Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Seule sur la plage la nuit (On the beach at night alone - Bamui haebyun-eoseo honja)


/ 2017

10.01.2018
 



LE FILM D’AVANT





"Aucun de vous n’est digne d’aimer ! Vous êtes tous lâches, vous vous contentez de faux semblants en faisant des choses moches. "

C’est le jeu du calendrier : les films de Hong SangSoo sortent en France de manière aléatoire et non chronologique, brouillant vaguement la progression pourtant captivante de l’œuvre (et de l’humeur) du cinéaste. Voici donc Seule sur la plage la nuit, présenté à Berlin en 2017, avant donc qu’on ne découvre à Cannes Le jour d’après et La caméra de Claire. Il repartit du festival allemand avec un prix d’interprétation (mérité) pour Kim Minhee, nouvelle comédienne fétiche en date du cinéaste coréen, qui apparaît dans les trois films, et jouait également dans Un jour avec, un jour sans. Comme souvent dans l’œuvre du réalisateur, les correspondances et les clins d’œil ne s’arrêtent pas là. S’il est un peu facile (et tarte à la crème) de prétendre que tous ses films se ressemblent, on ne peut s’empêcher de penser que Hong SangSoo s’est fixé comme défi d’élever le déjà-vu au rang d'art, offrant film après film une variante infiniment complexe de ses obsessions principales : les rapports amoureux, le milieu du cinéma, le hasard et les coïncidences.

Cette fois, pourtant, on le sent plus mélancolique qu'ironique, plus désenchanté que moqueur. Le film, conçu comme un diptyque dont les deux parties semblent se succéder, suit Yonghee, une actrice qui a mis sa carrière entre parenthèses après avoir vécu une histoire mouvementée avec un réalisateur marié, dans ses réflexions sur la vie, et le reste. L'amour, surtout, et peut-être plus encore que d'habitude, occupe une place centrale dans le récit. Un amour toujours vivace dans la première partie, et qui accompagne l’héroïne partout, et un amour plus amer, parce que déçu, dans la seconde. C'est d'ailleurs justement dans ce deuxième chapitre que, par deux fois, la jeune femme s'énerve sous le coup de l'alcool, et dit ce qu'elle a sur le cœur au sujet des hommes et de l'amour. Pour elle, personne n'est qualifié pour aimer, comme elle le lance dans une formule à la fois définitive et provocatrice. Dans ces passages, Hong SangSoo renoue avec le versant le plus "alcoolisé" de son cinéma et poursuit son éternelle réflexion sur les relations sentimentales. Comme un musicien de jazz, il adjoint à son thème de prédilection des fioritures et des trilles qui se manifestent sous forme de thématiques et d'intrigues parallèles.

On remarque ainsi qu'une fois encore, les hommes ne brillent pas spécialement pas leur bravoure et se laissent mener par le bout du nez tandis que les femmes savent ce qu'elles veulent. Pour Younghee, l'essentiel est de suivre son propre chemin, à son rythme, et de "mourir gracieusement". A plusieurs reprises, elle manifeste aussi bruyamment sa faim, allégorie transparente pour la soif de vivre qui l'anime, en dépit de fugaces crises d'apathie. Younghee a en effet besoin de manger et de boire, de dormir et de fumer. C'est un être de chair et de sang qui a un irrépressible besoin d'exprimer ses désirs et ses envies.

Malgré la tonalité plus sombre du film, l'humour propre à Hong SangSoo est lui aussi omniprésent, notamment parce qu'il fait écho à ses films précédents. Cela passe principalement par les dialogues et le choix de situations qui se répètent et finissent par se confondre. Les grandes formules rebattues sur la vie et la mort, le hasard des rencontres, les versions alternatives d'une même histoire donnent un aspect irréel à l'histoire, à mi-chemin entre le conte onirique et le cauchemar. Pas étonnant, alors, qu'une séquence de rêve occupe justement une place centrale dans l'intrigue, et la fasse basculer sur une autre interprétation.

Peut-être est-ce là un changement significatif dans le cinéma de Hong SangSoo (toutes proportions gardées) : perdre en légèreté là où il gagne en profondeur, et cultiver une part de mystère plus importante sur les rapports de temporalité et de causalité entre ses différentes séquences. Moins basé sur un "dispositif" que certains de ses derniers films, Seule sur la plage la nuit renoue avec l'idée d'un cinéma qui expérimente, pensé pour décortiquer inlassablement les rouages complexes de la nature humaine. Si on osait une analogie avec Monet, qui peint sans cesse le même paysage dans des conditions de lumière différentes, peut-être irait-on jusqu'à renommer le film. Quelque chose comme : Femme aux prises avec ses sentiments, lumière du soir, horizon brumeux.
 
MpM

 
 
 
 

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