Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Numéro Une


France / 2017

11.10.2017
 



YES SHE CAN





« Il ne s’agit pas de religion. Mais de politique. »

Tonie Marshall revient à l’étude d’un microcosme. Loin des salons de beauté, la voici inspirée par le milieu du pouvoir (économique et en arrière-plan politique), un monde de mâles qui se tiennent la queue pour se protéger des coups francs venus du sexe opposé.

Numéro Une est d’abord un joli portrait d’une femme, qui a ses failles, ses forces, et surtout, qui est parfaitement incarnée par Emmanuelle Devos. Elle trouve là un de ses plus beaux personnages, jouant toute la partition avec une facilité déconcertante. Sans doute parce que son rôle exige aussi d’être « une comédienne » dans un théâtre où elle n’a, a priori, pas sa place. La décideuse a adopté la technique du camouflage, ce qui renvoie en miroir au métier d’actrice.

Cependant le film souffre d’une bipolarité qui l’empêche de s’émanciper complètement. On voit bien que la réalisatrice a voulu tout dire sur son sujet, la place de la femme parmi les élites, de façon un peu didactique parfois. Elle a aussi essayé de faire un de ces films à l’américaine où l’intrigue repose sur un match, une guerre diplomatique, sans morale, un peu sale même, entre un baron pourri et intouchable et une novice compétente et insoupçonnable. Mais le scénario préfère prendre une autre direction à la moitié du film. Et ce duel à fleurets mouchetés disparaît peu à peu du récit, pour être évacué en quelques scènes qui mèneront au vainqueur (sans triomphalisme aucun).

Cernée (par les hommes)

Si bien que Numéro une s’égare ailleurs : dans les doutes de cette dirigeante, dans les coups qu’elle prend au passage. C’est tout le paradoxe du film. Il est le portrait juste et touchant d’une femme dominante, apte à dialoguer avec un père un brin moralisateur jouant les bonnes conscience, un mari un poil castré, et une myriade de collègues clairement misogynes. Mais étrangement, en voulant éviter le syndrome thatchérien de la femme de pouvoir insensible et dure, Tonie Marshall tombe dans un autre piège : celui de la rendre vulnérable, fragile, ultra-sensible, hésitante. Or, rarement le film n’associe sa détermination professionnelle avec ses tourments personnels, sa capacité à être une cheffe (on n’en doute jamais, même quand elle perd un à un ses « soldats ») et un passé un peu trop chargé (mère suicidée, dépression / burn-out mal géré). Il y a bien deux ou trois séquences (le renvoi d’un de ses protégés, le conflit d’intérêt qui entraîne le licenciement de son mari…) qui permettent de comprendre l’alliage entre la femme et la pro. Ce sont d’ailleurs les scènes les plus riches, les plus intéressantes. Mais elles sont trop rares.

Cela rend Numéro Une un peu bancal. Mais loin d’être inintéressant. En attaquant un sujet de société de manière aussi frontale, Tonie Marshall convainc que la fin justifie les moyens. Dans ces arcanes du pouvoir, où les destins sont contrôlés au gré des promotions et des réussites, elle utilise son personnage principal comme un cheval de Troie.

Ressources (humaines)

Mais finalement ce Numéro Une est bien plus passionnant avec son numéro à plusieurs. Les relations humaines, les bonnes comme les mauvaises, forment un ciment solide à cette histoire malgré les fondations fragiles du film.

Car c'est grâce à ces liens interpersonnels – famille, femmes, collègues, clients, … - que Numéro Une se révèle le mieux écrit et le plus juste. Dans cette entreprise de déstabilisation, où le double jeu et la partie de billard à trois bandes sont évoqués sans être réellement approfondis, on assiste à un film plus politique et plus mélancolique que dramatique, plus philosophique (en surface) que ludique (sur la forme). Tout est psychologique. Au point de ne pas régler réellement le problème de l’accession au pouvoir pour les femmes, même si la cinéaste démontre bien la nécessité de féminiser les hautes sphères de décision.
 
vincy

 
 
 
 

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