Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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'71


/ 2014

05.11.2014
 



UNE NUIT EN ENFER





"Vous n'êtes rien pour eux. Juste un morceau de viande. De la bidoche."

Suffocant, choquant et étonnant. Avec '71, Yann Demange signe un premier film qui nous happe, une fresque magistrale sur un conflit fratricide et culturel, violent et aveugle. Ça se passe à Belfast en Irlande du Nord en 1971, ça pourrait être au Moyen-Orient, en Ukraine, en Centrafrique, dans la Corne d'Afrique ou au Cachemire aujourd'hui.

Gary (Jack O'Connell, fulgurent, qui se révèle film après film) est une jeune recrue anglaise envoyée à Belfast pour calmer les ardeurs d'une ville en plein chaos où catholiques et protestants se livrent une guerre civile. 1971, c'est l'année du tournant, quand le terrorisme devient guérilla. Lors d'une simple patrouille, son unité est prise en embuscade, Gary se retrouve isolé en territoire ennemi. Le cauchemar commence, autant pour lui que pour nous, lui simple mortel déterminé et nous spectateur fataliste. Blessures, trahisons (multiples) et autres fausses illusions, Gary ne sait plus vers quel saint se vouer: tout le monde peut être une menace, même ceux qu'il soupçonne le moins.

'71 est une pure fiction en ébullition permanente et en en même temps, le thriller pourrait se voir comme un documentaire. On suffoque, on reçoit claque sur claque, et au final, on a un goût pâteux et amer dans la bouche. Dans ce monde terne, kaki, marron et grisâtre, cette ville rude, on comprend vite que notre candide n'est pas au bon endroit au bon moment. Mais pourtant, rien n'est binaire. Parce que tout dégénère, parce que rien n'est écrit, le film nous entraîne dans un labyrinthe de ruelles et de couloirs, vers des impasses et dans des lieux clos peu protecteurs.

Une scène d'explosion spectaculaire, et filmée en plan séquence, avec une intensité rare, pose la question essentielle: «pour qui se bat-on déjà?». Sonné par le choc, assourdit par le chaos, nous sommes alors en apnée. De là, le film va nous entraîner dans un suspens vertigineux. Une vraie leçon de mise en scène, avec une maîtrise assez stupéfiante pour un film de genre et, qui plus est, un premier film. Caméra à l'épaule, toujours sur le vif, avec un montage très découpé, en alerte constante, on ressent physiquement l'agressivité et l'incertitude des menaces.

On est scotchés. A partir d'une bavure on va vivre une nuit en enfer. Une traque nocturne intestine, entre nausée et ulcère. Un piège à cons. Le scénario ne manque pas de rebondissements et s'offre quelques électrochocs pour nous déstabiliser. Il règne un climat de terreur. Et quand il faut cicatriser, c'est sans anesthésie. Personne ne ressort de ce film indemne. C'est en cela où '71 est réussi : il résonne avec justesse, dénonçant les deux camps, et abimant jusqu'au "héros". Une sorte de 24 heures Chrono, stylisé comme un film des seventies. Avec le regard impitoyable sur la peu de valeur de la vie quand tout le monde s'affronte au nom de causes irréconciliables.

Ce film est une métaphore cruelle mais néanmoins réelle sur l'absurdité des conflits et des guerres: il n'y a pas de gagnants mais seulement des perdants, il n'y a pas d'innocents mais juste des ambitieux et des victimes.
 
cynthia

 
 
 
 

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