Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Marvin ou la belle éducation


France / 2017

22.11.2017
 



NOUVELLE CHANCE





Quelque part dans un village des Vosges vers Epinal, Marvin Bijou est un enfant qui a hâte de grandir pour en finir avec ses années de collège : harcelé et humilié à l’école, où certains le maltraite et l’insulte de ‘pédé’, secrètement désespéré par ses parents trop attachés à l’alcool et la télé, il s’interroge : il n’est pas comme les autres, il cherche autre chose… Il attend que l’adolescence arrive pour espérer aller dans un lycée en internat, loin, ailleurs. Quelques années plus tard devenu presque jeune homme il préfère qu’on l’appelle Martin Clément, il veut passer pour un autre en jouant au théâtre. Au gré de plusieurs rencontres, il découvre que le désir homosexuel tout comme son aspiration artistique de jouer et écrire peuvent s’épanouir. Il est attiré par la grande ville qui brille (Paris) pour enfin vivre une vie plus grande que la petite vie de sa province d’origine, il devient Martin Clément en s'éloignant du Marvin Bijou qu’il a été…

Stéréotypes

L’histoire Marvin ou la belle éducation est d’abord un récit d’apprentissage, comment le passé de Marvin et le futur Martin est une fuite salutaire. Le film repose sur une structure narrative éclatée avec une succession d’aller-retour entre le présent adulte et le passé de l’enfance, tout en faisant d’ailleurs l’ellipse des quelques années intermédiaires. Le scénario fait ainsi alterner séquences du petit Marvin au collège au milieu de sa famille d’une « beaufitude » exacerbée avec tous les clichés possibles de désespoir (pauvreté, alcoolisme, homophobie…), et les séquences du grand Marvin/bientôt Martin au milieu d’artistes d’une vanité égocentrique avec une autre série de clichés autour de la suffisance (parvenus, bohême, prétentieux…). Le parcours de Marvin, ou son éducation, non pas belle mais dramatique, est en fait le passage de la honte de sa classe sociale d’origine à l’arrogance d’une classe sociale supérieure. C’est rempli de stéréotypes au point que ça en est gênant.

Le film organise en effet ne confrontation entre deux classes sociales, tout en portant l’accent sur le mépris des petites gens de province… La découverte d’une autre orientation sexuelle pour ce jeune homme est en fait à peine racontée en creux, et de manière trop maladroite : devenir homosexuel et se prostituer…, d’ailleurs le même reproche fait cette année à André Téchiné pour son film Nos années folles, Téchiné qui fut un temps rattaché au projet d’adaptation d’Eddy Bellegueule le roman d’Edouard Louis qui sert ici de support à la trame (mais Anne Fontaine s’en détache en allant plus loin dans le temps).

Simplismes

Le film raconte malheureusement moins l'individu en transition qu'il est que son entourage. Marvin ou la belle éducation est un film qui sonne faux aujourd'hui ou qui plutôt semble venir avec des années de retard, comme si il comportait trop de clichés usés dont on ne sert plus au cinéma depuis longtemps et pas assez d’émotions distillées. Pour ce qui est du cadre de l’enfance c’est le personnage brutal du père (Grégory Gadebois) qui s’impose lourdement mais au moins le spectateur est en phase avec les atermoiements du jeune Marvin (Catherine Mouchet n’est ici guère convaincante en proviseure sensible au théâtre) ; ensuite pour la période adulte, les personnages sont tous horribles à des degrés divers (Vincent Macaigne est là presque insupportable, Isabelle Huppert qui joue elle-même l’actrice Isabelle Huppert est risible). La bonne note du casting est essentiellement pour les seconds rôles féminins : la mère Catherine Salée, les courtes apparitions de India Hair et Luna Lou ; et bien entendu à la véritable révélation qu’est le gamin Jules Porier. La grande faiblesse du film, à l’inverse, se situe dans le personnage principal de Marvin/Martin, qui reste la plupart du temps antipathique au spectateur. Finnegan Oldfield n’y est pour rien puisque la faute vient de la mise en scène de Anne Fontaine et de son écriture (avec Pierre Trividic).

Dans Eddy Bellegueule, Edouard Louis détaillait avec un regard subjectif le mépris de ses origines et la découverte de la littérature. Au moment de la sortie du livre, l’auteur était devenu d’ailleurs la célébrité du moment pour avoir justement raconté sa famille et son village avec une authenticité faite de trop de détails misérabilistes. Ainsi le film passe peut-être à côté de son sujet. C’est d’ailleurs partagé par l’auteur du livre qui en réaction déclare « je n'ai rien à voir avec le film d'Anne Fontaine, ni mon nom ni le titre de mon livre n'apparaissent au générique ». La raison est sans doute que le roman avait pour sujet principal la construction d’une identité, sujet à peine abordé dans le film sinon de manière trop pernicieuse : se venger de sa jeunesse en faisant savoir à tous grâce à une pièce de théâtre la nullité de sa famille… Cette dénonciation publique rend mal à l’aise.

Pas subtil

Avec ce film, on aurait voulu être touché par la trajectoire de Marvin mais on reste dubitatif devant une caricature de son entourage (tant de la province que de la capitale). Le personnage cherche sa place mais ne la trouve pas à l’écran. Il apparaît seulement masochiste avec lui-même. Marvin/Martin aurait gagné à être véritablement au centre de ce film, avec plus de dialogues et moins de seconds rôles, à être et au cœur d’un récit sensible, où on nous épargne une vision binaire du monde. Il faut être sacrément prétentieux pour croire que l’art et la littérature peuvent sauver le monde. On a le même problème avec Le brio en salles cette même semaine : l’éducation, comme sauvetage social, on aimerait y croire, mais cet idéalisme souffre d’un sérieux déni de réalité. On a connu la réalisatrice Anne Fontaine plus inspirée et plus subtile.
Là son film est à l’image de Charles Berling sodomisant Finnegan Oldfield (les rôles sont inversés depuis qu’il a lui même été pris par le jeune Stanislas Mehrar dans un film d’Anne Fontaine, Nettoyage à sec) : brutal, simpliste et sans plaisir.
 
Kristofy

 
 
 
 

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