Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Tazzeka


France / 2017

10.10.2018
 



La métamorphose des rêves





Les rêves ne se réalisent pas toujours tel qu’on les avait conçus. Les sentiers battus par les créateurs qui cherchent à dessiner des personnages en quête d’une vie meilleure sont souvent liés à la déception qui terminera par les détruire. Les Illusions perdues de Balzac comme point de départ pour nous poser la question de savoir si c’est un échec lorsque les choses ne se sont pas déroulées telles que nous les avions prévues.

Tazzeka, le premier long-métrage en tant que réalisateur de Jean-Philippe Gaud, est un exemple intéressant à ce propos. Le personnage principal, Elias, interprété par Madi Belem, veut quitter Tazzeka, son village natal, au Maroc, pour aller à Paris et accomplir ainsi son rêve de devenir chef cuistot dans un restaurant prestigieux. Néanmoins, il aura un prix à payer afin de parvenir à ses désirs : il devra quitter sa grand-mère, celle qui lui avait appris à cuisiner. La suite à Paris ne se déroulera pas forcément comme il l'avait imaginée.

Comment tourner la rupture avec la terre d’origine ? Chez Gaud, ça passe par le récit. Fort attaché à la base narrative de son scénario, la tendresse qu’il porte aux personnages est un bel exercice de dignité politique et cinématographique. Tazzeka commence comme un documentaire sur la transmission des savoirs : Elias enfant observe sa grand-mère et apprend le français en lisant un des livres de recettes de Joël Robuchon. Or, comment filmer le dépaysement de celui qui est parti ? À ce moment-là, la meilleure séquence du film, celle de la rencontre entre Elias et Souleymane à Paris. Pendant qu’ils attendent la personne qui leur proposera un boulot en tant que manœuvres, la police débarque et ils se voient obligés de se cacher sous un camion. Voici l’irruption du réel : cette séquence est tournée comme si elle venait d’un film néoréaliste. Elle est absolument vraisemblable et, en même temps, c’est évident qu’il s’agit d’une fiction.

Jean-Philippe Gaud dessine une fiction ancrée dans le réel. Nous verrons Elias et Souleymane en train de se promener vers l’arrêt de métro Jules Joffrin et ils iront faire les courses au marché. On imagine mal tous ces figurants au service du film, donc on comprend que ce sont tout simplement des personnes qui étaient allées faire leurs couses ce jour-là. L’arrivée d’Elias à Paris est marquée par l’amertume et malgré tout, il arrive à être heureux. Il ne vit pas ce qu’il avait imaginé et il n’arrête pas de sourire pour autant. Cette situation, loin d’être un cliché, est une vraie déclaration d’intentions de la part de Gaud, également scénariste du film.

C’est intéressant de constater comment certains récits apparemment conventionnels parviennent à saisir une complexité inatteignable par des films entourés par plus d’artifices et de cruauté envers leurs propres personnages. Dans ce sens-là, Tazzeka serait dans la même lignée que des films comme Fatima, de Philippe Faucon. Pas de condescendance envers les personnages du film : de la tendresse qui arrive par le biais de la compréhension de ce qu’ils endurent.

On ne peut pas s’empêcher de penser à Elia Kazan. Il disait de son film America, America qu’il était son film plus personnel car il révélait une vérité intime sur sa propre personnalité : il se sentirait toujours comme un immigré. Kazan mettait en scène les expériences vécues par son propre oncle, un immigré arménien qui souriait de manière tragique. Il était profondément triste, mais il souriait pour se défendre, pour se protéger de l’inconnu.

Elias sourit constamment. Est-il heureux ? Qu’est-ce qu’il pense vraiment ? Et si tout n’était qu’un songe ?
 
Miquel Escudero Diéguez

 
 
 
 

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