Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Moi, Tonya (I, Tonya)


USA / 2017

21.02.2018
 



ICE CRIME





«- Je suis la première américaine à avoir fait un triple axel. Alors je les emmerde.»

Il y a quelque chose de visqueux dans Moi, Tonya : le film nous glisse entre les mains, insaisissable. On ne sait pas si c’est une farce, un documentaire qui cherche une vérité dans un fait-divers dramatique un peu confus, un biopic qui essaie de réhabiliter une vedette maudite, ou tout simplement le portrait d’une femme brisée par l’existence et qui a tutoyé son rêve avant de chuter (lourdement).

Si la forme et le fond de Moi, Tonya semblent surtout un puzzle dont on a du mal à voir l’image d’ensemble et sa signification, au moins il est incarné par une formidable Margot Robbie. L’actrice créé un sacré personnage de cinéma, qui écrase presque le film. Dès qu’elle sort de l’écran, dès que le film se décentre d’elle, il n’existe plus. Elle est la colonne vertébrale qui unifie ce magma formel et donne corps à ce récit éclaté qui navigue entre les époques et les points de vue.

Le plus étrange est que Craig Gillepsie rate l’aspect biographique, frustre le spectateur quand il fait monter la sauce sur l’accident de sa rivale Nancy Kerrigan (qui pourtant condamnera Tonya Harding à raccrocher les patins), assez vite expédié, expose les témoignages de chacun sans jamais prendre parti ou afficher une conviction, et empêche toute émotion avec cette construction plutôt burlesque et ses personnages pittoresques.

Alors, en quoi Moi, Tonya est quand même un film à voir (hormis pour les performances de Robbie et d'Allison Janney) ? On pourrait citer les scènes de patinage artistique, assez saisissantes (avec un angle plus immersif qu’à la télévision), même si elles sont très rares et les numéros jamais filmés dans leur intégralité. Non, ce qui passionne c’est le déterminisme auquel Tonya veut échapper, cette bataille intime contre toute autorité (la mère, le mari, la fédération, les juges, la coach). Des personnages hauts en couleur qui donnent du relief à une histoire décousue.

Lame de fond

A leur manière, la mère, le mari et les autres sont tous terrifiants. Plus crétins, sadiques, pervers, violents, possessifs les uns que les autres (mention spéciale au « pote » qui orchestre l’accident de Kerrigan), cette bande de pieds nickelés tournent pourtant autour de la prodigieuse patineuse, comme des mouches autour du cocher. Car elle est leur passe-droit vers la gloire et la lumière. Ces « nobodies » sont un portrait à la Coen d’une Amérique profonde, un peu déjantée, et prête à tout pour accéder à l’American Dream. Des losers qui vont gâcher la vie d’une winneuse.

Tonya Harding est une plouc pauvre, maltraitée, authentique, mais qui devient gracieuse et époustouflante une fois sur la glace. Une Cendrillon sur patins, entourée de guignols. Avec un gros complexe d’infériorité. On comprend bien que ce sport est réservé à une élite (comme le tennis autrefois). Le film effleure les injustices de ce sport-danse, où les juges sont partiaux et corrompus. C’est tout son problème : Moi, Tonya reste souvent en surface, préférant l’ironie et le sensationnel, le découpage « cut », les digressions et les flash-backs plutôt que de s’enfoncer dans la noirceur d’un destin qui part en vrille.

Heureusement, il y a les répliques jouissives de la mère (« T’as patiné comme une grosse gouine. Tu m’as fait honte! »), l’humour grinçant du scénario, la franchise désarmante de Hardling. Mais de saltos en flips, le film ne parvient pas toujours à se rattraper correctement à force de vouloir passer de la comédie noire au western moderne, du documentaire reconstitué au film biographique qui ne sait pas quelle distance prendre avec son sujet. Il y en avait peut-être trop – violence conjugale, masochisme maternel, émancipation, rêve de médailles, fait divers « historique ».

On sent bien que le film cherche quand même à racheter cette ancienne championne. A montrer ce qu’elle a subit. Le film joue les avocats de la défense. Parfois avec conviction et flamboyance. C’est dans ces moments, comme lors d’un triple axel, qu'il s’échappe de cette existence sordide pour tutoyer le mirage des paillettes et des spotlights.
 
vincy

 
 
 
 

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