Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Neds (Non Educated DelinquentS)


/ 2010

31.08.2011
 



THE KIDS ARE NOT ALL RIGHT





« - T’es complètement largué. Dangereux. Paumé. »

Peter Mullan cherche, film après film, à comprendre l’adolescence, dans sa face la plus sombre, parfois la plus violente (autodestruction ou destruction de l’autre). Ce serait à cet âge que tout se déterminerait. Et à chaque film, le comédien-cinéaste se trouve désemparé pour ne pas dire impuissant, et en veut aux parents et au système éducatif. Neds ne fait pas exception. Mullan s’interroge sur les comportements violents d’adolescents (cela se passe en 72, mais ça pourrait se passer aujourd’hui), des parents écrasés par leur condition sociale, une école incapable d’autorité sans être elle-même agressive.

Derrière ce tableau noir, il veut quand même croire à la bonté humaine, à l’amour filial et paternel, à la réussite par l’éducation. Cet espérance ne survient que par fulgurance au début et à la fin du film. Entre les deux une descente aux enfers d’un gamin scolairement doué. Un enfant de chœur et un enfant de cœur, pas à l’aise dans son corps, dans sa classe de cancres, dans sa famille (père ivrogne absent, frère voyou, mère soumise). Ce tendre crâne d’œuf ne pourrait pas survivre dans un tel environnement, hostile, dur, où la guerre des gangs a remplacé la lutte des classes (sociales ou scolaires).

Mais à force de ne pas être à sa place, d’être exclu des milieux bourgeois comme des ados de son âge, le personnage que Mullan filme avec vérité, sans compassion particulière, mais avec une certaine affection, va vouloir s’intégrer quelque part. Son niveau intellectuel l’autorise à espérer fréquenter les beaux quartiers, les bonnes classes. Mais la tentation de la rue va s’avérer plus forte. Lentement sa personnalité va changer, comme son corps. Heureux d’être dans un groupe, il va, grâce à son intelligence, mûrir en figure charismatique. Avant d’aller trop loin.

John McGill ce n’est rien d’autre que Robinson Crusoë, héros de la série TV qu’il regardait enfant. De plus en plus isolé. Abandonné de tous même par Jésus, c’est dire (la scène choquera quelques fervents croyants). Il deviendra insolent, provocateur, rancunier, illuminé. Plus dur que les durs, plus sauvage que tous. Incontrôlable. L’ombre furtive des parents ne facilite pas le moindre ordre social.

Mullan ne fait aucune concession : tous coupables. Les jeunes délinquants comme ceux qui les jugent ou qui les laissent faire. Exclure de l’école le moindre voyou, c’est le transformer en futur malfrat. Fermer les yeux sur ce que font leurs enfants, et les parents ne s’étonneront pas de ne plus se faire écouter.

Là où le cinéaste épate toujours c’est dans son adéquation à plaquer sa mise en scène sur le sujet. Le film est en perpétuel mouvement, alerte, dopé par sa bande son punk-rock. Il y a une forme de rage qui va progressivement s’anesthésier. Dès lors la dernière demi-heure va alterner les rythmes, entre plans léthargiques et séquences pulsionnelles. Comme si le pétage de plombs du protagoniste principal avait court-circuité le film, ne sachant plus comment finir, tentant de le sauver plusieurs fois ou de le tuer selon les scènes qui s’enchaînent. Cela distille une certaine tension, sans vraiment nous rendre captif. A force de multiplier les hypothèses de fin, Mullan a péché par excès. Suicide ? Meurtre ? Rédemption ? Intégration ? Carnage ? Il manque dans Neds l’intensité de son précédent film, The Magdalene Sisters. Mais le réalisateur sait insuffler une force, un stress qui permet au spectateur de se laisser happer par cette spirale infernale, cette noirceur abyssale.

Mais, grâce à quelques beaux moments (ses hallucinations quand il est SDF, l’ultime scène au milieu des fauves, ou encore cette quête de la mort, armée de deux couteaux), Neds échappe à l’ennui. Tout comme il faut souligner l’excellence du casting, jeunes amateurs ou comédiens aguerris. La musique de Craig Armstrong, joyeuse et acidulé dans les pires moments, fit envisager de possibles réconciliations (avec le père, l’école, l’humanité en soi) ; tout de suite contrasté par une dévastation presque nihiliste.

Car il n’y a rien de vraiment sympathique à suivre cet itinéraire d’un enfant pas gâté, un « educated delinquants » pour le coups, entouré de « losers ». Lorsqu’on voit les conditions de travail de la classe 3R, les rebus du système, on s’inquiète pour le devenir de cette jeune génération, pré-thatchérienne. Des animaux sont mieux traités. Ces gamins en deviennent d’ailleurs « animal », comblant leur ennui avec des guerres de boutons (arme blanche et révolver), des joints, de l’alcool, et quelques flirts.

A défaut d’avoir complètement maîtrisé cette histoire d’adolescent sous influence, Mullan finit majestueusement une histoire très dure avec une paix qui guérit de toutes les douleurs. Neds restera un de ces films néo-réalistes, pas très loin des oeuvres des Dardenne et de Loach, qui nous renvoient l’image d’une société en échec depuis le premier choc pétrolier. S’évertuant à filmer le saccage des jeunes par la société, le cinéaste affiche son rêve de voir un jour, une jeunesse libre, éduquée et heureuse dans un monde toujours trop brutal.
 
vincy

 
 
 
 

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