de phénomène Zidane. Roschdy Zem en arrache pour convaincre les cinéastes qu'il peut jouer autre chose que des petites frappes de banlieue. Philippe Galland lui confie pourtant le rôle central de La Thune. 25 ans, il incarne un jeune de la "banlieue" nord, désirant créer sa boîte et pro du système D. Il enchaîne les petits boulots de comédiens. Jusqu'à Bye-Bye, de Karim Didri, en 1995 ("le premier film révélateur de mon travail"). Critiques et Festivals le remarquent. Les éclats de son jeu font miroiter un talent certain, suave et intérieur, contenu et charmeur. Malgré deux prix pour ces deux rôles, il ne parvient pas à émerger et séduire les grands noms du cinéma français. Il aligne des films d'auteurs en second rôle insignifiant ou les sitcoms de grand écran. Le cinéma bleu blanc rouge est binaire : les films engageant des beurs, des blacks, des asiats sont souvent de petits drames complaisamment social ou sordide. Le cinéma hollywoodien n'est pas mieux faisant souvent des arabes la bête noire idéale. Pourtant Bouajila accepte de jouer dans une grosse production (finalement d'anticipation) américaine. The Siege (Couvre-feu), avec Denzel Washington, Bruce Willis et Annette Bening, parle d'une New York ciblée par les terroristes palestiniens, dont il en est. "Une grande expérience, passionnante mais solitaire." C'est de là que sa carrière décolle en France. Ironique.

Beur Blanc Rouge
Simultanément la France brille au Mondial grâce à sa diversité ethnique, Taxi est un hit surprise avec Naceri en pilote, Jamel cartonne sur Canal, Zem est engagé par Téchiné, Masson, Jolivet, Chéreau, Deville... L'émergence de cette génération de comédiens "indigènes" va permettre à Bouajila de marquer les esprits. Parce qu'il est le comédien le plus accompli, dont le jeu est le plus étendu, il va facilement s'imposer. Pas de peur du vide et il est hors de question de faire comme s'il n'était pas là. Il est l'un des personnages principaux du film choral (sélectionné à Cannes), Nos vies heureuses. "Avec les autres comédiens du film, on improvisait énormément. La caméra nous suivait progressivement. Avec Marie Payen, on partageait le même univers, les mêmes codes de jeu, le même langageÉ C'était extraordinaire !" Il donne son visage à Ali, marocain cherchant à s'intégrer par les études, tout un symbole. Bouajila a cette tête de premier de la classe studieux qui lui conférera cette image d'intello; parce qu'il faut bien des étiquettes? Parce qu'il n'a pas de rival dans cette catégorie? Le film est un succès, alors qu'il traite de l'identité enracinée, de l'initiation individuelle, des souffrances, des luttes et décalages qui entraînent des séismes intérieurs. La plupart des rôles de Bouajila pourrait être à l'image d'Ali. Un jeune homme brillant qui cherche une égalité, une liberté à travers des rencontres "étrangères", des fuites en avant, un savoir assumé.

Films sans fautes
En 2000, le parcours de Sami Bouajila change définitivement de direction, en le faisant entrer dans la cour des grands. L'espoir se concrétise grâce à Ducastel et Martineau qui trouve en lui un garçon formidable : "Nous l'avons vu pour la première fois dans Bye-bye de Karim Dridi, où il nous avait emballés par la richesse de son jeu, son élégance, sa sincérité, beaucoup de qualités qui nous ont touchés. Nous avons pensé à lui en priorité pour Félix, et quand nous l'avons rencontré, il nous a paru évident qu'il inventerait un Félix correspondant à l'idée que nous nous faisions du personnage." Drôle de Félix, homo avec un HIV qui le conduit à retrouver son père. De Dieppe à Marseille, il traverse cette "douce" France et finalement se compose sa famille avec un frère, une grand mère, une soeur... Le film cartonne dans les festivals et devient culte chez les gays, qui y voit, pour une fois, une oeuvre lyrique et poétique sur leurs désirs. Bouajila cumule la même année avec La Faute à Voltaire. Pas besoin de Rousseau pour lui rappeler que cette France reste réticente à l'immigration et que ses origines sont toujours un problème dans les castings. Après son Ulysse / Félix, le voici Candide / Jallel. Dans ce film d'Abdellatif Kechiche, Bouajila pleure, danse, drague, s'affiche dans tous les registres, tchatche... Entre fortune et exclusion, peur et envie, le sans-papiers Bouajila séduit les cinéphiles qui croient y voir le premier César du meilleur beur. Le flair de l'acteur est surtout d'avoir su profiter de films d'auteurs prometteurs et pas forcément confirmés, avant qu'ils n'explosent.

