Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Joe (Joe)


USA / 2013

30.04.2014
 



AU NOM DU FILS

Le livre Bye Bye Bahia



Joe, le nouveau long-métrage du prometteur mais inégal David Gordon Green (L’autre Rive (2004), Délire Express (2008), Prince of Texas (2013)), ne serait-il pas, en définitive, le dernier espace possible de rédemption cinématographique pour un Nicolas Cage englué depuis de longues années à jouer dans des objets filmiques improbables ?

Cette question, constamment légitimée pendant la vision du film, ne discrédite pas pour autant la démarche d’un réalisateur attaché à décrire une sociologie mortifère plutôt réaliste campée par des personnages "borderline", marginaux désabusés mais pas complètement résignés. C’est le cas de Joe, ex-taulard du Sud travaillant comme contremaître pour une société d’abattage de bois, qui décide de prendre sous son aile Gary, un ado laissé-pour-compte par un père alcoolique violent. Le cinéma indépendant américain s’affiche une fois de plus sans complexe en triturant un naturalisme froid, destructeur, broyant sa propre décrépitude dans les moiteurs d’un environnement atemporel traversé par ces inadaptés, ces perdants, ces déclassés. Les ombres de Faulkner, de Williams ou encore de Lawrence sont convoqués, perpétuant au cinéma le drame psychologique, représentation romanesque qui puise sa force au détour d’individus n’arrivant pas à accomplir leurs destinés.

Nous découvrons alors une dramatisation sur plusieurs niveaux, tout à la fois conformiste et dispersée. Joe, alias Nicolas Cage, tient lieu de pivot. Ce père de substitution, sorte de grand frère au passé mystérieux – qu’il aurait fallu tenir secret –, va œuvrer tout autant pour le gamin que pour lui-même. Le décor fait le reste. Comme un personnage monstrueux, protéiforme, dangereux, sale, poisseux, d’une réalité immonde où l’Homme cherche désespérément des raisons de croire en de meilleurs jours. L’arrivée du gamin dans la vie de Joe lui donnera ce supplément d’âme, cette étincelle primordiale dans l’acceptation d’une vie en partie gâchée et déjà derrière lui. Si la relation entre Joe et Gary fonctionne naturellement, les différentes digressions censées motiver dans la difficulté leur apprentissage réciproque, semblent surfaites, presque provocatrices, en tout cas très – trop ? – fictionnelles.

Ce choix étonne. Il casse le rythme, ajoute de la confusion, voire de l’inintérêt, puisqu’il brise la linéarité d’une filiation réinventée (mauvais père biologique, bon père d’adoption) essayant d’extraire l’enfant du déterminisme social dont il semble condamné. Tout comme cette dichotomie, étrange elle aussi, entre un aspect documentaire très prononcé sur le métier de Joe et de ses ouvriers, et des ressorts scénaristiques forçant le trait d’un manichéisme de pacotille virant à la faute de goût. Le film brouille les pistes en les multipliant. Ce faisant, le cinéaste atténue la portée symbolique d’une double émancipation au profit de sa résolution, factuelle donc, dans un climax attendu même si percutant et résolument cinématographique.

David Gordon Green n’a pas tout faux. Au contraire, il arrive plutôt bien à compenser sa propension pour le pathos par l’aridité des relations qu’il noue. Néanmoins, il manque au film une poétique sublime, sorte d’Eden réinventé luttant contre les forces d’un mal aussi fourbe que tenace. Les quelques éléments perturbateurs, comme les styles adoptés, froissent la logique d’une histoire par moments très barrée (voire les visites de Joe dans un bordel) mais manquant indubitablement d’âme. Ce paradoxe n’est pas condamnable en soi mais fait de Joe un film plus proche des Brasiers de la colère que de Mud. Reste que Cage y est épatant. En somme la rédemption opère. De façon factuelle comme symbolique.
 
geoffroy

 
 
 
 

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