Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Callas forever


France / 2002

18.09.02
 



CARMEN CRAMOISIE





«- On est en 77, le diable est passé de mode.»

Casse gueule. On ne revisite pas impunément de manière révisionniste le crépuscule d'un mythe contemporain. Beaucoup hurleront à la tromperie, à la tricherie, à la supercherie. Comment ose-t-on prendre ses libertés avec la vie réelle d'une femme célèbre ? Mélanger la fiction et le propos historique, l'imaginaire, le fantasme même, à la réalité, en voilà une drôle d'idée.
Cela en choquera plus d'un. Dâ'bord parce que la Callas est une icône transgénérationnelle, toutes classes sociales confondues, égérie pour mélomanes gays, star des ménagères adeptes de people. Ensuite parce qu'il s'agit bien de refaire l'histoire, d'inventer une fin qui n'a pas eu lieu. Enfin, parce que le sujet impose le scandale : le subterfuge technologique ouvre la voie au doute sur le talent de la diva. Sur ce dernier point ajoutons, que les ingénieurs du son ont fortement et historiquement contribué à la singularité vocale de la cantatrice brune.

Sur ces trois points, le cinéaste livre sa réponse. Il n'ignore absolument pas les défauts de son personnage, à la fois prédatrice et fragile, capricieuse et coquette, ingérable et généreuse, exigeante et sensible. En pleine période de libération des moeurs, il n'hésite pas à balancer son héroïne dans un univers homosexuel et marketing. Les deux clés de son succès par delà les âges. Il amène Callas dans une aventure qui n'eut jamais lieu, mais qui part d'un pur désir cinématographique et lyrique : la voir interpréter Carmen. Un pur plaisir d'images provenant d'une hypothèse certes loufoque, mais néanmoins crédible. Et là nous sommes bien dans le domaine du cinéma : la fiction, l'imagination. La véritable réalité est dans l'époque, le contexte et notamment l'industrie musicale, dépeinte comme un monstre carnassier par un marketing déjà calculateur.

Et puis, Callas Forever pose de vraies questions sur l'illusion, les infinies possibilités du progrès. Callas retrouve facticement sa voix au cinéma comme une vieille peau se fait rajeunir la façade. Si la morale loue l'authenticité artistique, massacrant au passage le cynisme des hommes d'argent, l'itinéraire pour y aboutir est semé de contradictions. Le mirage de la technologie combat la nostalgie d'un don perdu. Entre les deux il y a une certaine ivresse proche de la folie, où l'on croit l'avenir régénérant et où le passé est obsédant. Les sentiments de culpabilité, de doute, d'envie sont sans aucun doute les mieux rendus, contrairement aux vagues effleurements amoureux qui en font rien vibrer chez le spectateur.

Car le film est techniquement loin d'être aussi parfait que la Tosca de Callas. Il y a deux films : le film dans le film, très soigné, très grandiloquent, digne du plus pur Zeffirelli, mais trop baroque sans doute pour nous passionner. Et le film autour, bien plus convenu, mais plus intéressant aussi de par la trame scénaristique. Le réalisateur s'amuse en fait dès le début avec un générique volontairement daté des années 70 et étonnamment rock, fondamentalement laid et démodé, mais revendiqué kitsch et gay-friendly. Il existe quelques anachrronismes, quelques invraisemblances que les parisiens dénoteront. Artistiquement, la production n'est pas assez esthétisante pour nous fasciner.
Il faut mieux s'attarder sur la prestation somptueuse de Fanny Ardant, qui livre là un exemple de jeu à l'Américaine : elle s'approprie Callas. Master Class. La pièce nous hante. Le titre lui va si bien.

Il y a un certain humour face aux changements de cette époque. Même dans l'image, quand Irons, qui fut dans Mme Butterfly (le film opéra) voit Ardant-Callas l'incarner. Mais le plus étrange est finalement de succomber au charme de cette technologie (le son) et de cet art (le jeu) où l'on croit Ardant chanter comme Callas. Zeffirelli va donc bien plus loin dans son interrogation de qui est vrai et faux, de ce qui peut exister et ce qui est essentiel.
A l'heure où les effets spéciaux compensent l'absence de création et de stimulation , quand la technologie créé l'illusion, où se situe l'honnêteté, le génie ? La réflexion va bien plus loin que dans ce jeu de miroirs où une comédienne « remake » une voix, unique. Notre monde ne sait désormais que tricher. Un tel sujet aurait peut être mériter mieux qu'un scénario (correct) de téléfilm...
 
vincy

 
 
 
 

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