Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Corporate


France / 2017

05.04.2017
 



RESSOURCES INHUMAINES





Corporate est une fiction. Il faut le dire, il ne faut pas forcément le croire. Le film de Nicolas Silhol s’inscrit hélas dans une triste réalité : le management par la peur, la pression, l’irresponsabilité assumée, l’humain considéré comme un pion sans âme. Burn out, placardisation, suicide sur le lieu de travail. La violence de l’entreprise est masquée par des faux-semblants, des angoisses enfouies, un jeu de dupes où la hiérarchie justifie ses actes par de beaux discours en « novlangue ». Le monde est en mutation, l’avenir est à ceux qui sont dans l’anticipation, merci patron !

La justesse du propos du scénario, dans le cadre d’une grosse entreprise qui a des airs de Danone, s’ancre dans une spirale infernale (intime, psychologique) qui pousse chaque personne à bout : de l’employé évincé à sa responsable à son directeur. Ce dernier assène qu’il ne faut pas subir la pression. La pression est pourtant omniprésente. Ironiquement, le slogan de la société Esen est « Découvrez votre vraie nature ». Les concepteurs de cette punchline ne croyaient pas si bien dire.

Sous tension permanente, les protagonistes tentent une partie d’échecs où le fou est une femme tiraillée entre son ambition, son professionnalisme et sa conscience et le cavalier une inspectrice du travail. Ce duo féminin incarné par les subtiles Céline Sallette et Violaine Fumeau (toutes deux formidables) donnent l’énergie du film, sans être dans la naïveté : chacune a ses raisons, ses motifs, ses contraintes et ses éléments de langage.

Corporate est un film où la culpabilité est le grand enjeu. Les cyniques en seront pour leurs frais. Rien n’est simple : on collabore ou on résiste. On est le meilleur ou on est (fra)cassé. Le pétage de plomb est progressif. Un choc sert de déflagration intérieure à une jeune cadre dynamique. Une killeuse qui a vraiment « tué » un employé. Elle va imploser. Perdre pied. Le piège va se refermer sur elle. Exécutante et responsable. Mais coupable ?

Le film aborde toutes ses interrogations tout en décryptant la fracture sociale entre les niveaux de décision, les rouages d’un système déshumanisé et déshumanisant. La caméra oppresse en serrant les cadrages, en étant en perpétuel mouvement. Les visages sont tendus. Dans cet univers suave et froid, tout est pourri : chantages, influences, menaces, falsifications… La tragédie est totale : il faudra couper des têtes, sacrifier ses sentiments.

Pour son beau portrait de femme et son cruel tableau de l’entreprise (qui n’est pas neuf mais qui est toujours salutaire), Corporate captive sans trop d’effets factices, qu’ils soient narratifs ou cinématographiques. Le récit est même assez classique, s’achevant avec un épilogue où la morale est sauve (mais les êtres bien abimés par ce « jeu » de massacre). Il aurait sans doute fallu plus de complexité et d’audace. Il manque sans doute des aspects, de la rhétorique, une certaine nuance dans la démonstration. Mais celle-ci est efficace et le montage, assez sec, a l’avantage de ne pas vouloir provoquer l’émotion inutilement. Comme pour son héroïne, la déflagration est progressive : sur le coup, le film ne recherche aucun sensationnalisme. Pourtant, après coup, on est bien hanté par cette histoire banale et horrible : ce thriller verbal et psychologique est par ailleurs un moyen de réhabiliter le droit du travail, de rappeler la souffrance qui met en péril l’employé.

Si il n’a pas assez de force pour provoquer un électrochoc, le film ne manque pas d’intelligence pour nous faire réfléchir.
 
vincy

 
 
 
 

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