Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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K.O.


France / 2017

21.06.2017
 



LE REVENANT





«- J’aimerai que vous explosiez en plein vol. »

K.O. est un cauchemar. Pas cinématographiquement, bien au contraire, mais pour son « héros ». A première vue on peut y voir un homme puissant, arrogant, macho, cynique qui perd tout ce qu’il possède. Mais en est-on sûr ? Fabrice Gobert aime nous manipuler pour mieux nous faire douter. Avec trois films en un, un destin scindé en triptyque (le « rêve » du dominant, le mauvais rêve de l’exploité, le drôle de rêve apaisant), K.O. veut nous troubler, nous perturber, en jouant volontairement de notre perception et de nos confusions.

Ce n’est pas le moindre des atouts de ce thriller psychologique et paranoïaque : Laurent Lafitte est parfait dans l’incarnation de ce personnage dont le monde s’effondre autour de lui, tour à tour un homme charismatique et détestable puis humilié et paumé. Il porte littéralement le film, dont l’aspect visuel et les rebondissements scénaristiques sont pourtant séduisants.

Cet « Inception », dont l’épilogue est suffisamment flou (ou ouvert) pour nous enlever nos certitudes, est assurément brillant formellement. Mais au-delà ce cette errance post-traumatique et traumatisante, le réalisateur cherche aussi à nous interpeller sur notre perception du monde environnant. C’est bien le portrait d’une société libérale et brutale (aux mœurs dissolues) qu’il dépeint en toile de fond, vue du côté des puissants puis du côté des perdants. Entre Fight Club et un David Lynch, le réalisateur déshabille un parfait salaud pour en faire une parfaite victime. Ce numéro de « travestissement », habile, qu’il soit réel ou simple illusion, se révèle être une attaque violente contre un système broyeur d’hommes, où la place de chacun peut-être intervertie, où la part d’animalité se réveille à force d’être tenu en laisse.

Double jeu

Chaque comédien joue ainsi un double-rôle, leader et soumis, bon et méchant, froid et bestial. Cette entreprise de destruction et d’autodestruction de chacun montre surtout à quel point nous sommes vulnérables et exposés au moindre déraillement. Peu importe si ce connard de « patron » est dans le coma à cause d’un humilié qui lui a tiré dessus ou à cause d’un cœur qui n’a pas supporté le burn-out et les excès. Peu importe de savoir s’il vit son cauchemar réellement ou s’il est tout au long du film dans un coma fatal. Ce que Fabrice Gobert filme, avec ces décors déshumanisés en processus de dévitalisation, ces personnages interchangeables et de moins en moins fiables, c’est une société qui n’a plus d’ancrage, de confiance et de respect.

Et chacun en paye le prix à hauteur de la facture de leurs « méfaits ». L’ivresse ou le déclassement, la solitude ou les coups physiques. On est toujours K.O. même quand on croit que tout est OK. Ça peut basculer en un instant. Et c’est ce qui est flippant.

Sans doute, à vouloir trop maîtriser son récit gigogne et jouer avec la confusion de nos perceptions, Fabrice Gobert empêche son film de se déployer et rejette ainsi toute émotion. La réalisation clinique, la mécanique très cérébrale font obstacle à un ressenti plus instinctif. S’il nous piège parfaitement pour que l’on ne soit sûr de rien, pour que tout apparaisse comme rêvé alors que tout semble réel, s’il s’amuse à perdre le spectateur dans ce brouillard, il manque une tension, des sensations pour que l’on soit complètement impliqué. Quelques séquences plus lentes, quelques scènes plus intimes, quelques moments plus creux ramollissent même l’attention et étirent inutilement le film. Il nous tient à distance et préfère nous manipuler avec des fausses pistes ou des indices contradictoires.

Effet miroir

Le film devient ainsi un miroir narcissique où l’égo en prend un coup, sans qu’on sache qui est le reflet (fantasmé ou terrifiant) et qui est le contemplateur (admirateur ou méprisant). Dans cette atmosphère inquiétante, étrange, à la violence latente, comme une colère qui couve dans un cerveau au bord de la folie, le cinéaste opte pour un épilogue expiatoire et un écran noir où seul un son traduit l’ultime illusion qui transforme notre point de vue, rétroactivement, sur cette histoire.

Berné le spectateur ? Pas tant que ça. Le revenant est en fait condamné d’emblée dans un destin sans retour. Un Knock Out qui laisse à terre définitivement. Et nous stupéfait brillamment et froidement.
 
vincy

 
 
 
 

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