Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Saint-Amour


France / 2016

02.03.2016
 



NEAR DRUNK EXPERIENCE





« - C’est quoi votre prénom ?
- Mike
- On dirait un prénom de tracteur américain.
»

Rien de neuf sous le soleil. Saint-Amour est un film qu’on aurait aimé adorer. Parce qu’on a toujours été enclin à se laisser charmer par l’esprit anarchiste et dingo de Delépine et Kerven, succomber à leur empathie envers des losers magnifiques et attachants. Il y a toujours une poésie un peu trash dans leurs films, portés par des rêveurs assez barrés – Depardieu, Moreau, Dupontel, Poelvoorde, Houellebecq… - pour pousser l’absurde avec une grâce qui épate.

Mais bon, là, le duo a péché par paresse. Entre Bacchus et la Sainte Vierge, ils ont un peu trop forcé sur la bouteille. Le vin, dieu unique et universel, fondement d’une culture rabelaisienne, et élixir qui permet de déformer la réalité, c’était une belle idée. Mais elle s’avère assez potache, et tâche même un peu.

Il manque de l’ironie, de la subversion. Tout a l’air si gentil que ça en paraît niais. Bien sûr la vierge n’est pas vraiment « classique ». Cheveux de feu et allure de séductrice, elle a plus une allure de sirène de l’Odyssée ou de Vénus de Botticelli que d’une suave victime de son sort. Pour le reste, cette histoire d’agriculteurs, père et fils (obsédé du cul), est plus proche de L’amour est dans le pré revu par les auteurs de Groland que d’un pamphlet sur la crise agricole traité par Depardon.

Ode à la pochtronnerie, Saint-Amour rappelle que le flacon est aussi important que l’ivresse. Boire oui, mais boire bien c’est mieux. Film de terroir, avec tournée des troquets et pizzas à emporter sur le bord de la route, le duo poursuit son tour de Gaule et envoie une carte postale moins engagée que Louise Michel, moins fabuleuse que Mammuth, moins délurée que Le Grand Soir et moins audacieuse que Near Death Experience. Alors qu’est-ce-qu’elle aurait de plus ? Vincent Lacoste. Son personnage de chauffeur de taxi, confident et mytho, nous ravit tout au long du périple tant il amène une candeur et une fraîcheur doublée d’une autodérision dont il est passé maître avec les Sattouf et les Delpy.

Donc on a un Dieu le père, un Fils bourré et un Saint-Esprit pas très saint d’esprit sur la route des vignobles. Bon pitch. Ensemble, ils se font la Carte et le Territoire, soit le parcours gourmand et amoureux d’une France en mutation, un peu déprimée, très « houellebecquienne » pour le coup. Cette nostalgie étouffe un peu la fable. Reste le pittoresque drôlissime (les personnages secondaires sont un régal, de Chiara Mastroianni à Céline Sallette), les séquences bien craquées, les délires inspirés sous leur allure de « coolitude ». Quand ils font du Blier, décontractés du gland, détachés de toute rationnalité, proche de l’épicurien savoureux, les deux cinéastes sont brillants.

Cependant, leur discours christique prend mal. Jésus transformait l’eau en vin, Delépine et Kervern font l’inverse. Il est incompréhensible. Les commandements sont d’ailleurs trop soulignés, et même appuyés, rendant le breuvage un peu trop piquant. On passera sur cette narration puzzle (à la Blier une fois de plus) un peu superficielle. Si l’ivresse n’est pas au rendez-vous, même si parfois elle nous fait rire et tourner la tête, c’est sans doute parce que la naïveté du propos et la trop grande bienveillance à l’égard de leurs personnages nous laissent un goût pâteux dans la bouche. Il y aurait pour eux cette France des paysans, détentrice de la vérité, seuls rescapés de la mondialisation qui veut détruire notre culture, et de l’autre, celle des spectateurs qui se demandent s’ils ne sont pas les Judas de cette farce.
 
vincy

 
 
 
 

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