Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Cinquante nuances de Grey (Fifty Shades of Grey)


USA / 2014

11.02.2015
 



FADE OF GREY





"Je ne fais pas l'amour : je baise. Brutalement."

Après des mois et des mois de buzz, de rumeurs démenties, de questionnements autour de la crédibilité des deux acteurs principaux et de discussions quant à l'intérêt de cette adaptation, Cinquante nuances de Grey est enfin là. Le premier volet de la trilogie érotique de E. L. James - vendue à plus de 100 millions d'exemplaires - débarque sur nos écrans, pour le plus grand plaisir des fans et au détriment de tous les autres curieux qui iront le voir. Car oui, Cinquante nuances de Grey est un film pour les fans. Et encore, pas sûr qu'ils aiment tous cette adaptation hollywoodienne, cet objet filmique franchement soft.

Ici il ne sera donc pas question de critique assassine, mais simplement d'information. Loin de moi l'idée de cracher tout ce que j'ai sur "the most talked about film of the season", seulement une envie, celle de vous expliquer pourquoi l'adaptation de Sam Taylor-Johnson est mauvaise à (presque) tous points de vue. Pourquoi l'histoire d'amour pseudo passionnelle et malsaine entre Anastasia Steele, cette étudiante en littérature, et Christian Grey, un riche homme d'affaires, ne fonctionne pas et ne fonctionnera jamais. Voilà donc pour vous, cinquante raisons de passer outre ce film ridicule, cinquante nuances du mot "risible".

1. C'est classique. On pourrait débattre sur ce point-là pendant des heures, nous en arriverions tous à la même conclusion : Cinquante nuances de Grey est un film classique. Et ce dans le mauvais sens du terme.

2. La structure est attendue. Pas de surprise, Sam Taylor-Johnson nous montre brièvement l'univers des deux protagonistes au cours d'un montage alterné sans intérêt et s'arrête longuement sur leur rencontre et la relation qui en découle.

3. Des incohérences frappantes. On en parle de Christian Grey qui débarque à la rescousse dans ce bar sans qu'Anastasia ne lui ait dit clairement où elle se trouvait? Ou bien a-t-il un quelconque contact à la CIA qui lui a permis de la géolocaliser?

4. Des champs-contrechamps qui agacent. Anastasia-Christian. Christian-Anastasia. Encore. Et encore une fois. Au cas où vous n'auriez pas compris que le film ne tourne qu'autour d'eux, la réalisatrice vous balance leur visage en gros plan dès qu'elle le peut.

5. Les métaphores qui ne passent pas. On veut susciter du désir, mais surtout pas choquer. Parfait, faisons jouer Dakota Johnson (l'interprète d'Anastasia) avec un crayon estampillé GREY ENTREPRISES pendant un moment et surtout près de sa bouche. C'est un symbole phallique, les gens comprendront.

6. Des jeux sur les couleurs flagrants. Pour signifier qu'il va être question des termes d'un contrat et de la signature de celui-ci, tout le monde passe au rouge. Bah oui, avec une lumière rouge ,on comprend que la tension monte, que le désir monte et pourquoi Anastasia rougit. Logique.

7. Like a virgin. Peut-être écrit par les femmes et destiné aux femmes, Cinquante nuances de Grey voue un culte très machiste quant à la virginité d'Anastasia. Parce qu'elle est vierge, elle est pure. Parce qu'elle est pure, elle intrigue. Parce qu'elle intrigue, elle vaut la peine que l'on se prenne la tête. Sérieusement? L'histoire ne nous dit pas ce que Christian aurait fait si sa bien-aimée était une sacrée dévergondée. L'aurait-il moins aimée?

8. Un glaçon pour deux tétons. Sans aucune subtilité, la réalisatrice nous balance sa fameuse scène du glaçon. Bah oui, que serait un film érotique sans son glaçon roulant délicatement sur les tétons d'une femme?

9. Des fist en gros plans. Ce que l'on ne peut montrer, il faut le dire et l'écrire. Voilà pourquoi certains termes du contrats sont montrés en gros plans et comment la réalisatrice tente de piquer votre curiosité, de vous donner envie. Mais de quoi au juste si ce n'est de partir en courant?

