Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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A vif (The Brave One)


USA / 2007

26.09.2007
 



WE'RE NOS ANGELS (IN AMERICA)





"-Pourquoi mes mains ne tremblent pas? Pourquoi personne ne m'arrête?"

Le film n'aurait pas été signé Neil Jordan, ce thriller tourmenté nous aurait laissé froid pour ne pas dire perplexe sur sa moralité. Mais le script est bien plus malin, et retors , qu'il n'y paraît, renouant avec les vieux classiques des films noirs où le personnage principal semble damné.

Si Jodie Foster excelle toujours dans ce type de rôles fragiles et glacés, elle ne dispose pas de quoi étendre tout son talent. Elle porte solidement le film sur ses épaules. "Je ne suis pas un visage, je suis juste une voix" explique-t-elle. Comme si elle souhaitait se désincarner. Paradoxal pour une actrice. Mais cette tendance à l'absence, cette volonté de n'être présente qu'en surface se confond avec cette animatrice radiophonique enracinée dans une ville qui disparaît, une nostalgie d'un temps qu'elle ne peut pas retrouver, ancrée dans une littérature fascinante, un imaginaire, des mots, des sons, des fantasmes. Au point de rendre son histoire d'amour presque irréelle, et pourtant bien charnelle.

Du prologue lumineux et idyllique au final sombre et brutal, Neil Jordan explore encore les contrastes d'une cité où la poésie et la solidarité côtoient la cruauté et l'individualisme. L'itinéraire de sa protagoniste dans la ville comme dans sa vengeance n'est rien d'autre que l'illustration des méandres de son inconscient, de ses doutes à sa détermination, de sa foi à sa rédemption, de ses erreurs à ses désirs. Elle erre. S'égarant sur les voies du mal, cherchant le bout du tunnel. Celui qui mène au passé magnifique, celui qui la ramène à elle. Car A vif n'est surtout pas une banale histoire de justicière masquée. Il s'agit du parcours d'une victime, isolée, laissée seule avec son traumatisme, son deuil, qui la conduit d'une femme amoureuse et heureuse à une femme hantée et paumée. Une personnalité qui se dédouble, se détruit, dévie. Le corps beau se mue en carcasse fracassée.

Le film est aidé par le talent du cinéaste qui fait de cet honnête polar un bon film noir. Il use de tous les artifices visuels, y compris l'onirisme, le réalisme et le voyeurisme. Chaque épisode peut se lire comme un mauvais rêve. A chaque meurtre, on peut aussi se dire que sa descente aux enfers sera de rejoindre son amant dans la mort, après avoir lavé son sang. Jordan prouve en quelques plans la singularité de sa mise en scène. Sn héroïne descend d'un taxi, filmée du bout du couloir, insérant un regard paranoïaque, un rappel au lieu du crime. Il sait installer une atmosphère, et son découpage, précis, son baiser avant la tempête, par exemple, démontre que rien n'est lié au hasard. Il aime cette Babylone des temps modernes et ses êtres défaits par le destin, au bord de la falaise. Il continue d'analyser par ses films les dégâts des deuils et des divorces, des fatalités sur nos choix.

Plus que cela cette femme est étrangère à elle même, comme tous les héros des films de Jordan : ils ne contrôlent jamais complètement leurs actes tout en étant profondément responsables. La part d'animalité nous échapperait. Cependant, a priori, cette histoire aurait pu finir autrement : condamner la peine de mort, mais l'Amérique est violente dans ses gènes, faire l'apologie de la justice individuelle, mais Jodie Foster n'aurait pas accepter un tel fardeau. Ou encore arrêter tous les coupables, Jodie Foster inclue. Mais le propos de l'oeuvre n'aurait plus été la quête identitaire et la gestion du traumatisme; ça n'aurait été qu'un banal film où le flic mène l'enquête et s'arroge le droit d'être le gentil. Or, le flic, parfait Terrence Howard, est plus ambivalent qu'on ne le pense, habile dans le compromis, la nuance et cherchant plus à comprendre qu'à juger.

La morale sera donc forcément immorale. Mais cinématographiquement intéressante. Comme un pacte de sang, un pacte intime entre des êtres qui doivent composer avec une réalité qui n'a rien de binaire. A vif est un film brillant sur la conscience, la responsabilité. "Ca va laisser une cicatrice". Comme tous crimes, il y aura des traces. Comme tous les secrets, ils se révéleront d'une manière ou d'une autre : un regard, un geste. Cet examen de conscience, sobre et efficace, est l'histoire de deux êtres qui se demandent comment recoller des morceaux : trouver un lien entre les meurtres, trouver un lien entre avant et après. Mais les blessures sont toujours vives, et ce faux happy end ne guérira pas notre couple improbable comme il laissera un peu sur sa faim le spectateur, qui interprétera à sa guise cette conclusion où l'Amérique n'a pas su évoluer depuis le temps regretté des Westerns. Une régression entre cette animatrice intello qui citait les grands écrivains et qui finit en tueuse primitive cherchant une issue pour fuir dans la nuit... Une parabole de l'Amérique?
 
vincy

 
 
 
 

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