Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Elle s'en va


France / 2013

18.09.2013
 



DRÔLES D’ENDROITS POUR DES RENCONTRES





"T'as vraiment du être belle toi. Une vraie bombe."

Genre en soi, les road-movies sont des hymnes à la liberté : la fuite pour mieux se (re)trouver. Elle s’en va s’inscrit parfaitement dans ce cinéma. Mais pour que le voyage soit intéressant, il ne suffit pas de lui donner une dimension psychologique. Il faut qu’il soit palpitant, que les étapes de cette odyssée enrichissent autant le spectateur que le personnage principal. C’est là que le scénario d’Emmanuelle Bercot ne tombe pas dans le piège courant de l’irrégularité du récit et nous offre, généreusement, une épopée à travers la France, à la manière de Mammuth ou Copacabana.

Rarement, un film n’aura fait un portrait aussi juste du pays : sa vie provinciale rythmé comme au siècle dernier, ses faubourgs commerciaux sans âmes, ses lieux de villégiatures artificiels… Une carte postale aux airs « houellebecquiens » sur une société qui se refuse à être moderne, ou qui ne prend que les aspects les plus laids du contemporain. Un pays où personne ne s’aime, comme dans cette famille tuyau-de-poêle dont les mères dévorent leurs progénitures par possessivité, absence ou passion.

Une France qui vieillit, à l’image de son icône, Catherine Deneuve (rajeunie de 10 ans dans l’histoire, mais bel et bien grand mère). Il y a quelque chose d’immuable (les enseignes d’un autre temps, la vie au village, les horaires d’ouverture très strictes). Une France où Claude Gensac (l’alter-égo féminine de Louis de Funès dans les années 60-70) ressuscite, et nous régale, où Mylène Demongeot (ancienne beauté du cinéma français) revient, généreuse. Ce passé qui oppresse. Cette aspiration à ne pas vouloir mourir comme on a vécu.
Elle s’en va est une histoire de femmes avant tout : et Deneuve en incarne toutes les facettes : patronne assumée et amoureuse délaissée, fille et mère, femme et grand mère. La coexistence de tous ses rôles amène à une fatigue palpable. La crise n’est pas très loin. Un petit déclic, un tour de pâté de maison souligné par un « Je reviens ». Un rond-point pour tourner en rond, sur soi-même, avant de choisir la bonne sortie : le retour à la maison ou la petite évasion, après avoir franchi le pont.

Bercot offre à Deneuve l’un des plus beaux personnages féminins du cinéma français. Une mise à nue précieuse qui éclaire le talent sous estimé de la comédienne. Naturaliste et comique, dramatique et symbolique. Des moments cocasses et même jouissifs à travers des rencontres « surréalistes » de « vrais gens », quelques improvisations, des scènes touchantes, d’autres plus audacieuses. Deneuve prête à tout pour fumer une cigarette, Deneuve couchant avec le premier jeune venu. Deneuve cherchant son équilibre entre la vieillesse et la jouvence. Sur les chemins de traverse, elle se « recharge », comme un téléphone a besoin d’électricité. L’actrice est libre, impose son charisme cinématographique, et insuffle une énergie, un franc parler qui la rend toute à la fois indigne et décente.

Le film n’est rien d’autre qu’un bilan de sa vie, au moment où tout dépose le bilan : les amours, les affaires, … Bercot n’oublie pas la dimension cinématographique de son actrice (s’offrant même un clin d’œil au plan final d’Indochine, au bord d’un lac, avec son petit fils).
Elle s’en va ne peut pas se contenter d’immerger la « Reine » dans un épisode de Strip-Tease. Bercot l’oblige à se coltiner une descendance : une fille, instable, paumée, indécise (la chanteuse Camille qui parle encore plus vite que sa "mère") et le petit-fils, pas forcément le gamin idéal. Cette forte tête, capricieux parfois, manipulateur souvent, est le personnage salutaire du film. Il approfondit l’aspect incorrect de cette fugue, et humanise l’égoïsme de la fuyarde. La comédie n’est jamais loin, afin d’alléger l’atmosphère tantôt mélancolique tantôt dépressive. La réalisatrice vire même à l’absurde et au burlesque (light) pour un final presque trop idéal, un happy end bucolique qui veut croire au « vivre ensemble ». Mais, au-delà de cette facilité optimiste, l’itinéraire d’une femme âgée dans une France profonde, déclinante et nostalgique, montre aussi que le dialogue est possible, tout comme l’écoute : dans un village désert avec un octogénaire, dans un bar avec un beau gosse du coin ou un groupe de femmes « rock », dans un magasin de banlieue avec un vigile, … Et au bout du « conte », Bercot démontre qu’on ne peut être ouvert aux autres que si chacun est respecté, aimé, heureux. Ce qui donne un film lumineux, comme son actrice.
 
vincy

 
 
 
 

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