10. Quand ça pleure, ça pleut. Preuve que les coups de ceinture ça fait mal, Anastasia pleure dans sa chambre à coucher. C'est parfait : les larmes que Dakota Johnson ne parvient pas à exprimer, on les mettra sur les vitres (la pluie). Ingénieux.

11. Oh sacrilège! On aurait pu s'attendre à tout avec cette adaptation. Au respect du roman comme à son non-respect. Mais le coup du champagne dans des tasses (à fleurs, excusez-moi du peu), là c'en est trop pour nous !

12. Un scénario vide. Cinquante nuances de Grey est un film sur le vide. Sans s'en rendre compte, E. L. James a écrit tout un livre sur le vide présent entre les gens, entre des personnes qui se croisent, pensent se connaître mais n'y parviennent jamais vraiment. Pas étonnant donc, qu'il ne se passe rien, même quand on pense qu'il se passe quelque chose.

13. Des clichés en veux-tu, en voilà. Christian sauve Anastasia qui manque de se faire percuter par un cycliste. Christian sauve Anastasia des vilaines griffes de son ami José, pauvre photographe. Christian déshabille Anastasia mais ne mate pas. Et l'on pourrait continuer comme ça pendant un moment.

14. Une littérature anglaise saccagée. Comme un cheveu sur la soupe de médiocrité qu'est le film, personne n'a eu l'idée de retirer cette remarque sur le présupposé romantisme propre à la littérature anglaise. Vous avez dit "absurde"?

15. Une fin indigne. Le cinéma nous a habitués à de grandes fins, tragiques ou comiques, intenses et conclusives. Bref à de grandes fins. Mais apparemment, Cinquante nuances de Grey n'a pas reçu le mémo puisque persuadée que le titre du film à lui seul vaut le détour, Kelly Marcel n'a pas pensé à peaufiner sa fin, pour ne pas dire qu'elle l'a carrément bâclée tel un "cliffhanger" raté.

16. Une histoire outrageusement basique. Ne nous mentons pas, Cinquante nuances de Grey n'est qu'une version moderne du conte de fées. Le rêve en moins, les fessées en plus.

17. Répète après moi si tu peux. Question : comment faire durer un scénario vide sur 2h05? Réponse : répéter chaque action au moins deux fois, créer des échos entre elles et donner l'impression que quelque chose a changé.

18. Ennui quand tu nous tiens. Si votre copine bâille, c'est normal. Si votre mec bâille, c'est normal. Si vous baillez, eh bien partez !

19. Entre érotisme fragile et sadisme magnifié. On a longuement pensé à ce que le film pouvait se permettre et sans surprise, nous avions raison : les auteurs ont eu une marge de manœuvre très restreinte. Érotique par son sujet, le film ne peut être perçu comme beau qu'à travers sa sublimation du sexe violent. Pas de quoi parler d'apologie puisqu'il aurait fallu qu'un petit quelque chose nous excite pendant ces 2h05.

20. Des dialogues mauvais sur le papier. Pas besoin de lire l'œuvre originale pour comprendre à quel point le tout est risible : des âmes charitables ont cueilli les meilleures pépites et les ont distillé un peu partout sur le Net. Au hasard "J'ai cinquante nuances de folie" ou encore "Je ne fais pas dans le romantisme". Autres pépites : "Si je suis romantique? J'étudie la littérature anglaise, c'est un peu obligé." et "Non, Anastasia, je ne suis pas gay".

21. Des dialogues mauvais à l'écran. Ce qui est écrit ne devrait pas toujours être dit. Mais ça, personne ne s'en est inquiété. Résultat, on rit quand on ne devrait pas et on garde notre sérieux quand il faut rire.

22. "Vous allez me faire l'amour maintenant?" Non Anastasia, on ne va rien te faire. Je te fais signer un contrat de confidentialité juste pour te montrer ma collection de voitures rutilantes.

