Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Guibord s'en va-t-en guerre


/ 2015

27.07.2016
 



DU BON BORD





«- C’est pas Voltaire ou Kafka qui va nous sortir de là.»

« Ce film est basé sur des faits véridiques qui ne se sont pas encore produits mais qui ne seraient tarder. » Le ton est donné. Guibord s’en va-t-en guerre est une fable idéologique autant qu’une farce politique. Il y a du Jean de la Fontaine dans cette comédie proche de la satire où sont plutôt conviés Tocqueville, Voltaire, Montesquieu et surtout Rousseau. Dans une lointaine ville du Québec profond, quelque part entre les Grands lacs et le cercle polaire, le député Guibord, ex star prometteuse de hockey, est confronté à deux crises : un conflit local entre les populations autochtones et les travailleurs (Mines, Bois) qui exploitent le territoire et un dilemme national sur l’entrée en guerre du Canada, où son vote, en tant que député indépendant, s’avère décisif.

Buddy-road-movie

Philippe Falardeau n’y va pas avec neutralité. En lui adjoignant un candide utopiste et érudit venu d’Haïti (excellent pour des cours de démocratie par Skype) et en plaçant les bureaux du député dans une boutique de lingerie féminine, le cinéaste fait du député un anti-héros burlesque, toujours dépassé par les événements, jamais vraiment à sa place.
Ce faux buddy-movie est aussi un vrai road-movie. Ayant peur de l’avion, le député doit s’astreindre à parcourir son immense territoire en voiture (mais le réalisateur ne nous prive pas de splendides vues aériennes). Les malheurs du politicien ne s’arrêtent évidemment pas là, entouré d’une femme un brin arriviste, une fille idéaliste, un maire populiste, des amérindiens malins, des syndicalistes enragés mais pas doués pour la communication, une journaliste un peu niaise, un premier ministre manipulateur (qui a tout de l’ancien PM bushiste Harper), etc… Autant de personnages qui mettent de la couleur dans ce gros champ de bataille où chacun en prend pour son grade. Car, avec sa musique de fanfare (que confirme la séquence finale), le film parade allegro dans ces quiproquos qui piègent Guibord par tous les bords. C’en est tragicomique. Certes, le scénario définit mal l’enjeu intime du film et l’objectif n’est pas forcément clair jusqu’au moment où le député lance sa consultation populaire qui doit l’amener à faire le bon vote.

De quoi vous ecœurer d’être démocrate

C’est aussi à ce moment là que le film s’enrichit d’une dialectique tantôt fine, tantôt un peu épaisse sur le métier politique. Les revendications individualistes, les ambitions politiques, le système démocratique, la conscience humaine : tout se mélange et prouve ainsi qu’un élu ne peut être pur et est forcément « corrompu » ou « sali » à l’épreuve du pouvoir, pouvoir qui se résume à faire plaisir, négocier, transiger, repousser les décisions. Bref à pas grand chose.
Philippe Falardeau tente un difficile équilibre entre une vision réaliste et désillusionnée de la politique, impuissante, et un discours plus philosophique et plein d’espoir, sur la puissance des symboles et l’importance des mots et des idées. « Le meilleur argument contre la démocratie, c’est une longue conversation avec un électeur » disait Churchill…

Guibord et Souverain (ça ne s’invente pas, et ça veut tout dire) vont donc se coltiner ceux qui vantent la guerre pour avoir des jobs, ceux qui sont oubliés par les élites, ceux qui rêvent d’un monde sans gluten à cause de leur colon irritable, ou encore ceux qui sont capables de faire voter une femme dans le coma. On en rigolerait presque si ce n’était aussi cynique. Car si les acteurs semblent très sérieux, si le film n’a rien d’une parodie, c’est bien le mix entre répliques cocasses et situations absurdes qui donnent à Guibord l’allure d’un pamphlet. Un show où chacun porte ses masques dans un « pays de fous » où le vivre ensemble (à visage découvert) est compliqué. Le bon sens pourrait l’emporter mais le réalisateur a préféré être fidèle à son propos, en l’occurrence très bien définit par le personnage de Suzanne Clément : « T’es entré en politique pour changer les choses mais tu peux pas même avec la plus grande des volontés du monde. T’as pas d’pouvoir. » Alors au diable, les belles idées, la bonne entente et la bonne conscience… Il n’y a pas de place pour les gens honnêtes dans le monde de Falardeau.
 
vincy

 
 
 
 

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