Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Réparer les vivants


France / 2016

01.11.2016
 



QUAND ON A 17 ANS





«- Simon n’est plus dans le coma. Il est en état de mort cérébral. »

C’est d’abord un très beau livre. Ce fut ensuite une pièce de théâtre (seul en scène) réussie. Le film Réparer les vivants est magnifique. Katell Quillévéré a su transposer parfaitement l’histoire imaginée par Maylis de Kerangal pour en faire un objet cinématographique très émouvant et jamais ennuyeux.

Dès le prologue, nous sommes emportés dans ce « voyage » qui va de la vie à la mort à la renaissance. Les plans se succèdent sur un jeune homme qui quitte le lit de sa copine : il est en vélo, un copain le rejoint en skate, ils vont en camionnette faire du surf. La réalisatrice ne quittera jamais cette fluidité dans les déplacements. Dans cette séquence d’ouverture, on se doute que quelque chose va arriver. Il y a toujours une ombre menaçante : un virage, une grosse vague, la vitesse. Il y a péril partout. Mais c’est dans un moment calme que le danger va survenir. Un accident. Une superbe scène, furtive et onirique, presque hypnotique. Une ellipse qui nous embarque dans un grand huit émotionnel.

Simon Limbres est dans les limbes, sans l’air. Désormais la vie va se passer de lui. Mais les vivants sont toujours là. A commencer par les parents, séparés, qui vont renouer leur lien. Le personnel hospitalier, un peu blasé, qui doit faire preuve de tact et ne pas oublier d’exister. Confrontés à la mort, les gens réapprennent à s’aimer.

Dans cette première partie, grise, entre hôpital morbide et banlieues industrielles, tandis que de rares flash-backs montrent Simon rayonnant de beauté, de jeunesse, d’insouciance dans une ville ensoleillée, on en vient vite au sujet : le don d’organe. Il y a la douleur personnelle, intime. Elle fait tirer les larmes du spectateur. Et il y a la réalité froide : d’autres peuvent vivre grâce au corps du mort. « Ceci est mon corps », ceci est son corps. Mais si cette mort pouvait finalement trouver un sens en aidant à sauver une ou plusieurs vies. La vie promise de l’adolescent est fauchée en plein vol. Tout est cassé. Tout doit-il être mort ?

L'élégance du mouvement

C’est là que nous entrons dans la seconde partie du film. Avec brio, et toujours cette fluidité qui paraît si aisée pour la cinéaste, nous passons du futur donneur à la future receveuse. L’autre face de la pièce. Le fait qu’il n’y ait aucune rupture entre deux parties aussi distinctes, que le spectateur se laissent porter d’une histoire à l’autre sans heurts est déjà, en soi, une réussite. Cela tient sans doute à une mise en scène cohérente, à une très belle partition musicale d’Alexandre Desplat, à des choix de musique éclectique et tripants (qui rappelleraient presque l’usage qu’en fait un Xavier Dolan). Mais plus encore, le film doit beaucoup aux acteurs. Emmanuel Seigner, Kool Shen, Tahar Rahim, Bouli Lanners s’imposent dans ce premier chapitre, dévastés et sans maquillage. Arrivent alors Anne Dorval, Dominique Blanc, Finnegan Oldfield et Alice Taglioni dans ce second chapitre.

Là, le film s’éloigne un peu du roman et comble des vides du livre par quelques récits inventés. Ainsi la relation amoureuse entre Dorval et Taglioni provoque de nouveau de beaux larmoiements tant elle est sensible et juste. Si Seigner doit composer avec un environnement masculin au départ, ici c’est Oldfield, grand gaillard et bon fils, qui doit s’imposer dans un univers de femmes. La mère du fils mort, le fils de la mère mourante. Très belle symétrie, jamais appuyée.

Défier la (sa) nature

Quillévéré écrit son film comme un feuilleton, où régulièrement elle offre au spectateur des « surprises ». Des éléments qui troublent nos préjugés, et nous font douter. On peut croire le père de Simon un peu brut, on peut croire la mère de Maxime et Sam un peu seule. Ce ne sera jamais si simple. Touchant et parfois remuant, Réparer les vivants ne laisse pas indifférent, embrassant la complexité humaine face à la mort, tabou dans nos sociétés, et au corps qui nous lâche, révélateur de notre fragilité humaine.

La réalisatrice nous offre alors un ultime acte, plus court. Le passage du donneur au receveur. Si on y perd un peu en sentiment, le film conserve sa faculté à bouger, de couloirs en portes, d’avions en courses. Peu de répit pour transporter un cœur. Clinique, technique, chirurgical, Katell Quillévéré, comme Emmanuelle Bercot dans La fille de Brest d’ailleurs, ne nous épargne rien des opérations. Elle veut réussir sa greffe. C’est fascinant. Et on sent bien que la transplantation va prendre grâce au génie humain. La résurrection peut avoir lieu, avec cette chaleur et cette lumière du soleil qui vient caresser la peau, qui invite à sourire. On se sent vivre. Nulle croyance. Nul miracle. Juste la foi en l’existence. C’est toute la beauté de ce film.
 
vincy

 
 
 
 

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