Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Rush


USA / 2013

25.09.2013
 



DEUX HOMMES D’EXCEPTION : HUNT/LAUDA





« C’est un petit cercueil en fait. »

A 60 ans, Ron Howard décide de changer de circuit, ou presque. Habitué aux blockbusters catégorie Formule 1, souvent efficace pour finir sur le podium du box office, le cinéaste a décidé de changer de véhicules, pour une histoire plus européenne qu’hollywoodienne. Certes, il ne révolutionne rien. Mais Rush révèle une sensation de liberté cinématographique qu’on ne lui avait jamais connu, hormis peut-être avec Frost/Nixon. Ce n’est d’ailleurs pas innocent si ce film évoquant la rivalité entre deux pilotes de Formule 1 (sport mal aimé aux Etats-Unis), Niki Lauda et James Hunt fait écho à la confrontation entre Frost et Nixon. Deux hommes diamétralement opposés, concourant pour la plus belle notoriété posthume, au somment à la même époque, les années 70.

On voit bien qu’Howard a refusé le biopic « classique », façon Un homme d’exception. Explosant sa narration avec des allers retours dans le temps et des mises en parallèle des deux destins, réfutant toute glorification de l’un ou de l’autre, s’accrochant à la tragédie inhérente à ce sport sur roues, il a osé un duel où les deux opposants se battent avant tout contre eux mêmes plutôt que de se confronter sur la même piste.

Car ce qui est le plus étonnant dans Rush, et dans la véritable histoire de cette rivalité/complicité entre Hunt et Lauda, c’est bien cet affrontement hors champs. Rarement, très rarement, l’un et l’autre n’ont couru l’un contre l’autre. Leur match se jouait aux points, en l’absence de l’autre le plus souvent. Cette absence des circuits étaient essentiellement dues à leur ennemi intérieur. Le flamboyant James Hunt (charismatique Chris Hemsworth, idoine pour le rôle) était dragueur, grand baiseur, buveur, fumiste, doué, arrogant, incontrôlable, instinctif … Versus Niki Lauda (Daniel Brühl dans son meilleur rôle depuis des lustres) calculateur, arriviste, orgueilleux, associable, dominateur, ingénieur génial, intelligent, rigide. Leurs démons les conduisent tous les deux à des sorties de piste : personnelle pour l’un, ce qui le rend chômeur pendant un certain temps et démotivé une autre grande partie du temps ; sportive pour l’autre, frôlant la mort, brulé à un haut degré, voyant son championnat du monde lui échapper.

Comme rarement dans le cinéma d’Howard, les nuances des deux personnages sont finement amenées au moins d’assombrir le héros lumineux au physique de surfeur et d’humaniser l’anti-héros solitaire aux allures de « rat ». Deux hommes rejetés par leur famille. Deux aristocraties en compétition. Et Howard en vient à héroïser celui qui n’était a priori ni aimable ni, au sens hollywoodien du terme, la star. Deux faces d’une même pièce, avec une identique rage de vaincre.

Entre humiliation et autodestruction, combat de coqs et sport fatal, les deux se narguent, se renvoient leurs rancoeurs, leurs jalousies et surtout leur envie. Ils se stimulent pour le plus grand suspens de fin de saison : qui l’emportera ? Entre temps l’un aura perdu son insouciance et l’autre aura acquis le bonheur, « cet ennemi des champions ». Le cinéaste démontre là qu’une grande partie des victoires se joue dans la tête, et pas seulement avec un don ou une machine.

C’est là qu’il faut aborder la mise en scène d’Howard. La voiture étant l’objet de fascination ayant une emprise sur l’imagination des hommes, il était évident qu’il fallait la filmer différemment. De Monaco à Sao Paulo, de Monza au circuit Paul Ricard, les périls varient mais une course reste une course. Howard a donc varié ses cadrages (même hors course), augmenté le son, boosté son montage et multiplié les angles pour découper son film de manière moins académique. La télévision ne rend aucune des sensations produites par ce film. C’est ici diablement bien foutu. Le cinéma recréé avec maestria les bonds, la vitesse, les virages, les impressions que peuvent avoir un pilote dans son bolide, véritable bombe sur roues. C’est rapide et furieux. Avec un ultime circuit pour un final qui n’a rien d’hollywoodien malgré son suspens : un semi-échec ou une victoire volée, mais là encore pas le duel annoncé. Et la suite de l’histoire démontrera que celui qui a perdu sera finalement le grand gagnant de l’histoire de son sport. La victoire sans le plaisir, ou la gloire sans le panache, ça ne sert à rien.

Ode aux outsiders et aux combattifs, Rush démontre surtout qu’un triomphe ne vaut parfois pas une défaite. Ou qu’il faut mieux perdre pour gagner autre chose qu’un trophée : la vie, l’amour …

Cependant, la séquence la plus marquante du film reste celle où Lauda est immobilisée à l’hôpital, faisant soigner ses blessures douloureuses au visage ou se faisant vider ses poumons cramés. Il assiste impuissant aux victoires de Hunt, qu’il regarde avec masochisme à la télévision. Brillante idée alors que de voir souffrir ce champion exceptionnel : ce n’est pas tant la souffrance physique qui lui est infligée par les infirmières qui le rend fou. C’est bien de voir qu’il peut perdre son titre de champion du monde. L’atrocité est psychologique.

En revanche, pour le spectateur, le spectacle est magnifique. Après Fast & Furious, Turbo et Planes (sans compter Cars), il était temps qu’Hollywood signe un film de course automobile chevronné, efficace mais surtout un peu plus profond qu’une simple morale binaire comme guise de fil conducteur. Pour conduire de tels engins, il faut nécessairement être fou. Howard est parvenu à frôler ce mur de la folie, sans sortir de piste ou faire un tête à queue.
 
vincy

 
 
 
 

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