23. Plaisir féminin. Tout du long, Anastasia et Christian parlent de plaisir. Bien. Mais quand on en vient au plaisir sexuel, la satisfaction totale ne passe-t-elle pas par l'orgasme? Et si l'on a tous compris que Dakota Johnson pouvait simuler un gémissement, on en attend davantage. Ou du moins, on attend de voir ce que l'on nous vend depuis des mois : des gens qui prennent complètement leur pied. Et même là, on finit déçu.

24. Quand sadisme = romantisme. Cinquante nuances de Grey est peut-être un film érotique, mais c'est aussi - et surtout - une comédie romantique. Pas de quoi vous alarmer donc si vous ne comprenez à quel moment les deux personnages s'aiment et quand il n'est question de sexe. L'histoire est si mal foutue que même la scénariste a dû s'y perdre.

25. Paye ta psychologie à deux balles. Christian Grey a été adopté. Avant cela, il vivait avec sa mère (une prostituée accro au krach) et le mac violent de celle-ci. Eurêka ! Laissons entendre que c'est de cette souffrance que lui vient son amour pour le sado-masochisme. Freud façon blague Carambar.

26. Verra bien qui rira le dernier. Si c'est une comédie, il faut que l'on rit. Bien, nous mettrons quelques pointes d'ironie et quelques questions niaises. Le public adorera. Ou pas !

27. Une alchimie inexistante. Qu'on le veuille ou non, Cinquante nuances de Grey est une œuvre importante, quelque chose de consistant qui ne doit pas seulement rapporter des sous. La machine doit vendre du rêve. Mais quel rêve Dakota Johnson et Jamie Dornan nous vendent-ils? Aucun. Les deux ne s'aiment pas et cela se voit.

28. Jamie Dornan, tais-toi. Que ce soit sur papier ou à l'écran, Christian Grey est dépeint comme parfait. Alors pourquoi restons-nous fixés sur les petites dents du bas - pas forcément très blanches qui plus est - de Jamie Dornan? Pourquoi?

29. Le désir, ça passe aussi par la voix. Toujours dans cette optique de perfection absolue, la voix de Jamie Dornan ne nous ensorcelle pas. Même à 31 ans, le Britannique est incapable de nous exciter plus que quand il est sur papier glacé. Dommage.

30. Tu veux voir ma zigounette? Cinquante nuances de Grey est interdit par-ci, censuré par-là, interdit aux moins de 17 ans aux Etats-Unis et aux moins de 12 ans en France. Soit, mais pourquoi? Pourquoi en faire toute une histoire puisque l'on ne voit rien. Les fesses de Dakota Johnson : d'accord. Les seins de Dakota Johnson : je le reconnais. Les poils pubiens de Dakota Johnson : il est vrai. Les fesses de Jamie Dornan : encore vrai. Les poils pubiens de Jamie Dornan : toujours vrai. Une vue furtive sur la base de son pénis lorsqu'il se débraguette. Mais c'est tout. Et si vous vous êtes endormis entre temps, tant pis !

31. Signes extérieurs de richesse intérieure. A défaut de nous offrir un full-frontal digne de ce nom, la production nous abîme les yeux avec toute la panoplie de jouets de Christian. Ses fouets et ses martinets, certes. Mais surtout ses voitures et ses loisirs de CSP++ (genre optimisation fiscale dans le sang). Navrant.

32. Une actrice, zéro crédibilité. Dakota Johnson est mauvaise. Fin de la discussion.

33. Un maquillage incertain. Avec 80 millions de dollars de budget, personne n'a pensé à cacher, enlever ou corriger cette vilaine cicatrice que Dakota Johnson a sur la fesse droite. Il faut le faire !

34. Walk that walk. Simple question : pourquoi Anastasia, qui est pourtant en train de vivre un conte de fées moderne avec un homme riche, ne dispose-t-elle que d'une seule paire de ballerines? Des ballerines très moches, soit dit en passant.

35. Marcia "pauvre de toi" Gay Harden. On l'a vue dans de grands films (Mystic River ou Into the Wild) et dans de grandes séries (New York - Unité spéciale ou Damages). Mais là, on aurait aimé ne pas l'avoir vue. Vraiment.

