Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Gloria Bell


USA / 2018

01.05.2019
 



TOTAL ECLIPSE OF THE HEART





« Tu as le droit d’avoir ta vie ! »

« Le portrait d’une femme, d’une certaine beauté, d’un certain âge. Sebastian Lelio ne fait aucune concession avec son héroïne au corps vieilli. Gloria est une femme désespérée, pas très sociable a priori, pas très maternelle non plus, cherchant une âme sœur dans ces speed datings pour quinquagénaires (pour les plus jeunes). Elle essaie de s’occuper, de remplir sa vie. Rêve d’un dernier grand amour et se contente de chansons romantiques et tristes. »

Ainsi débutait notre critique de Gloria, film chilien de Sebastián Lelio, vu à Berlin en 2013 (un an avant sa sortie française) et qui avait valu à son actrice Pauline Garcia le prix d’interprétation amplement mérité à la Berlinale. Cinq ans plus tard le cinéaste refait le film, à Los Angeles avec Julianne Moore (productrice exécutive).

Il y a d’autres précédents du genre. Gus Van Sant qui refait plan par plan le Psychose d’Alfred Hitchcock. Lisa Azuelos a refait elle-même son LOL aux USA, tout comme Michael Haneke avec son Funny Games, les frères Pang avec Bangkok Dangerous, Le veilleur de nuit de Ole Bornedal, Les fugitifs de Francis Veber, etc… Le procédé n’est donc pas neuf.

Aussi, hormis le cadre américain qui change et les interprètes qui diffèrent, on peut s’attendre à un film identique, calqué sur la version originale. Et, de fait, on pourrait écrire la même critique, à quelques phrases près. « Le charme qui se distille de ce portrait provient alors autant d’un scénario bien écrit que de l’interprétation formidable de » Julianne Moore. « On comprend alors que la caméra ne la lâche jamais : elle est le film. » Ou encore « Le drame aurait pu être pesant mais Lelio, malin, l’allège avec des touches d’humour », rappelant notamment « la revanche de Gloria et son attentat terroriste à la peinture. »

« Dans cette quête éperdue que mène Gloria pour retrouver sa jeunesse – du yoga au sexe en passant par des sensations extrêmes, des activités ludiques et une romance de midinette – le réalisateur en profite pour dépeindre une société où les générations sont segmentées jusqu’à l’isolation étanche » écrivait-on à l’époque.

Cinquante nuances de Gloria

Pourtant, il y a bien des nuances, qui font de cette Gloria Bell, une autre femme. D’abord son rapport à ses enfants. Ici, elle se soucie bien d’eux, et même beaucoup, alors que l’inverse n’est pas vrai. Elle est moins « irresponsable » que la Gloria chilienne. Mais, étrangement, Lelio parvient au même aboutissement : « Ni les géniteurs ni les progénitures ne semblent capables de réussir leur vie, condamnés à combler le vide ou s’accommoder de leurs erreurs. »

Le Gloria de 2013 était « un tableau cruel sur une classe moyenne orgueilleuse, composée d’âmes blessées. » Il en va de même en 2019. La fracture sentimentale et la précarité sociale se sont juste accentuées avec le temps. Si bien que la « dérive », « véritable perdition », le ne peut mener là aussi qu’à « l'échouage ». Il ne perd rien de la justesse et de la finesse psychologique du récit originel, car là encore cette femme est attachante et charismatique, « avec trois fois rien en surface et tant de richesses qui se révèlent au fil de l’histoire.». Gloria Bell a la même « vitalité » que Gloria. Et la mise en scène est toujours aussi séduisante (le dîner d’anniversaire est très bien découpé, et la séquence de Vegas assez splendide-.

Dans l'ombre de Cassavetes

Alors ceux qui ne connaissent pas la première Gloria se régaleront avec cette nouvelle Gloria californienne. Et on pourrait même pousser le cinéaste à faire une Gloria française, une Gloria chinoise, une Gloria suédoise… Ici le manque d’affection est plus visible. Le besoin d’amour plus appuyé. Les chansons traduisent ses émotions, autant de pop songs et de slows mélancoliques qui ponctuent cette errance et cette reconstruction.
Plus que dans le Gloria chilien, cette femme perd tout le monde les uns après les autres – son mari bien avant que le film ne commence, sa collègue, sa fille, son amant…- sauf son plaisir de danser. On sent bien aussi que le cinéaste se moque un peu de ces thérapies (par le rire, par la confession à l’esthéticienne, par le yoga, par les joints…) qui finalement ne guérissent rien. Il porte un regard assez cruel sur cette incapacité à communiquer au présent et encore moins au futur, et donc de se rattacher au passé, avec lequel il faudrait rompre. Mais personne n’en est capable

Si Gloria Bell s’achève plutôt dans la lumière, tous ces personnages semblent insécures, vivant dans le ressentiment et la crainte. Julianne Moore excelle en femme hyper sensible, passant du rire aux larmes. Entre quête d’épanouissement, désir de liberté et mélancolie prégnante, ce rôle est décidément très cinématographique, trouvant ses racines dans une Gena Rowlands filmé par John Cassavetes.

Entre la faiblesse des uns et les rêves des autres, Gloria a le droit de déprimer, mais ne doit pas le montrer. C’est ce qui fait toute la beauté irradiante de ce personnage à fleur de peau.
 
vincy

 
 
 
 

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