Tourner avec qui vous voudrez
Les réalisatrices son facilement séduites par son charisme et sa beauté sage. Begeja le métamorphose en pute des boulevards, destin tragique d'un travelo aux hormones. Corsini le place dans sa Répétition. Dans Vivre me tue, il pourrait être un Ali plus mature. Ce Paul, déjà surdiplômé, se voit refusé tous les postes par discrimination, livre les pizzas, et rêve d'écrire. Pas question de changer sa vie, mais il commence à changer de films. Dans Nid de guêpes, il s'intègre dans un groupe de malfrats. Film de genre, il manie les armes, côtoie Magimel, et se fait enfin connaître du grand public.
Le sacre aura lieu la même année avec un autre film choral, Embrassez qui vous voudrez, de Michel Blanc. Il joue l'amant soumis de Lou Doillon. Prêt à tout pour être un "français" comme les autres? Prêt à encaisser le délit de sale gueule? Il y apporte une sensibilité, sa délicatesse, cette subtilité qui rendent son personnage Kevin sympathique, inversant les préjugés des plus réticents. Blanc le dit : "il n'y a que des gens qui n'ont rien à voir, qui viennent d'univers différents. Ce n'est pas une distribution "familiale"." Bouajila est presque l'inconnu dans la maison. Mais aussi le gentil. Stéréotype contracté avec jouissance par le cinéaste. On embrasserait bien l'acteur quand il le voudra.
De Rapp à Desplechin, il devient "hype". Pas si grave. D'autant qu'il hérite de personnages qui n'ont plus à revendiquer leurs origines. Il est un frère romantique, un fils tourmenté. Plus besoin de diplômes ou de petits jobs de survie, il est le futur patron d'un empire, l'apprenti Général d'une guerre économique. Dans la compagnie des hommes. Loin des business. Plutôt se pendre que de se compromettre. Il aime les personnages intègres plus qu'intégrés. Il accepte un rôle dans Zaïna, cavalière de l'Atlas : "Cela me ramenait à ma culture d'origine, un peu oubliée avec le déracinement, mais toujours bien ancrée en moi. Mes parents viennent de cette tradition-là. Je pouvais symboliquement remonter un peu sur les traces de mon père qui est berbère lui aussi, il a vécu dans le désert, parfois sous des tentes. Ce film me donnait l'occasion de faire le voyage inverse." Le film obtient un joli succès d'estime. Et, toujours perfectionniste, il passe 6 mois à apprendre à monter sur un cheval. "Ces palefreniers par exemple avec qui je passais le plus clair de mon temps, ils m'ont énormément apporté. Ils ont une telle richesse culturelle, et une telle sagesse malgré les difficultés d'une vie difficile."

Indigène et plaisirs
Toujours sensible à faire le lien entre ses deux cultures, il est, logiquement, choisi pour être l'un des cinq soldats d'Indigènes, de Rachid Bouchareb. Compétition cannoise et tapis rouge. Malgré sa quatrième place au générique, il est en fait, le rôle principal. Impliqué dès la genèse du film, on lui assigne le rôle de l'arabe éduqué et gradé, celui qui aspire à l'égalité et sait revendiquer la justice pour tous, la liberté du pays. Aussi à l'aise dans les combats qu'en orateur, dans la sueur que dans les larmes, il donne chair à ce sang versé pour la France. "C'est un individu clair, sans ambiguïté, et c'est pourtant celui qui a les relations les plus complexes. Il pourrait devenir chef mais reste encore subalterne. Il doit trouver sa place, se l'approprier. Lui sait qu'il n'y a rien à trouver en rentrant au bled." Une belle allégorie du parcours de Bouajila, devenu en deux heures de projections sur la Croisette l'un des favoris pour le Prix d'interprétation.
Mais pas seulement. Car 2006 sera véritablement l'année de son sacre. Nicloux l'engage pour la super production Le Concile de Pierre, avec Bellucci et Deneuve. Dans le pire des cas le film fera un million de spectateurs. Bouajila se hisse à la hauteur de Roschdy Zem.
Honneur suprême Téchiné en fait un de ses Témoins, aux côtés de Béart, Julie Depardieu et Michel Blanc. Définitivement inséré dans le paysage cinématographique classique français, il sera, qui plus est, l'inspecteur de police marseillais et l'époux de la belle Emmanuelle. Comédien banalisé. Mais il n'a pas oublié ses motivations : vouloir une vie qui sorte de l'ordinaire, prendre la parole, être entendu, écouté. De la frustration au désir, il se sert de sentiments positifs comme moteur, mais n'omet pas d'expier ses douleurs. Il se sert du jazz comme source à sa création. "Facteur primordial car il y a une abondance incroyable d'inspiration. Une sorte de fusion que je peux contrôler". Il privilégie le long terme, la réflexion, la tranquillité. Lui qui a tant fait d'efforts pour pouvoir travailler, qui prend conscience que chaque étape a son utilité, ne méprise aucun style. C'est la variété qui lui plaît et il rejette même l'idée d'être "cantonné dans des rôles uniquement dramatiques."

Cible émouvante
Physique comme mélodique, son jeu s'adapte à tous les types de productions, rigoureuses ou bordéliques, complexes ou balisées. Il aime briser les tabous - racisme, sexualité, a priori... - et la plupart des messages évoqués par ses films sont optimistes. Il se voit en artisan, méticuleux, où un personnage est comme une maison qu'il construirait lui-même. Une maison où il fait chaud dans ce cinéma français qu'il considère lui-même comme frileux. Avec un naturel éblouissant, Sami Bouajila aime les hommes dignes, les gestes nobles, les actes qui enrichissent les parcours, les films qui sont des récits de nos vies, heureuses ou pas, drôles ou pas, des oeuvres qui touchent au coeur : sa seule cible.

vincy


 
 
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