Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La Vérité


Japon / 2019

25.12.2019
 



UNE AFFAIRE DE FAMILLE





« A quelle actrice avez-vous transmis un peu de votre ADN ? 
En France, je ne vois personne 
»

Il y a toujours une forme d’inquiétude à voir un cinéaste que l’on aime, et que l’on connaît en tant que fin observateur de son pays, se déraciner pour tourner ailleurs. D’autant que la France n’a pas toujours porté bonheur aux réalisateurs étrangers qui tentaient d’y transplanter leur univers, de Hou Hsiao-Hsien avec Le voyage du ballon rouge à Asghar Farhadi avec Le Passé. Kore-Eda a toutefois mis toutes les chances de son côté en convoquant à l’affiche non pas une, mais deux grandes actrices françaises, et en situant son intrigue dans le milieu du cinéma, qui est si fortement lié à la France dans l’imaginaire collectif. Mieux, il a bâti un film entièrement autour de Catherine Deneuve qui semble prendre un plaisir unique à interpréter cette actrice égocentrique, fantasque, entièrement dévouée à son art et terriblement mordante. Le personnage est à la fois prodigieusement agaçant (on est bien content de ne pas être sa fille) et d’une exceptionnelle drôlerie, avec des répliques au vitriol qui n’épargnent pas grand monde.

À travers elle, Kore-Eda dresse un portrait vachard et irrésistible de la « grande famille du cinéma » qui n’aime rien tant que se tirer dans les pattes tout en affichant sourires et amabilités de façade. On aime les petites piques sur la technique du camera à l’épaule, les références à Hitchcock, la vision caustique des tournages. Mais surtout, on aime la manière dont Catherine Deneuve, l’actrice, quasiment le mythe, contamine son personnage jusqu’à ce qu’on les confonde. Derrière chacune de ses répliques, il y a ainsi tout un pan du cinéma français, et même mondial, qui transparaît, et l’on ne peut s’empêcher de chercher la vérité derrière le fard de la fiction.

La vérité, sa recherche, sa révélation, son emprise, vampirisent d’ailleurs le film au point de lui donner son titre. Car tous les personnages sont en quête d’une forme de vérité. Celle de Fabienne, enjolivée pour les besoins d’un livre. Celle de sa fille, joliment incarnée par Juliette Binoche, qui se débat avec ses souvenirs d’enfance. Celle que plus généralement malmène, ou réinvente, la mémoire.

N’oublions pas que nous sommes au cœur d’une famille de cinéma. La grand-mère reste une grande actrice jusque dans sa vie privée. Quant à sa fille, qui est scénariste, elle a le sens du tempo, du mot juste, de l’effet qui fait mouche, et sait exactement quoi dire pour obtenir l’effet escompté. Tout le casting s’amuse ainsi dans cette comédie familiale tendre et caustique à la fois. Les personnages secondaires atténuent la sensation de confrontation (entre la mère et la fille, mais aussi entre les deux comédiennes), permettant à l’intrigue de gagner en épaisseur et en surprise. Le mari de Lumir, notamment, se révèle au cours du récit, plus complexe et fin que les femmes autour de lui ne le pensaient. De la même manière, toute la mise en abime du tournage rejoue sur un autre mode ces relations familiales complexes, Fabienne devenant soudain la fille délaissée par sa mère.

Dans ces jeux de correspondance entre fiction et réalité, et avec ces motifs qui se répètent ou se dédoublent, Kore-Eda est incontestablement à l’aise. Probablement très bien accompagné, il propose un film qui repose beaucoup sur le plaisir de l’échange et la saveur des mots, captant quelque chose de très français qu’il fallait peut-être être étranger pour saisir. Moins en retenue que dans son cinéma plus personnel, plus léger aussi, il réalise un film qui lui ressemble malgré tout, pointant avec gourmandise et subtilité l’ambivalence, mais aussi la richesse tout en nuances, de ces relations familiales (et confraternelles) qui oscillent entre la tendresse, l’exaspération et la complicité. En cela, il capte une vérité parmi d’autres, qui semble d’ailleurs traverser la majeure partie de son oeuvre, celle qu’il existe au sein des familles des fils ténus et indicibles qui relient les êtres presque malgré eux.
 
MpM

 
 
 
 

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