Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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L'ivresse du pouvoir


France / 2006

22.02.06
 



UNE FEMME PRESSEE

Le livre Bye Bye Bahia



"- C’est bizarre j’ai l’impression d’être dans un rêve"

L’ivresse du pouvoir fait penser à la chanson de Noir Désir, « L’ homme pressé ».
L’homme pressé, c’est d’abord Humeau (François Berléand), le chef d’industrie, l’homme d’affaire qui passe son temps à courir entre un rendez-vous professionnel, un déjeuner au restaurant et les tracas comme ces places à Roland Garros qu’il doit obtenir pour sa mère. Heureusement, une armée de femmes l’entoure pour veiller sur lui et l’aider à gagner du temps. Puis il doit céder sa place à Jeanne Charmant Killman la bien nommée, la femme pressée. Madame le Juge passe son temps à courir entre une audition, un déjeuner au restaurant et une perquisition. Heureusement, une armée d’hommes l’entoure pour veiller sur elle et l’aider à gagner du temps. La force du film de Chabrol repose sur la façon dont il arrive à montrer, tout en subtilité, la circulation du pouvoir, et les transformations que celui-ci fait subir aux personnes qui le détiennent ou qui en sont dépossédées. Cela va de l’interdiction de fumer qu’on impose sans l’appliquer à soi-même, aux faveurs que l’on lâche avec mépris («C’est bon, autorisation d’hospitalisation en milieu libre »), en passant par le pantalon qui tombe sur les chaussettes de l’homme d’affaire obligé de se déshabiller comme tous les autres à la Santé. Ces petites vexations et ces grandes humiliations sont subies par l’ancien homme fort, désormais à la merci d’un juge que la certitude d’accomplir une grande tâche rend imbu de lui-même, et de son pouvoir : «Pourquoi vous acharnez-vous contre moi ?
- Pour faire un exemple (…) Pour vous c’est pas si terrible, et puis ça fera du bien à la France
». Se dessine alors, petit à petit, le portait d’une femme qui a tout - le pouvoir, l’intelligence, la beauté – et qui finalement n’a rien d’autre pour elle que la solitude, dont vient parfois la distraire le neveu de son mari, seul personnage hors de tout combat pour le pouvoir. Cette leçon en filigrane devient éclatante à la fin du film (la rencontre entre l’ex homme pressé et la nouvelle ex femme pressée est à ce titre très réussie) et le symbole en est la paire de gants rouges que porte Madame le Juge. Elle les enfile lors des perquisitions, comme c’est l’usage, mais elle semble surtout les porter pour se protéger, pour rester aussi pure que le voudrait sa fonction de juge. Mais le pouvoir l’éclabousse et la salit malgré tout : les gants sont écarlates, comme le sang de son propre mari, qu’elle a sacrifié à son travail. Loin de la « vraie vie » pendant toute l’instruction, Jeanne Charmant Killman est rattrapée à la fin par la réalité, et c’est pourtant à ce moment qu’elle dit : «C’est bizarre, j’ai l’impression d’être dans un rêve». Mais toutes ces réflexions sur l’attention avec laquelle Chabrol a pensé et fait ce film vous reviennent après coup. Pendant l’Ivresse du pouvoir, on s’ennuie assez rapidement et on lutte avec l’énergie du désespoir contre des paupières qui se font de plus en plus lourdes. Et pour cause : il n’y a, de fait, aucun suspens pour nous tenir en haleine, et pire, on n’apprend rien qu’on ne sache déjà sur les abus de biens sociaux, les systèmes de valises, de commissions et de rétro commissions. («L’argent c’est comme l’huile qui fait tourner la machine»). Ni ivresse ni flacon. Film facile et presque fantaisiste (un comble) à la mise en scène fumiste, le sujet aurait mérité un peu plus d'inspiration et un traitement plus solide, plus sérieux. La narration, qui chez Chabrol prend toujours son temps, est cette fois bien trop lente. Chabrol accuse les réalisateurs actuels de confondre leur « parti pris de staccato» avec le rythme, mais de rythme, son film en manque cruellement. Il y a bien sûr l’alternance entre les scènes qui se déroulent au Palais de Justice et celles qui ont lieu dans la sphère de l’intime, dans les appartements, mais cette alternance est tellement systématique qu’elle en devient ronron poussant à la somnolence. Une somnolence dont on n’est même pas tiré par la musique, la bande son étant ici réduite à la portion congrue. On se console donc en admirant le jeu des deux acteurs principaux, une Isabelle Hupert excellant forcément dans ce rôle de femme «parfaite, lisse comme du marbre» et fragile à la fois, bouffant pizzas, carmels et club sandwichs sur le pouce, et un François Berléand irritant et pathétique à souhait. On prend enfin le parti d’oublier très vite le jeu forcé de Bruel – seule fausse note d’un ensemble d’interprétations globalement réussies (notamment le fils Chabrol qui apporte un peu de lumière et Rennucci qui y amène sa part d'ombre). Mais ces roublards ne tromperont pas le public qui sera un juge sans pitié devant une oeuvre trop franchouillarde, trop peu ambitieuse pour s'intéresser à un feuilleton complexe qui aurait mérité une vision moins chabrolienne (presque populiste) et plus captivante : la comparaison est rude face à Syriana sur les mélanges des genre entre justice, pétrole et argent.
 
asha

 
 
 
 

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