Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Hacker (Blackhat)


USA / 2015

18.03.2015
 



WORLD BITS





Michael Mann, la référence du polar noir américain stylisé, hyper-contemporain et fondamentalement tragique, est de retour six ans après Public Ennemies.

Qu’est-ce qui pouvait attirer la caméra d’un réalisateur accro aux mutations d’une société humaine régie selon de grands ensembles toujours plus froids et écrasants ? La cybernétique et, plus précisément, la cybercriminalité comme nouvelle arme terroriste, force immatérielle capable de perturber en un clic notre monde physique où se meuvent les individus (de l’explosion d’une centrale nucléaire au dérèglement du cours du blé). Hacker est donc un film 2.0 mené tambour battant en constante interaction – principe de connexion entre les deux mondes – qui se joue des différents enjeux géostratégiques de cette nouvelle menace. Et pour quoi au juste ? Pour façonner, « à l’ancienne », une traque cinématographiquement tangible mais ultra-classique entre un terroriste sorti de nulle part et un hacker repenti dont les motivations restent bien floues.

Sans apporter, de toute façon, la modernité à laquelle nous étions en droit d’attendre de la part du cinéaste, la trame narrative, très ramassée au point d’offrir quelques béances scénaristiques, se perd en route. Mann détricote sans raison aucune l’originalité d’une attaque virale à géométrie variable pour la remplacer en une espèce de quête personnelle un peu surfaite se concluant dans un mano à mano de blockbuster léché. Néanmoins, la transgression du concept de base n’est pas surprenante. En effet, il ne faudrait pas oublier ce qui fait la force du cinéma mannien, c’est-à-dire, sa réelle capacité, au-delà des pourtours géopolitiques esquissés (même si elles ont leur importance), à recentrer par capitalisation humaine le cœur de l’action dans une incarnation en réaction à/aux (l’)évènement(s) en marche.

La trame cybernétique se mue alors en traque humaine. Le décor, planté en quelques instants par une première séquence peu « manienne » puisque trop explicite pour être prise au premier degré, ne dit pas autre chose. Le temps, comme le décor, se contracte et se dilate, se déforme et se reforme, se déstructure et se concrétise sur le terrain des opérations pour faire exister Hathaway en dehors de ses compétences informatiques (charismatique Chris Hemsworth). Il faut du mouvement à Mann. Peu importe les lacunes d’une histoire peu fiable laissant un anti-héros du clavier se transformer en un tueur implacable qui ridiculiserait Jason Bourne et Ethan Hunt réunis.

Michael Mann, qui aime trop la figure du loup solitaire coincé dans sa propre réalité (qu’il soit flic, voyou, journaliste, taxi, ou chercheur), ne pouvait inscrire Hathaway le hacker dans une posture contraire en tant que simple « employé » du F.B.I. L’académisme ennui profondément un réalisateur toujours poussé par l’extrapolation des situations qu’il développe. Mais, dans ce dernier film, l’incarnation se construit par un contresens fondamental puisqu’elle ne se pose pas en réaction à la nature de la menace. Au contraire, on dirait qu’elle est mue par un besoin différent, plus viscéral, plus réaliste, un peu comme si elle devait retrouver l’ancien monde, celui des règlements de compte urbain aussi sauvages que mortels. De ce point de vu, Hacker ne déroge pas du ton si cher au réalisateur. Le film est impactant, organique, aérien, d’une maîtrise formelle indéniable (la scène finale le prouve mille fois). Sauf qu’ici, Mann ne peut se résoudre à préempter la postmodernité d’une époque et de ses avatars.

C’est entendu, Hacker a du chien. Mais a t-il du style ? Nous emporte-t-il dans un univers au cœur des doutes d’un homme en proie à l’adversité ? Et là, pour le coup, la réponse est moins claire, moins évidente, moins solennelle. Surement à cause d’un récit épar, plus dans l’épate forcée que dans une forme de réalisme éclairé. L’immersion manque de profondeur comme d’intimité et les coups portés et autres course-poursuites ne peuvent faire éclater la dimension tragique d’une mission devenue absolution. Malgré les qualités hors-pair de conteur de Michael Mann, Hacker n’arrive pas à dépasser par sa seule énergie le classicisme des thrillers hollywoodiens. Si la classe est toujours de mise, le génie romanesque des destinées humaines a, quant à lui, disparu.
 
geoffroy

 
 
 
 

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