36. Verra bien qui Rita Ora ! Après s'être incrustée dans Fast & Furious 6, l'Anglaise vient faire la belle plante pour Cinquante nuances de Grey dans le rôle aux quatre répliques de Mia Grey. Pourquoi cela? Eh bien parce que la production ne la voulait pas sur la bande originale ! C'est aussi simple que ça.

37. The Hair. Au passage, évoquons son ignoble coupe de cheveux dont même un macchabée ne voudrait pas.

38. L'heure de gloire de Luke Grimes. Habitué des seconds rôles inconsistants, il tient sans doute ici son premier grand second rôle. Après tout, il a au moins quatre répliques et on le voit torse nu, ce n'est pas négligeable.

39. Tu l'as dit bouffie. Eloise Mumford (alias Kate) a 28 ans. Oui, oui, 28 ans et pas 45 comme le laisse supposer son visage tout gonflé. A croire que sur le tournage du film, en attendant désespéramment d’apparaître à l'écran, elle n'a fait que manger.

40. Cinquante nuances de gris. Le film est gris. Là aussi, fin de la discussion.

41. C'est tourné à Vancouver. Et parce que c'est tourné à Vancouver, il fait gris, il fait froid et le temps semble s'être arrêté.

42. "Rien n'est ni tout noir, ni tout blanc, c'est le gris qui gagne." a écrit Philippe Claudel dans Les Âmes grises. Cela n'a jamais été aussi vrai que dans Cinquante nuances de Grey, film écrit, réalisé et vendu dans un entre-deux certain. Le résultat final est terne, constamment en train de se chercher et sans jamais vraiment se trouver.

43. Do not disturb. Comme si elle avait tourné son film les yeux bandés, Sam Taylor Johnson n'a vraisemblablement pas pris conscience qu'elle n'allait nulle part, que toute adaptation doit s'affranchir de l'œuvre originale pour apporter quelque chose de nouveau. Pourtant, elle avait un boulevard: les romans sont si mauvais qu'il n'était pas difficile de faire mieux.

44. Oh Sia, tu es bien trop bonne! Présente partout, sur toutes les radios, sur toutes les chaines musicales et dans toutes les bouches, l'Australienne donne de la voix sur la BO et accompagne le dépucelage d'Anastasia. Classe!

45. Allez monte, c'est moi qui pilote. La chanson "Earned It" de The Weeknd parle de sexe, ça ce n'est pas étonnant. Ce qui l'est davantage, c'est son utilisation. Une virée en voiture insignifiante, vraiment?

46. If I'm haunting you, you must be haunting me. Bon ok, la chanson "Haunted" de Beyoncé inspire beaucoup. Mais la violence sexuelle, ça on n'y avait pas pensé. A raison peut-être, car en faisant abstraction de la musique, il ne reste que des images faussement choquantes et cette sale impression de regarder un téléfilm.

47. Got me hoping you'll save me right now. Autre contre-emploi total : l'utilisation de "Crazy in Love" de ladite Beyoncé à un moment particulièrement perturbant, peut-être même le seul moment où la réalisatrice touche du bout des doigts l'interdit. Pas sûr que les fans de la chanteuse apprécient la provocation.

48. Voix-off et sur-textualité. Au cas où vous auriez oublié que Cinquante nuances de Grey est l'adaptation d'un livre, Sam Taylor-Johnson a eu la bonne idée de nous enquiquiner avec quelques passages dudit livre. Comme c'est original !

49. Le mal du mâle moderne. Plusieurs fois filmé en train de courir comme le personnage principal de Shame de Steve McQueen, Christian Grey a pour addiction les pratiques SM. En étant beaucoup moins subtil et personnel que son faux alter ego, Cinquante nuances de Grey fait de cette addiction un mal comme un autre, un simple délire dans lequel on devrait tous se jeter corps et âme au moins une fois. Pathétique.

50. Ridicule. Cinquante nuances de Grey est un film absurde, ennuyeux, long et lourd, mais surtout ridicule. Vous êtes prévenus.
 
wyzman

 
 
 
 

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