Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Lovelace


USA / 2013

08.01.2014
 



CECI EST BIEN UNE PIPE





«- N’oublie pas de respirer ! »

Plus de 15 ans après Boogie Nights de Paul Thomas Anderson – portrait revisité de la star du porno mâle John C. Holmes, doté d’un pénis d’une petite trentaine de centimètres -, voici Lovelace de Rob Epstein et Jeffrey Friedman – biopic sur l’ex porno star Linda Lovelace. Le sexe est toujours un produit d’appel porteur. Le voyeur sera forcément déçu de tant de pudeur. Epstein ne se facilite pas la tache : il hésite en permanence entre le making of d’un film qui a marqué une génération entière de spectateurs, Gorge profonde, et ses conséquences (malédictions ?) qui touchèrent ses protagonistes et l’histoire d’une lolita aguicheuse qui ne supportera pas très longtemps la célébrité et la pression d’une industrie broyeuse de chair.

Avec un scénario construit mécaniquement : ascension/sacralisation/déchéance/rédemption , Sainte Linda, jeune fille prude élevée dans un cadre religieux très strict (rien que l’idée d’une pipe lui paraît dégoutante), va se muer en experte du blow job, vedette sous les spotlights, femme bafouée, âme perdue. Amanda Seyfried ne démérite pas avec ce personnage assez classique. D’autant que le film n’a rien de sulfureux. Dans le rôle de la mère, Sharon Stone, autrement plus flamboyante dans le même genre du temps de Casino, incarne, a contrario, une conservatrice coincée et rigide, avec brio (et même génie à certains moments). Méconnaissable mégère magnifique. Avec Robert Patrick dans le rôle du père, ils font écho à un autre couple cinématographique, celui de Kathleen Turner/James Woods dans The Virgin Suicides. Comme dans le film de Coppola, cet hors-champ est la partie la mieux construite.

A force de ressembler à d’autres œuvres des années 90, Lovelace se révèle assez peu original. Certes, le film manie assez bien l’humour (un moustachu en slip rouge c’est toujours assez drôle, sans oublier les pseudos de scène), retranscrit efficacement l’époque et peut s’appuyer sur les comédiens pour le reste, mais on reste sur sa faim côté réalisme et audace. Un film plus brut que "glam" aurait sans doute été plus approprié. Le manque d’affection qui traverse la plupart des relations semble édulcoré par une image presque trop sophistiquée.

On pourra toujours s’offusquer de l’utilisation d’une jeune & jolie fille élevée sous le soleil de Floride : prostitution, pornographie, poule aux œufs d’or… Se révolter contre ces mecs – tous des macs – machistes, salauds et vulgaires. Mais la mise en scène banale souffre d’un manque de piment. Il faut quelques dialogues cocasses (notamment sur les plateaux de tournage) pour épicer de temps en temps notre attention.

Lovelace est en fait un constat d’échec. Alors que Gorge profonde était un film culte, que tout le monde allait voir (sans être suspecté d’être pervers), le très sage biopic ne s’autorise que ce qui est désormais permis sur grand écran : un bout de sein, des blagues de cul, et l’apologie d’une success-story qui a mal tourné. On reste en surface, à l’écart, derrière la porte. Surtout ne pas regarder par le trou de la serrure. Ou tout cacher pour qu’un public même averti ne soit pas choqué. Quelle régression !

C’est donc dans son aspect le plus dramatique que le film "captive" le plus. En véritable ordure, son mari, Peter Sarsgaard va l’entraîner en enfer. Lovelace s’aventure alors dans des territoires plus sombres. Entre l’obscurantisme des parents (qui, tout religieux qu’ils soient sont incapables de compassion) et un mari proxénète, le destin de Linda Lovelace avait de quoi séduire Epstein et Friedman. Mais contrairement aux trois autres films qu’ils ont coréalisés – The Celluloid Closet, Paragraphe 175 et Howl – abordant l’homosexualité dans une perspective historique, Lovelace ne semble pas les faire bander plus que ça. A trop vouloir nous forcer à plaindre l’héroïne, ils en deviennent monstrueux avec tout son entourage. A trop être accessible au grand public, ils transforment une période, un film X et ses personnages en bluette tragique et morale, sans chair.

Ce conformisme tue le désir initial : le fantasme mondial des années 70 n’était autre qu’une fille paumée qui a payé cher son émancipation. De quoi débander.
 
vincy

 
 
 
 

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