Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Boy A


Royaume Uni / 2008

25.02.2009
 



A L’OMBRE DE LUI-MÊME





« - Tu t’es déjà fait enculer par un mec ?
- Non !
- Moi si. Mon frère. Plein de fois.
»

Boy A est un film à l’image de son personnage : taciturne et souriant, fort et fragile, sombre et lumineux. La photo est élégante. Quelques plans, justement cadrés, composent, avec grâce, une atmosphère décalée. Les flash-backs alternent la période de tension et celle de rédemption. Le passé hante ce « boy », provoque des cauchemars nocturnes. C’est là que le film de John Crowley nous piège. Car au fur et à mesure que notre sympathie augmente pour cet adolescent brisé, en voie de cicatrisation, nous éprouvons aussi une forme de révulsion à son égard pour les horreurs qu’il a commise. Le spectateur se laisse volontairement embrouiller par tout ce mystère.

Ce léger déséquilibre est ressenti par le spectateur grâce à la subtile et fabuleuse prestation d’Andrew Garfield, maîtrisant parfaitement la moindre expression. Il suffit de le regarder dans la boîte de nuit, où sa vulnérabilité, ses contorsions traduisent autant son instabilité physique que psychologique. Son visage est en perpétuel mouvement. Un gamin un peu perdu, perturbé, qui entre brutalement dans le monde adulte et goûte simultanément une liberté partagée entre la crainte et l’ivresse. Comme il est sensible, cela le rend maladroit, et donc attachant.

La mise en scène enrichit le propos. Elle peut être intime, pudique, suggestive, presqu’abstraite, mettant à nu les sentiments les plus invivables. Mais la caméra sait se faire plus ample, avec un découpage plus serré, scrutant chaque geste dans un contexte extérieur.

Cette histoire de deuxième chance ; commencée dans l’euphorie, l’espérance, se parfume d’amertume puis de désespoir au fil des événements. « L’important c’est son présent pas son passé. » Hélas pour Jack, son passé lui tourne autour et l’épie.

Véritable tragédie, puisque le protagoniste est victime de son destin, Boy A est un film sur les rapports inaboutis entre un père (admirable Peter Mullan) et son fils, le faux (Jack) et le vrai, mais aussi une histoire sur le mensonge et la vérité, où l’honnêteté est confrontée à la réalité. Quand on aime, on veut être sincère. Mais un aveu peut aussi tout détruire. Ce dilemme va détruire les fondations friables d’une reconstruction de soi. C’est un récit où la bêtise humaine choque autant qu’un infanticide. C’est cette absence de jugement de valeurs, cette égalité de traitement entre les faits, cette détestation du sensationnalisme, cette envie viscérale d’être utile à un autre, qui permet de dire que le drame est humain. Profondément.

Il n’y a nul carnage ou guimauve. Il y a juste la détresse de cette jeunesse qui saute aux yeux, source de conflits relationnels, de passions amoureuses, de pulsions violentes. Certes l’enfance est cruelle, presque bestiale. Mais le pardon n’est-il pas possible ?

Pourquoi la mémoire collective n’occulte pas un passé lointain monstrueux et oublie un passé récent glorieux ?

Plutôt que de faire un film à message, de dogmatiser le thème, Crowley préfère pointer l’injustice flagrante subit par ces mineurs emprisonnés : la double peine. Une fois leur prix payé en prison, ils ne sont jamais « libres », ne peuvent pas refaire leur vie. L’enfant qu’il était est peut-être officiellement mort, mais pourquoi faut-il qu’il meurt une fois adulte ? Avec émotion, le film nous emmène jusqu’au bout du ponton, entre mirage et dernier voyage. Et nous laisse avec notre interprétation, nos questions.
 
vincy

 
 
 
 

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