Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Touch Me Not


/ 2018

31.10.2018
 



BODY LANGUAGE





«- Je crois que ce n’est pas de l’ordre du langage. Je pense que ça vient d’avant.
- Avant les mots ?
»

Ours d’or et prix du meilleur premier film à Berlin, Touch Me Not est assurément un film à ne pas mettre devant tous les yeux. Le film, par sa nature, est expérimental. Il se sert de la fiction comme fil conducteur d’un puzzle documentaire. Autrement dit, la narration n’a rien de conventionnel et le spectateur peut être rapidement déphasé.

Mais au-delà de la forme narrative, le sujet même peut perturber le néophyte. Le corps est au centre de la focale d’Adina Pintilie. Elle plonge son regard dans le désordre provoqué par des corps hors-normes : celui qui ne s’aime pas, celui qui se transforme, celui qui est difforme. Maltraité ou détesté, adoré ou assumé, le corps est une carapace vulnérable qui est relié à un esprit solide ou fragile.

La force de Touch me not est de montrer comment le désir construit une norme qui n’est pas celle qu’on nous apprend ou impose. C’est en fait de rendre normal ce qui semblait anormal.

En littérature, le film de la jeune cinéaste roumaine serait classé en non-fiction : un essai froid et voyeur sur la manière dont des femmes et des hommes, d’âge et de morphologie variées, gèrent leur enveloppe charnelle.

Les corps ont tous leur beauté

Cette vision intime, sans pudeur, aborde et explore différentes formes de sexualités, du SM au voyeurisme. C’est évidemment fascinant ou dérangeant, selon son degré d’acceptation. La cinéaste a pris soin d’en faire un bel objet cinématographique. Le son et l’image sont très élaborés, parfois désynchronisés, comme le corps et l’esprit peuvent être déconnectés. Il y a quelque chose de froid dans le style comme la chair peut être frigide, comme le cerveau peut prendre le dessus. En prenant comme narratrice une femme quinquagénaire incapable d’être touchée et de toucher, la réalisatrice élabore toutes les possibilités d’une sexualité où l’autre est étranger. En choisissant quatre hommes – un gigolo sublime, un infirmier malheureux et doux, un handicapé curieux et un transsexuel – elle interroge aussi le rapport féminin/masculin, marginal/fantasme.

Cela peut du coup ressembler à un film à thèses. Avec ses contradictions, ses didactismes. Le film est pourtant profondément humain, avec sa part d’audace et sa dose d’angoisses (ou de névroses). Sous la forme de confessions, de manière presque psychanalytique, on fouille cette beauté intérieure qui ne demande qu’à s’exprimer dans un monde où il est facile de rejeter.

Ce n’est pas innocent si les scènes les plus frappantes sont aussi les plus tactiles. Si la déviance est acceptée lorsqu’elle est banalisée. Sans transgresser trop les frontières (d’ailleurs la séquence dans la boîte BDSM est incroyablement pudibonde comparée au reste), elle traverse un miroir en quête de plaisirs inconnus et mystérieux.

Les névroses qui paralysent le corps

Etre différent ne signifie pas devoir vivre différemment. C’est ce qui fait adhérer au film : on peut s’y reconnaître, ou être curieux en tissant un lien social. Plutôt que de subir son corps, de le maltraiter, il faut se libérer. Toute émotion est la bienvenue.

Hélas, Touch Me not la refuse, préférant un exercice cérébral qui se contente de plans hautement sensuels, mais peu charnels. À vouloir rendre subtile la complexité, la jeune cinéaste oublie parfois que le lien naturel vaut mieux qu’une addition de rencontres artificielles.

Ce n’est pas innocent si les scènes les plus frappantes sont aussi les plus tactiles. Si la déviance est acceptée lorsqu’elle est banalisée. Sans transgresser trop les frontières (d’ailleurs la séquence dans la boîte BDSM est incroyablement pudibonde comparée au reste), elle traverse un miroir en quête de plaisirs inconnus et mystérieux.

Tous handicapés avec leurs corps, ils découvrent aussi l’émerveillement qu’il leur procure. A la manière de Toni Erdmann de Maren Ade, l’héroïne va s’émanciper et laisser tomber la réflexion et la distance pour finir dans une ode à la liberté avec un épilogue, sublime : une danse musicale presque orientale qui fait vibrer la chair et ressentir, enfin, une sensation physique. A défaut d’être touchant, le film touche au but.
 
vincy

 
 
 
 

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